Algérie

Histoires à dormir debout



«L'homme instruit par l'histoire sait que la société peut être transformée par l'opinion, que l'opinion ne se modifiera pas toute seule et qu'un seul individu est impuissant à la changer.» Charles Seignobos.
Je me souviens encore, il y a bien longtemps, que Hamraoui Habib Chawki avait promis aux téléspectateurs de l'Unique et de ses avatars, la création de plusieurs chaînes spécialisées et la dotation du réseau de télédiffusion de système numérique. J'avais dit à l'époque que le système numérique n'améliorerait en rien la qualité des programmes d'alors et encore moins l'augmentation de la quantité d'une production qui n'arrive pas à occuper l'espace audiovisuel. Quant aux chaînes spécialisées, il faut se rendre à l'évidence que notre pays ne dispose pas, hélas, de l'ambiance nécessaire à une production diversifiée. Ainsi on a créé une chaîne entièrement arabisée et satellisée pour faire plaisir à nos rares soutiens du Moyen-Orient, une chaîne qui se prétend berbère pour faire taire les supporters du printemps 1980. On a souvent parlé d'une autre entièrement consacrée au sport comme on a avancé la création d'une chaîne scientifique. Mais ce serait une gageure que de parler de sciences là où le rationalisme est pourchassé comme un ennemi dangereux. Il n'y a qu'à voir la place enviable que tiennent les «raquis» dans un pays où se soigner relève d'un voyage au long cours ou...court. Il reste le sport. On sait bien que le sport, en général, et le football en particulier attirent les foules nombreuses pour célébrer le culte d'un chauvinisme qui reçoit souvent des coups de pied quelque part. Evidemment, je ne parle pas de l'importation des nouvelles technologies qui accompagnent ces créations: il est bon de se montrer à la page dans un univers où la concurrence est rude. Faut pas jouer les riches quand on n'a pas le sou! Mais à mon avis, ce qui urge, c'est la création d'une chaîne d'histoire. Au pays de la censure pluriséculaire, de la langue de bois et du parti unique, il serait bon de déterrer ce vieux passé qui intrigue beaucoup et angoisse certains. Je bave d'envie, quand sur les chaînes étrangères, je vois trois pelés et deux tondus s'escrimer à fleurets mouchetés au sujet d'une zone d'ombre de leur histoire nationale. Et nous, des zones d'ombre, nous en avons à revendre! Il paraît qu'il y a déjà un ministre qui en a parlé un jour, comme çà, en passant. Mais il ne faut pas passer sur l'histoire, monsieur! C'est important! Surtout après toutes les balivernes qu'on nous a fait avaler: «Un seul héros: le peuple!.» Combien de héros y a-t-il eu dans ce bon peuple' Combien de lâches sont devenus héros' Ou vice versa. Surtout qu'avec le temps qui passe, avec la disparition progressive des personnages de second plan (ceux du premier sont déjà là-bas), n'importe qui peut se prévaloir d'un rôle fictif qu'il s'est taillé à sa mesure. De Tlemcen à Tébessa, de Dunkerque à Tamanrasset, tous ceux qui ont vécu les années de braise peuvent apporter un témoignage sur les horreurs de la guerre. Mais il y a des gens qui veulent arranger l'histoire à leur manière, selon leurs affinités. Invités par une chaîne radio nationale pour une émission consacrée à la guerre de Libération, un couple n'a pas hésité à salir la mémoire de l'aspirant Maillot, ce héros qui a livré un camion d'armes à la naissante ALN.
Selon ces vieux témoins, ces armes étaient obsolètes et inutilisables: l'auditeur aurait déduit de lui-même que c'est encore un coup fourré de ces communistes dont les militants ont toujours payé cher les combats pour les cause justes. Si cela était ainsi, pourquoi des anciens moudjahidine de renom comme Lakhdar Bouregaâ ou Mustapha Fettal, participent-ils à toutes les commémorations à la mémoire de Maillot, de Laban et d'Yveton' L'héritage le plus sûr que l'on ait eu du messalisme et du colonialisme français, est comme on le voit, l'anticommunisme primaire. D'où l'urgence d'une chaîne d'histoire pour ne pas dormir debout.


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