Algérie

Histoires vraies Grâce aux vautours (1re partie)



Histoires vraies                                    Grâce aux vautours (1re partie)
Seize juin 1967. Il est 1 heure du matin. L'appareil, un vieux C 47 à hélices de l'armée brésilienne, survole l'Amazonie à destination de Manaos. En dessous, on ne voit rien. On pourrait imaginer une campagne paisible avec des champs, des maisons et, de temps en temps, un petit aérodrome accueillant. Mais Jérôme Cimiez, reporter photographe, sait bien que toute défaillance mécanique est interdite, sinon c'est la plongée dans l'immense forêt, cette toile d'araignée verte, prête à se refermer sur sa proie.
C'est alors que la voix du pilote dans le haut-parleur le fait bondir :
' Nous avons perdu notre position. Nous n'avons plus d'essence. Nous allons tenter un atterrissage forcé. Déchargez immédiatement l'appareil.
Pour tous, c'est le réveil brutal. Le chef, le lieutenant Velly, ouvre les portes. L'avion a perdu de l'altitude et l'air chaud de la nuit s'engouffre dans le vieux C 47. Comme des automates, les hommes se mettent à jeter dans le vide les armes et les caisses de munitions qui, évidemment, en cas de choc, exploseraient immédiatement.
L'avion, dont les moteurs se sont arrêtés, descend lentement, mollement, en vol plané. La nuit est toujours aussi noire. Par les portes ouvertes, il monte une odeur lourde de terre humide et de fleurs, l'odeur de la forêt. Et brusquement, c'est le choc. Un choc terrible, puis un second. Jérôme Cimiez se souviendra par la suite d'une interminable sensation de chute, et après, plus rien.
Quand, quelques heures plus tard, il reprend conscience, il fait déjà clair. La première chose qu'il voit, ce sont hélas des morts. II est environné de cadavres. Il est dans la queue de l'avion, là où il se trouvait avant le choc.
Jérôme constate que, par miracle, il n'a rien. Il parvient à se traîner hors du fuselage. II est au milieu d'arbres immenses, dans une terre si molle qu'on s'enfonce jusqu'à mi-mollet. L'humidité et la chaleur sont intenses. Il appelle. Une crainte, une angoisse s'est brusquement emparée de lui : et s'il était le seul survivant ' S'il était seul parmi les morts '
Mais non, d'autres cris répondent aux siens. Voici le lieutenant Velly, le docteur Paolo Fernandes, le médecin du groupe, et puis des soldats : un, deux, trois... trois soldats. Ils sont six survivants en tout.
Mais dans quelles conditions ! Le C 47 s'est éparpillé un peu partout. Il s'est brisé en plusieurs morceaux au contact de la forêt et seule la queue de l'appareil est parvenue intacte au sol avec une relative douceur. Dans les branches, on peut distinguer des formes sombres. Ce sont les cadavres qui sont restés là et qui pendent tragiquement à mi-chemin entre les airs et le sol.
Une journée entière s'est écoulée. Nous sommes le 17 juin 1967. Le lieutenant Velly a pris les choses en main. Il décide que personne ne dormira cette nuit, ni les suivantes. La nuit, dans la forêt vierge, c'est le moment le plus redoutable : le danger peut surgir de n'importe où, qu'il s'agisse des animaux ou même des hommes. La nuit amazonienne est effrayante. Les bruits deviennent tous inquiétants, l'obscurité s'emplit de craquements, de bruissements tout proches. On dormira donc le jour, en laissant un seul homme de veille.
Une semaine passe. Il pleut souvent, ce qui permet de boire, mais il est impossible de faire du feu dans cet univers surchargé d'humidité. On doit se contenter de manger froides les quelques boîtes de conserve disponibles. (A suivre...)


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