Algérie

Histoires vraies



Résumé de la 2e partie n Suzanne atterrit dans une grande maison louche et aux occupants peu sympathiques...
Etant nouvelle et de loin la plus jeune, Suzanne a la préférence des clients. Pour elle, c'est un supplice. Elle s'y refuse de tout son être ; et, comme il n'y a pas moyen d'y échapper physiquement, elle tente de fuir par la pensée ; alors, elle s'imagine que ce n'est pas elle qui se livre, que c'est une autre.
Le soir, de 8 heures à minuit, elle descend dans la grande salle, où elle fait les cent pas avec les autres femmes. Elles sont toutes là, marchant autour des tables jusqu'à ce qu'un client les choisisse. Dès qu'une femme ralentit, le patron frappe dans ses mains et crie :
' On tourne, mesdames ! On tourne !
De temps en temps, il arrive qu'un client appelle plusieurs femmes à la fois. Elles en profitent alors pour échanger quelques mots. C'est comme ça qu'une femme, celle qui porte toujours une Croix du Sud en or, peut confirmer à Suzanne les propos du tenancier.
' T'es marron, lui dit-elle tout bas. C'est pareil pour nous toutes.
' Mais... pas moi...
' Si, t'es marron comme les autres.
Avec le temps, Suzanne se rend à l'évidence : elle ne peut compter que sur elle-même. Il faut qu'elle sorte d'ici. Il doit bien y avoir un moyen ! Son seul contact avec l'extérieur, c'est le médecin. Il vient chaque semaine pour la visite. Mais comment lui parler ' En fait dès la deuxième visite, le docteur lui facilite la tâche.
' Tu es bien jeune, lui dit-il. Tu n'as jamais pensé à une autre vie '
' Je ne pense qu'à ça. Mais je ne sais pas comment sortir d'ici...
' Ecoute, dit le médecin en baissant le ton. Voilà ce que nous allons faire...
En quelques minutes, leur plan est au point. Et dès la nuit suivante, une fois la maison endormie, Suzanne descend sur la pointe des pieds et se faufile vers l'arrière-cuisine, prenant garde de ne pas réveiller les chiens. Elle s'approche de la porte qui donne sur la cour de derrière et, retenant sa respiration, frappe cinq petits coups, comme convenu. Pas de réponse. Suzanne se désespère ; son complice l'aurait-il oubliée ' Elle frappe à nouveau cinq coups, un peu plus forts que les précédents. Cette fois, la serrure grince. Son c'ur bat fort. La poignée s'abaisse, la porte s'entrouvre, mais ce n'est pas le médecin qui apparaît, c'est le patron lui-même.
' Tu croyais lui échapper, à «l'ordure», hein ' Tu prends le toubib pour un cave !
Elle voudrait se sauver, mais le borgne lui saute dessus et la roue de coups. La correction est sévère, et il faudra une semaine pour qu'elle s'en remette.
Un soir, la femme à la Croix du Sud réussit à la prendre à part ; elle lui dit :
' Je sens que t'as des tripes ; t'en as dans le ventre.
Et parlant du salaud qui l'a vendue :
' Tu t'en sortiras, tu le retrouveras, tu le buteras.
Cette phrase, Suzanne va la retenir et se la répéter inlassablement pendant deux ans et demi. Même quand tout espoir semble perdu, elle ressasse cet objectif, son seul
but : «Tu t'en sortiras !»
A suivre
Pierre Bellemare




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