Algérie

Histoires de traumatismes



Histoires de traumatismes

Une scène du filmPrésenté en avant-première mondiale au Fica, mercredi dernier, le cinquième long métrage de Amor Hakkar n'a pas convaincu le public qui est sorti, l'air bien mitigé, de cette projection, malgré les «bons sentiments» qui se dégagent du film.Trop de mélo, tue le mélo. Le film est un voyage des souvenirs de deux femmes qui ont vécu la guerre d'Algérie enfants. Il passe du huis clos d'une chambre d'hôtel au maquis. Si les dialogues sont bien écrits, on se lasse très vite du jeu mélodramatique des deux comédiennes qui nous font plus penser à une pièce de théâtre bien verbeuse qu'à un film. Le récit alambiqué pèche par un trop de lourdeur qui accroît le sentiment de lassitude, même si les intentions semblent bonnes pourtant. Une Française arrive dans un vieux douar et demande à voir Aïsha. Celle-ci avait assisté, étant jeune, à la mort de son fils, soldat de son état, 20 ans auparavant. Dans les Aurès, en fait, en pleine guerre de Libération nationale, quatre Algériens désertent l'armée française dans laquelle ils ont été enrôlés. Les officiers sont persuadés que les habitants du village de Ouled Mokrane cachent dans leurs maisons ces «fellagas».20 ans plus tard, ladite Française revient dans cette région où son fils a péri pendant l'attaque. En fait, le commandant de cet escadron rencontre sur le lieu, Belkacem, qu'il a connu lors de la guerre avec l'Allemagne. Aujourd'hui devenus ennemis, le capitaine décide de se venger sur ces habitants, après avoir exécuté déjà deux membres de ce village. La petite fille du père tué dans le dos est cachée dans les buissons. Le capitaine venait de recevoir aussi une lettre de sa femme lui annonçant sa séparation. C'en était trop pour le capitaine...20 ans après, la fillette a grandi. Elle s'appelle donc Aïsha et elle est campée par Meriem Medjkane. Le soldat français mort dans cette embuscade était en fait un enfant illégitime à cette époque car Magui, la Française, l'avait conçu jadis avec un prisonnier algérien, qui venait travailler dans sa ferme. Les histoires et les destinées s'entremêlent. Aïsha va confier à l'Autre sa culpabilité d'avoir vu son petit frère mort sous son nez alors que la Française lui confiera sa déception de ne pas avoir su retrouver l'homme qu'elle aimait depuis toutes ces années, même si elle refera sa vie avec un Français, puis finira par le quitter. C'est partant de ces confidences et flash-back que va se construire la trame du film qui évoluera entre mémoire et histoire. Lors du débat qui a suivi la projection, Amor Hakkar dira «souvent la guerre nous permet d'exorciser des souffrances ou des rancoeurs qu'on a accumulées. Après avoir reconnu Belgacem, la guerre devient un prétexte pour le capitaine à des fins personnelles. Ce sont souvent les circonstances qui font que vous pouviez avoir parfois un comportement différent.» Et de rajouter plus loin: «Par rapport au cinéma que je fais, que je revendique et j'assume, ce qui m'intéresse est à l'instar de mes films qui ont participé à de grands festivals, dont certains encore d'aujourd'hui c'est d'aller partout. Je veux permettre que ce film puisse être vu le plus largement dans le monde, autrement on en revient à une histoire humaine, dès lors, qu'on regarde ce film et on découvre le destin extraordinaire de ces personnages et que ça permet à ces gens qui regardent ce film de savoir où est l'Algérie et partir sur Internet ou ouvrir un cahier pour connaître la vraie histoire de l'Algérie, cela inscrira mon film dans une démarche d'universalité. C'est ce qui m'intéresse.On doit aussi permettre à tous ceux qui sont différents de nous d'ailleurs et qui pourtant, nous ressemblent, de leur donner la clé pour comprendre, s'intéresser à notre histoire. La clé fondamentale, celle qui nous réunit tous est celle de la tragédie humaine.» Présente à la projection, Florence Bouteloup, la scénariste du film dira pour sa part: «La manière dont on a abordé le sujet consistait à parler des traumatismes. Maguie survit en France tant bien que mal, mais ne vit pas, son fils survit jusqu'à ses 19 ans et il meurt, Aïsha survit après avoir vu son père et son petit frère mourir devant elle mais elle, ne se marie pas. Ce qu'on a voulu montrer est que les gens qui n'ont pas connu cette guerre physiquement et n'ont pas combattu voient leur vie basculer, que ce soit la guerre d'indépendance, ou quand les Français ont voulu chasser les Allemands, quels que soient les traumatismes ils sont les mêmes...» et de renchérir: «Si elles n'ont pas été victimes physiquement, ces femmes souffraient de choses qu'elles ne pouvaient pas dire.Magui ne peut pas raconter qu'en 1940 elle était avec un étranger, Aïsha porte aussi la culpabilité parce qu'en étant cachée, elle pense être la cause de la mort de son petit frère. Il ne s'agit pas de raconter l'histoire de deux camps qui s'affrontent, même si l'histoire de la guerre est là en arrière fond, il s'agit de raconter l'histoire d'êtres humains qui ont souffert. Tout le monde a payé le prix fort, y compris les femmes, les enfants...»




Votre commentaire s'affichera sur cette page après validation par l'administrateur.
Ceci n'est en aucun cas un formulaire à l'adresse du sujet évoqué,
mais juste un espace d'opinion et d'échange d'idées dans le respect.
Nom & prénom
email : *
Ville *
Pays : *
Profession :
Message : *
(Les champs * sont obligatores)