France 1922. Ce soir c'est la fête au village. La journée a été chômée. Ce matin, tout le monde ou presque a participé à la procession de sainte Ildefonse, la patronne qui a protégé la communauté de la peste en... en quelle année déjà ' Aucune importance, ça remonte à si loin et tout le monde s'en moque.
' Bernard Guyot et Antonin Levesque s'en moquent encore plus que les autres. Ils sont bien éméchés. Il faut dire qu'ils reviennent du service militaire et ils ont passé la journée à brailler dans les rues du village :
' La quille, bon Dieu !
Tout le monde les connaît par ici. Ce sont de braves garçons solides et rieurs. A chaque maison on les invite à entrer
' Alors les gars, c'est fini, l'armée ' Vous n'avez pas été au gniouf, par hasard '
' Pas de risque, on est trop malins. On s'est tenus bien à carreau. Pas un jour de taule. Est-ce qu'on a des têtes de taulards '
Eh bien justement, Bernard et Antonin, s'ils n'ont pas des têtes de malandrins, sont, sans le savoir, sur la mauvaise pente.
' Allez ! Les gars, une petite gnôle ! Pour fêter votre retour à la vie civile. C'est bientôt les moissons, il va falloir retrousser ses manches !
Bernard et Antonin acceptent la gnôle, un peu plus loin du vin rouge, plus loin encore du cidre bien frais. Tout est bon, tout «fait ventre», comme on dit. Aussi, quand le village se calme un peu, après la kermesse, le marché aux canards et le bal populaire, nos deux amis se réveillent au fond d'un fossé.
' Antonin, quelle heure qu'il se fait donc ' Le soleil se couche.
' Oh ! là ! là ! mon pauvre Bernard, qu'est-ce que je tiens ! J'ai mal aux cheveux.
' Et si on poussait jusqu'à La Ferté, la marche nous réveillerait et le café de la mère Mavuche ferme tard. Elle nous ferait une omelette au lard et on ferait glisser ça avec quelque chose de gouleyant !
Titubant un peu, Antonin et Bernard se mettent en route vers le hameau de La Ferté : à peine deux kilomètres.
' Dis donc, Antonin, c'est à La Ferté qu'habite ta tante, la vieille Eulalie, non '
' Cette vieille vache ' Je veux ! Quand je suis parti faire mon temps, j'ai été lui dire au revoir. Qu'est-ce que tu crois qu'elle m'a donné comme viatique ' Nib de nib, pas un sou troué. Une médaille pieuse en aluminium. J'ai jamais vu une avaricieuse comme ça...
' Tu sais quoi, Antonin, on devrait aller lui chiper une ou deux poules. Ni vu ni connu j't'embrouille.
' C'est parti ! En route, ça terminera la journée en beauté.
Et c'est ainsi que Bernard et Antonin, pas très solides sur leurs jambes, se mettent en route vers leur destin. II va se passer pas mal d'années avant qu'ils ne revoient leur village, leurs parents, leurs amis. Ou du moins ceux qui seront encore en vie.
Une fois arrivés à La Ferté, rien de plus facile que d'entrer dans le jardin qui jouxte la ferme de la tante Eulalie. Antonin connaît bien le chien, le pauvre Hannibal qui passe toute sa journée attaché à la même chaîne. Hannibal connaît Antonin, il n'aboie pas, il remue la queue.
' Tiens en voilà une !
Bernard a saisi une grosse poule qui dormait déjà dans le poulailler. Elle n'a pas le temps de lancer le moindre cri qu'elle est déjà étranglée. Antonin la glisse sous sa veste de drap noir.
A suivre
Pierre Bellemare
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Posté Le : 07/07/2012
Posté par : presse-algerie
Ecrit par : Info Soir
Source : www.infosoir.com