Très jeune, l'Algérie a contracté le virus de la "maladie hollandaise". Cette affection, diagnostiquée dans les années 1960 aux Pays-Bas - d'où son nom -, est provoquée par l'irruption d'une richesse unique et subite.
Ici, c'est la découverte de pétrole, en 1956, dans le Sahara algérien, qui est en cause. L'Algérie, malade de son or noir : ce constat clinique, Hocine Malti le dresse avec un regard de praticien aguerri. Ingénieur pétrolier, il a participé aux premiers pas de cette nouvelle industrie avant de devenir un des dirigeants du secteur, puis un consultant international.
Il raconte comment, d'abord, il y a la découverte du premier gisement, en janvier 1956, six ans à peine avant l'indépendance de l'Algérie. Puis viennent les manoeuvres françaises, qui, sentant que le pays va leur échapper, tentent de séparer le Sahara du reste de l'Algérie - manoeuvres auxquelles mettra fin le général de Gaulle en septembre 1961. Il y a, enfin, la naissance, en 1963, de la Sonatrach, la compagnie nationale d'hydrocarbures, qui deviendra un Etat dans l'Etat. Encore aujourd'hui, la Sonatrach, douzième groupe mondial, premier d'Afrique avec ses quelque 50 000 salariés, domine la vie politique et économique de l'Algérie.
"98 % des importations du pays sont couverts par les recettes procurées par le pétrole et le gaz", assure M. Malti. Il relate alors en détail, sans verser dans le pamphlet, comment, au fil des années, le groupe est devenu la proie d'une corruption grandissante (en janvier , il s'est trouvé à nouveau au coeur d'un scandale, son PDG a été placé sous contrôle judiciaire, sa direction décimée...), et comment il n'a cessé d'être l'enjeu de relations internationales perverties.
"Cette politique, qui consistait à attirer les compagnies pétrolières américaines (...) afin de sortir du face-à-face avec la France, évoluera, en raison de la soif de pouvoir et du désir d'enrichissement personnel de la classe dirigeante, vers une mainmise croissante des firmes américaines sur le pétrole, dénonce l'auteur, qui fut vice-président de la Sonatrach de 1972 à 1975. Puis viendra le temps de la compromission totale de la collaboration avec les officines de renseignement américaines et le lobby militaro-industriel des Etats-Unis, qui entraîneront le pays vers le gouffre au fond duquel il se trouve aujourd'hui."
A côté, le pas de deux avec les Soviétiques des années 1970 paraît bien pâle ! Et c'est sur un sidérant chapitre consacré à la société algéro-américaine Brown & Root-Condor (BRC) que le livre s'achève. On y apprend que cette société, créée en 1994, était détenue pour partie par Kellog Brown & Root, elle-même filiale du géant américain Halliburton - présidé par Dick Cheney avant qu'il ne devienne vice-président des Etats-Unis en 2001.
"Un filon formidable de collecte de renseignements pour la CIA", écrit M. Malti, doublé d'une entreprise juteuse avec un chiffre d'affaires "multiplié par vingt" en douze ans d'existence... Et, surtout, BRC aurait permis l'installation, dans le Sahara, d'une base américaine secrète. La révélation de son existence en 2006 aboutit, l'année suivante, à sa dissolution, à la demande du président algérien lui-même, Abdelaziz Bouteflika.
HISTOIRE SECRÈTE DU PÉTROLE ALGÉRIEN d'Hocine Malti. La Découverte, 358 p., 21 euros.
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Posté Le : 07/09/2010
Posté par : infoalgerie
Ecrit par : Isabelle Mandraud
Source : www.lemonde.fr