Algérie

Histoires vraies Charlotte est une grande fille (2e partie)



Histoires vraies                                    Charlotte est une grande fille (2e partie)
Résumé de la 1re partie - Dans l'appartement, Hervé découvre une femme attachée et bâillonnée qui le supplie de l'emmener loin de sa s'ur qui la séquestre...
Hervé remarque un tremblement dans la voix de cette femme.
' Il n'y a rien à expliquer, dit-il.
Mais il se surprend à rentrer dans l'appartement.
' Oh si ! il y a plein de choses, fait la dame.
Et elle commence :
' Je vais essayer de faire simple. Ma s'ur Thérèse est née en 1924, moi, Charlotte, en 1936. Quand j'avais quatre ans, notre père a été tué par les Allemands. Un obus. A Dunkerque. En apprenant la nouvelle, notre mère s'est suicidée. Vous me suivez '
' Ce n'est pas la peine, dit Hervé. Vous cherchez à vous justifier.
' Exactement. Je cherche à me justifier.
Et la femme continue :
' J'ai été placée chez ma tante, la s'ur de ma mère. Ma s'ur aînée...
Elle s'interrompt et fait un signe de tête pour désigner la chambre du fond :
' ... Thérèse, elle, avait déjà seize ans. Elle était très forte de caractère et s'y connaissait dans le commerce. Elle a donc fait marcher la boutique avec un de nos cousins avec lequel elle s'est mariée.
Hervé se surprend à opiner. La boutique en question, il la connaît bien : c'est le magasin de fleurs en bas de la rue. Son interlocutrice explique qu'en 1951, quand elle-même eut quinze ans, elle a quitté l'école pour venir vivre avec sa s'ur et son nouveau beau-frère au-dessus du magasin. Au début, elle était contente ; le jeune couple la menait assez durement, mais elle trouvait magnifique de les aider à faire prospérer leur affaire. Cependant, l'emprise de l'aînée sur sa toute jeune s'ur n'a fait que croître.
' Bien sûr, explique la femme, je ne manquais de rien. Si j'avais besoin d'une robe ou d'une paire de chaussures, ma s'ur me les achetait sans trop se faire prier ' à condition de m'accompagner dans le magasin et de choisir à ma place. J'étais plutôt bien nourrie, et mon beau-frère me coiffait lui-même comme il coiffait sa femme d'ailleurs.
Le visage de la femme se rembrunit.
' Mais pour le reste, dit-elle, ils me traitaient comme une enfant : jamais de sorties, ni au cinéma, ni au bal, jamais de conversations d'adultes en ma présence ' exactement comme si j'avais eu huit ans. A 9 heures le soir, ma s'ur me disait : «Allez, Charlotte, au lit ! C'est l'heure !»
' Et cela jusqu'à quel âge ' demande Hervé.
' Jusqu'à quarante ans, monsieur ! Jusqu'en 1976 pour être exacte. Mais entrez dans la cuisine, je vais vous faire un café.
Hervé obtempère.
' Cet été où il a fait très chaud, j'ai demandé si je pourrais avoir un ventilateur dans ma chambre. Tous les deux se sont moqués de moi. Je n'en pouvais plus. Je me suis dit qu'il était grand temps que j'acquière un peu d'indépendance.
Ma s'ur possédait alors une chambre de bonne dans le même immeuble que la boutique. Je lui ai demandé de me la prêter. Je ne dis pas «louer», puisque je n'ai jamais perçu un seul salaire, pas même d'argent de poche.
Hervé met un sucre dans son café.
' Vous continuiez pourtant à travailler, pour eux, dit-il.
' Oui, monsieur. Dix heures par jour, samedi compris ! (A suivre...)


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