Algérie

Histoires vraies


Histoires vraies
A dix-sept ans, Suzanne est une jeune fille honnête et sans histoires. Elle a quitté sa province et ses parents, des gens très modestes, pour venir travailler en banlieue parisienne, comme ouvrière dans une fabrique de piles. Son seul divertissement, c'est le bal, et elle sort souvent. Or à Paris, dans ces années 30, certains bals ont très mauvaise réputation. L'As de Pique ou La Boule Rouge sont de ceux-là, mais aussi Le Chat qui miaule, où Suzanne se rend régulièrement depuis quelques semaines.
Les hommes qui fréquentent Le Chat qui miaule ont entre trente et trente-cinq ans - complet et chapeau d'alpaga, le «diam» au doigt... De quoi fasciner Suzanne. Ce soir, elle a repéré un homme «qui a de la classe», seul à sa table. Elle ne le quitte pas des yeux, jusqu'à ce qu'il l'invite à danser, en sifflant, comme ça se fait ici. Il s'appelle Paul. Suzanne n'est pas déçue ; son cavalier l'entraîne dans plusieurs javas endiablées.
Désormais, la jeune femme est comme magnétisée. Plusieurs soirs de suite, elle fait tout son possible pour séduire Paul, le dévorant de ses yeux vert pâle, agitant ses longs cheveux dorés. Mais Paul garde ses distances, il se contente de la regarder fixement, de temps à autre, comme s'il se posait des questions. Alors Suzanne insiste ; elle revient à la charge, jusqu'à ce qu'il finisse par changer d'attitude.
Car un beau soir, il va changer d'attitude - du tout au tout ! Il fait signe à Suzanne de s'approcher et, tout en commandant le champagne, la présente à ses amis en ces termes :
' Voici ma nouvelle femme.
Suzanne n'en croit pas ses oreilles. Pour elle, c'est déjà l'extase. Puis Paul lui demande tout bas, presque tendrement :
' Tu veux danser '
Elle en est sûre : ce soir c'est sa vie qui commence. Paul la considère déjà comme sa femme ! Elle est fière, elle se sent plus grande que la tour Eiffel ! Pendant qu'ils dansent tous les deux, Paul lui parle à l'oreille :
' Je vais acheter un bar en Afrique du Nord, tu sais ' Si tu veux, on s'installe à notre compte...
Elle qui rêvait d'une nouvelle vie à deux, la voilà comblée. Dans les jours qui suivent, le voyage est arrangé. Les choses ont l'air de se faire d'elles-mêmes, comme par enchantement.
Seulement voilà, la veille de leur départ, Paul reçoit un pneumatique : sa mère a fait une attaque, il doit se rendre à son chevet. Ça tombe mal, et d'autant plus que la cabine sur le bateau est déjà réservée.
' Le mieux, explique-t-il à Suzanne, c'est que tu partes avant moi je te rejoindrai à Constantine dans deux ou trois jours.
Et, pour la rassurer, il ajoute :
' Des amis à moi t'attendront sur le quai, à Bône. Tu verras, ils sont un peu spéciaux, mais ce sont de braves types.
Suzanne hésite un peu ; partir seule ne l'enchante pas. Mais puisque Paul doit la rejoindre dans quarante-huit heures, elle accepte.
Après deux jours de traversée, le «Lamoricière» entre de nuit dans le port de Bône. En bas de la passerelle, Suzanne finit par trouver la voiture noire qui l'attend sur le quai. Paul avait raison, ses amis sont «un peu spéciaux» - et pas causants du tout.., ils la conduisent sans un mot vers le sud du Constantinois, à la limite du Sahara, jusqu'à une grande maison isolée, entourée de hauts murs... (A suivre...)


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