Algérie

Histoires vraies L'0pération Jéricho (1re partie)



Nous sommes le 18 février 1944. Raymond Lemonier se trouve dans la prison d'Amiens. Il a été arrêté par les Allemands pour un délit mineur : faux papiers ; il avait falsifié un ausweiss. Mais qu'est-ce qu'un délit mineur quand on est à la merci de la Gestapo, quand on peut à tout instant être fusillé en représailles d'un attentat ' Il n'est pas loin de midi. C'est une fin de matinée d'hiver froide et claire. Mais Raymond Lemonier ne pense pas à lui, en cet instant. Il pense, comme tout un chacun dans la prison, aux quatre hommes qui occupent une cellule non loin de la sienne et dont l'exécution est prévue pour le lendemain. Eux, ils ne sont pas là pour des faits mineurs, ce sont des résistants, des vrais, ce sont même de purs héros. Raymond Lemonier en connaît plusieurs. Il y a Marcel Fuzzelier, qui habitait son quartier et qui a rejoint l'année précédente le maquis le plus proche, celui du Vimeu, dans la région la plus boisée de la Somme. Avec deux camarades, il s'est fait prendre dans Amiens, les armes à la main, au cours d'une expédition nocturne. Le genre de chose qui ne pardonne pas. Un jugement expéditif et une date : 19 février. Ils seront passés tous les trois par les armes demain. Mais, avec eux, il y a surtout Jean Beaurin, dit «Jeannot». Tout le monde dans la prison connaît son nom. C'est une figure de légende. Les coups qu'il vient d'infliger aux Allemands en quelques mois sont dans toutes les conversations.
C'est le spécialiste des sabotages ferroviaires. C'est lui qui est personnellement responsable du déraillement de Frieulles il y a deux mois. Ce jour-là, un train complet de soldats allemands qui partait vers le front de l'Est s'est renversé sur la voie. Il y a eu deux cents tués et plus de quatre cents blessés. Mais quinze jours plus tard, il a fait plus fort encore. A Miremont, toujours dans la Somme, il a réussi, en inversant les aiguillages, à faire se télescoper un train de permissionnaires de la Wehrmacht et un convoi de panzers à destination de la Russie. Une hécatombe : un général de division, quatre-vingt-dix officiers, cent sous-officiers et soldats tués, plus des dizaines de chars détruits.
Cela, Raymond Lemonier le sait. Mais ce qu'il ne sait pas, c'est l'étrange comportement qu'a en ce moment même Jean Beaurin dans sa cellule : il chantonne ! Ses trois camarades sont admiratifs ; devant son mépris complet de la mort, ce défi qu'il lance pour la dernière fois à l'ennemi. Mais, à la fin, ils n'en peuvent plus.
' Tais-toi, Jeannot !
' Pourquoi '
' Il faut nous comprendre. Ce n'est pas supportable. Tu ne sais donc pas ce qui va se passer demain '
' Demain.., c'est loin demain.
Jean Beaurin les regarde en silence. Ses camarades lui trouvent soudain un air étrange.
' Si tu sais quelque chose, il faut le dire, bon sang !
Il est exactement midi, ce 18 février 1944. Les douze coups viennent de sonner, au loin, à la cathédrale d'Amiens. Et brusquement, en même temps que le dernier coup, il y a un bourdonnement léger qui s'amplifie peu à peu.
Les quatre hommes se précipitent vers le vasistas. Là haut, très haut dans le ciel, il y a des petits points brillants ; deux escadrilles s'approchent à toute allure et piquent vers la prison. Maintenant, ils sont tout près. On distingue leur cocarde bleu blanc rouge avec le rouge à l'extérieur : des Anglais.
' Mais alors, tu savais, Jeannot... (A suivre...)


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