Algérie

Histoires vraies J'avais treize ans (5e partie et fin)



Histoires vraies
                                    J'avais treize ans (5e partie et fin)
Résumé de la 4e partie - Les parents d'Emilie la conduisent dans une clinique et lui disent qu'elle y restera jusqu'à la fin de sa «maladie»...
«Ma mère m'avait tellement dit qu'à mon âge c'était anormal et que la nature ne voulait pas de chose comme ça. Elle m'avait tellement fait peur que j'ai cru un moment qu'une gosse comme moi ne pouvait accoucher que d'une chose morte.»
Enfin un médecin va lui expliquer. C'est tout simple. Le bébé est vivant, mais il est parti. Elle ne le verra pas, jamais. Ce sont ses parents qui ont décidé.
' Emilie est trop petite pour savoir ce qui est bon pour elle. A présent, on va la soigner encore quelque temps, puis elle rentrera chez elle, elle retournera à l'école, elle reprendra sa vie d'avant, comme avant.
«Il faut oublier tout ça, mon petit. C'était un accident, une bêtise. Tes parents ont eu raison.»
Et surtout, surtout, Emilie ne devra pas parler de tout cela, à personne. Elle doit promettre.
Elle a promis :
«Je m'en fichais de toute façon, et même sur le moment, j'étais presque contente d'être redevenue normale et de quitter cet endroit. A la longue, c'était devenu une prison. Je m'ennuyais de mes frères, de mes copines, de l'école. Je m'ennuyais même de la maison. Il n'y avait que la nuit. La nuit, j'étais effrayée, je rêvais de choses épouvantables. J'accouchais de monstres ou de rien du tout. Je me réveillais en sueur, et je pensais à «l'autre», au bébé. Je ne peux pas dire comment j'y pensais. C'est difficile. Cela faisait un vide terrible. On m'avait amputée d'une part de moi-même et je ne savais même pas laquelle, ni à quoi elle ressemblait. J'ai fait des cauchemars pendant longtemps.»
Et puis Emilie reprend l'école. Elle a quatorze ans, elle ne travaille pas très bien. Elle redouble des classes. Ses parents ne lui parlent plus de rien, ils font comme si elle avait été vraiment malade, mais ils jouent. Quelque chose s'est cassé. Elle n'est plus vraiment leur petite fille.
Puis Emilie oublie. A cet âge-là, en fait, on croit qu'on oublie, c'est une défense naturelle, car il faut vivre. A seize ans, elle entre dans une école professionnelle de coiffure. A dix-sept ans, elle est apprentie dans un salon. A dix-huit ans, elle réalise qu'elle est majeure, alors elle quitte ses parents, l'appartement de son enfance, et elle décide de vivre seule, avec un maigre salaire pour commencer, dans une chambre de bonne.
Et c'est là qu'elle craque. C'est là qu'elle comprend, et se souvient de tout. Pour améliorer sa paie, Emilie garde des enfants, le soir.
Alors parler à quelqu'un lui a fait du bien, provisoirement :
«J'avais treize ans, vous comprenez ' J'étais une gosse, mes parents avaient tous les droits, et je n'aurais même pas pensé à me révolter, ou à me confier à quelqu'un d'autre, c'était comme ça. Horrible, mais c'était comme ça. Aujourd'hui, je réalise. Aujourd'hui, je me demande si d'autres filles ont connu la même chose, et ce qui leur est arrivé. Aujourd'hui je me demande ce qu'ils ont fait de mon enfant. Ce que c'était que cette clinique. Je me demande s'ils l'ont laissé à l'assistance publique, ou s'ils l'ont vendu et j'ai peur qu'ils l'aient vendu. Il y a des gens qui achètent des bébés j'en suis sûre, ceux qui ne peuvent pas en avoir et qui ne peuvent pas en adopter. Je ne sais pas si c'est une fille ou un garçon. Je ne sais même pas ça, ni à quoi il ressemble. Ce que je sais, c'est que toute ma vie je le chercherai.
Que dire ' Qu'ajouter à ce témoignage ' Rien.


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