Algérie

Histoires vraies La traîne (3e partie et fin)



Histoires vraies                                    La traîne (3e partie et fin)
Résumé de la 2e partie - On ordonne au pilote d'atterrir sans se soucier de l'homme accroché à la queue de l'avion...
Il jette un 'il en direction de son élève :
' Vous me suivez '
' Bien sûr, mon capitaine, fait le lieutenant en baissant la tête.
A la queue de l'appareil, le parachutiste s'est mis à tourner sur lui-même dans l'axe de la courroie, mais aussi, et c'est nettement plus grave, à décrire de grands cercles qui descendent nettement au-dessous du plan de l'avion. Autrement dit, quand l'appareil va s'approcher du sol, le malheureux risque fort de se retrouver projeté hors de la piste avant l'atterrissage, puis traîné en travers. Comment survivrait-il '
Le capitaine de Brades tente évidemment d'émettre par radio plusieurs objections de ce genre. Mais comme s'ils disposaient de la science infuse, les responsables de l'état-major refusent d'en tenir le moindre compte.
' Atterrissez ! répond la voix grésillante. Un point c'est tout !
La mort dans l'âme, le capitaine amorce donc son atterrissage ; il perd de l'altitude et vire pour se placer dans l'axe de la piste en béton.
' La piste en sable ! lui crie-t-on dans le casque. La piste en sable, vous m'entendez '
Cette fois de Brades en a assez. Après tout, c'est son avion, c'est son para, c'est sa man'uvre ! S'il échoue, on ne se demandera pas longtemps qui est le responsable. Alors, au moins, qu'on le laisse libre de sa tactique !
Penché à la tranche arrière, le sous-officier parachutiste observe son jeune camarade avec angoisse. Le pauvre continue à tourner sur lui-même comme une toupie. Soumis à un tel régime, comment pourrait-il s'orienter à supposer qu'il ait retrouvé ses esprits, ce qui reste improbable. Mais, soudain, le brave adjudant reprend espoir :
' Mon capitaine, il a bougé ! Il a bougé !
Aux commandes, de Brades lève les sourcils. «Il a bougé, pense-t-il, la belle affaire ! Qu'est-ce que ça va bien pouvoir changer à l'issue de la man'uvre '» Sans se soucier des indications proférées par la tour, dans un casque qu'il a relégué autour de son cou, le capitaine fait un premier passage classique, puis il opère un dernier virage et commence son approche, il décide de sortir d'emblée le train d'atterrissage et de se freiner en l'air plus que nécessaire.
Aussitôt un cri parvient de l'arrière de l'appareil : ' Il s'est stabilisé ! Mon capitaine, il ne fait plus de grands ronds !
De Brades est à présent trop concentré pour se permettre de sourire. L'avion est à quelques mètres seulement de la piste.
Apparemment, le parachutiste n'a pas encore touché le sol. Dès que les roues arrière commencent à frôler le béton, le capitaine actionne les freins à mort. Il appuie comme un sourd. Le contraire absolu de ce qu'on apprend aux jeunes pilotes.
' Ne regardez pas ! crie-t-il au jeune Belin médusé. Les deux pneus éclatent, mais l'appareil s'arrête en une distance record de cent mètres seulement ! Les secours n'en espéraient pas tant ; ils s'étaient postés à trois cents mètres du début de la piste et doivent redémarrer pour s'approcher du pauvre para. Dans quel état vont-ils le retrouver ' Mais alors que l'ambulance des pompiers n'est plus qu'à trente mètres, tout le monde peut voir, sidéré, le parachutiste se relever et s'épousseter, comme après un saut normal ! Le jeune adjudant saute alors de l'appareil et se jette dans les bras du miraculé. Les deux hommes se congratulent. Au moment de son arrivée au sol, le parachutiste a eu le réflexe de se protéger la tête dans ses mains, et la chance de toucher le sol sur le dos ; protégé par son harnais, il s'est juste un peu échauffé la peau en surface. Le capitaine de Brades est heureux ; il a rempli sa mission. Le lieutenant Belin lui donne une poignée de main fraternelle ; dans son regard, on lit toute l'admiration du monde. Pourtant, quelques minutes plus tôt, au moment du renversement en piqué, la foule amassée sur la piste a crié en ch'ur : «Assassin !» Et les insultes ont redoublé quand l'avion s'est placé dans l'axe de la piste en dur. Dans quelques instants, le capitaine de Brades sera accueilli en héros chez le colonel commandant la base. On va l'applaudir, le féliciter, peut être même le citer. Mais, à cette perspective, l'officier ne peut s'empêcher de sourire en lui-même. Car il le sait : un coup d'éclat comme celui d'aujourd'hui, c'est bien... mais quand ça réussit.


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