Algérie

Histoire de pomme de terre belge... La campagne électorale à Oran



Histoire de pomme de terre belge...                                    La campagne électorale à Oran
Photo :S. Zoheir
De notre Correspondance particulière
Noredine Boussedra

Dans les quartiers de la ville d'Oran et encore plus dans les agglomérations rurales des 26 communes de la wilaya, concernant l'ambiance de campagne électorale pour le renouvellement des assemblées locales (APC'APW), les panneaux d'affichage des candidats en lice sont vides, à l'exception d'une ou deux formations politiques qui ont collé leurs affiches respectives et qu'on peut apercevoir de loin dans les cités à grande densité humaine ou sur les murs de leurs permanences. Dans ce domaine et du côté de la wilaya, d'une manière générale l'Administration chargée de préparer tous les aspects bureaucratiques et organisationnels des différentes phases liées à la campagne et au double scrutin pour le grand rendez-vous du 29 novembre, semble maîtriser avec professionnalisme la situation. Hormis le passage de Ouyahia, secrétaire général du RND, qui a animé un meeting à Oran, et les rencontres de proximité des représentants locaux des formations politiques en lice, rien ne laisse présager qu'il y a un enjeu de taille pour gagner les 54 sièges à l'APW et les 43 autres aux APC.Reste maintenant les plus concernés par cette campagne pour la récolte des voix, très poussive du reste : les électeurs et les potentiels candidats. Honnêtement, dans la cité de Sidi Mohamed Ben Omar El-Houari, cette campagne électorale est loin d'être un sujet qui monopolise les discussions dans les cafés maures, les stades, les marchés et les souks des douze secteurs urbains que compte la commune d'Oran, la plus importante collectivité locale du pays. Devant les rares affiches collées sur les murs, quelques badauds se rapprochent pour mieux voir les photos des candidats' A tort ou à raison, les réflexions ne sont pas toujours élogieuses, venant du citoyen lambda : «A quoi vont-ils servir ' Ils n'ont même pas été capables de nous assurer les pièces d'état-civil pendant tout leur mandat», s'exclame un quinquagénaire en s'adressant aux passants qui acquiescent de la tête et continuent leur chemin en rajoutant quelques piques : «Oui, ils viennent nous déranger pour des broutilles. Eux, ils sont toujours gagnants. Une fois élus, ils ont le portable, la voiture et même d'autres avantages.» Son compagnon en rajoute une couche : «Tu sais, on a un voisin qui est délégué à la mairie, il revient parfois avec de belles plantes. Il les ramène gratuitement de la pépinière communale d'Aïn Beida et c'est son fils, Zinou, qui l'a dit à mon fils Nasro. Tu sais, c'est des plantes grasses et ça coûte cher chez les fleuristes. Même ses courses, le délégué les fait avec le véhicule de la commune.»Il est vrai qu'à Oran, les citoyens ne voient pas d'un bon 'il les élus de l'APC et de l'APW pour toutes les promesses non tenues. Et même les députés et les sénateurs, surtout ceux des législatives de 2012.
Les conditions dans lesquelles ils ont été «élus» relèvent du fantasmagorique. «Le FLN a raflé la mise avec douze heureux gagnants du ''loto'' à plus de trente millions de centimes/mois», réplique un jeune étudiant en architecture. Certains d'entre les heureux élus n'y ont pas cru. Il fallait attendre les communiqués officiels pour vérifier la réalité de ce miracle. Les plus déçus sont les citoyens qui se débattent quotidiennement dans des problèmes inextricables de survie : rassurer sa famille, la scolarité des enfants, leurs habits, le couffin, les dépenses de Ramadhan, les deux fêtes de l'Aïd, les vacances estivales, les factures de l'eau, du téléphone, d'électricité et du gaz, et parfois le remboursement du crédit.A la kasma 2 de la rue Khemisti, au c'ur du centre-ville, l'ambiance est festive en ce mois de novembre, avec comme musique de fond les chorales et chants patriotiques des années d'après-guerre. C'est le quartier général des candidats APC FLN d'Oran, dont la liste est conduite par un ancien maire, très prolixe pour mener une campagne digne de ce nom. Le décor est planté : les portraits des martyrs de la Révolution de Novembre 1954 sont bien en vue dans leur cadre. Et la permanence, bien assurée par la jeune Zaza, les Belalia et Noredine, des bénévoles. Les fins d'après-midis, tous les candidats se retrouvent au siège autour du «Président» pour faire le point de la situation de la journée. Abderrahmane, avec son capital expérience veille au grain et apporte les conseils qu'il faut pour peaufiner la campagne avec, en priorité, les rencontres avec les petites gens, les laissés pour compte des quartiers populaires. D'ailleurs, il est bien épaulé par de vieux routiers de l'ex-parti unique, trois anciens dont un brillant universitaire, qui ont investi le terrain bien avant le lancement de la campagne. L'affiche, les couleurs, les papillons, les prospectus, le programme, tout a été fait dans la mesure et la concertation. C'est la philosophie du «capitaine», qui privilégie le dialogue avec toutes les candidates qui s'investissent autant que les candidats dans la pêche aux voix. En bon gestionnaire, il a rassemblé tous les candidats, jusqu'au dernier, pour déléguer une mission à chacun. Du côté des candidats APW FLN, les sorties se font avec les «grosses pointures», les sénateurs et députés du FLN, et les rencontres au siège de la mouhafadha. Cependant, certains candidats audacieux ont déjà visité les bureaux du président de l'APW ainsi que l'hémicycle. Ils s'y voient déjà. Plus modeste, il n'y a qu'une part de rêve et c'est permis. Aussi pour toutes ces raisons et pour d'autres, ceux et celles qui sont beaucoup plus préoccupés par le quotidien, pas rose du tout, préfèrent qu'on leur parle de la pluie et du beau temps et tutti quanti' C'est la pomme de terre qui ravit la vedette aux prochaines élections locales. Ces dernières ne sont pas tellement appréciées par un bon nombre de citoyens, qui ont en plein «la patate» de savoir que les listes des candidats FLN ont été «négociées» clandestinement au pavillon 10 du CHU d'Oran, par des membres du comité central. Toujours les mêmes caciques du parti, les «faiseurs de rois». Bon nombre de citoyens sont déçus de savoir aussi qu'il y a tricherie dans les fonctions des candidats sur les listes fraîchement collées sur les panneaux. Il y a de tout parmi les candidats et candidates : de la femme de ménage, du taxieur, présenté comme cadre en retraite, du receveur de bus, de l'acheteur qui est présenté comme cadre en relations extérieures. Il y a même des pseudo-cadres supérieurs, comme cette auxiliaire d'éducation qu'on veut faire passer pour une inspectrice pédagogique. A Oran, on les surnomme «les danseuses» (er-raggassate), ces personnages qui sont toujours à la recherche d'une place dans les assemblées élues sous n'importe quelle étiquette politique. Parfois, ils font la navette entre Oran et Alger. Tout dépend de la direction du vent. Hier, ils étaient «redresseurs», le lendemain ils supportent l'équipe de Belkhadem. Le surlendemain ils pointent à la Kasma 2 et la semaine d'après ils renforcent les rangs d'anciens adeptes de Benflis.
D'ailleurs, certains électeurs potentiels sont perplexes devant les listes, comme celle de l'APW d'Oran où le peloton de tête est réservé au cercle des «barons du FLN», ceux qui ont eu le dernier mot pour refaire les listes des candidats et leur classement. Les dix premières places sont réservées aux amis et aussi aux frères et s'urs et beaux-frères. Ou tout simplement dans une projection tribale.
Une culture rurale qui s'est imposée selon la loi de la majorité depuis les années 90 et qui a fait de cette belle ville que fut «El-Bahia» un gros bourg où il ne fait pas bon vivre. Car, à Oran, c'est par douar qu'on classe et déclasse les groupes de candidats, peu importe leur niveau intellectuel ou leur moralité. Il y a même un candidat classé parmi les premiers dans la liste APW, alors qu'il a mené campagne pour un indépendant lors des dernières législatives. Mieux encore, il a fustigé durant les meetings et le FLN et son secrétaire général. Les militants sont abasourdis de voir cet individu revenir à «la maison».
A côté, il y a un autre personnage, connu sur la place d'Oran pour avoir répondu présent dans la campagne dans tous les évènements politiques, y compris les élections présidentielles. Il est aussi un fidèle au service de la «nomenklatura» d'Oran. Il paraît qu'il a même siégé avec la commission de candidature : «Er-recham H'mida, oual-la'ab H'mida, fi dar H'mida '»


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