Algérie

Histoire de dire...



Les faux notablesLes faux notables chez nous sont comme ces cadres qu’on accroche dans les maisons de jeunes à la peinture défraîchie et au papier peint décollé qui a perdu sa couleur pour ressembler à une fresque murale de l’époque des Incas. Comme un tapis qu’on déroule pour une visite, on les sort lors des manifestations et les grandes occasions pour les placer entre deux pots de fleurs. «Ces gens là» comme les chante Brel, ont tout faux. Du sourire à la montre en toc, en passant par la cravate froissée de mauvais goût et la chemise au col crasseux retourné pour la circonstance chez le retoucheur du coin. Etre faux notables, c’est un métier.Comme être Algérien. Le sourire, lui aussi de circonstance et transparent à travers une rangée de dents jaunies, est arboré comme un étendard qui flotte au haut d’une institution. Le faux notable a cette particularité de se cacher les jours dits ordinaires pour apparaître lors des cérémonies. On le devine à sa stature qu’il veut droite mais trahie par sa tête inclinée vers le bas et son dos voûté, un pli qu’il a pris à force de faire d’interminables salamalecs. Le faux notable, c’est celui qui a le regard fixé sur les autorités en permanence, dans l’espoir de recevoir en retour un petit bonjour ou un simple geste de la main. Et oublie ce qui se passe ailleurs. A l’arrivée du cortège, ils sont les premiers à sauter devant pour les baisemains traditionnels et offrir l’accueil chaleureux. Leur niveau d’instruction dépassant rarement celui de la cantine, ils parlent peu. Très peu même. A peine s’ils esquissent une phrase, d’ailleurs inaudible pour se dévoiler le moins possible. C’est parce qu’ils n’ont rien à dire car ils ne savent rien, sauf si c’est pour demander une faveur. Leur hobby, c’est de faire «classe» devant leurs concitoyens défavorisés alors qu’ils n’ont pas la griffe. Une fois les lampions de la manifestation éteints, ils retournent dans leur petit coin perdu, comme un écolier à qui le maître a collé un zéro en récitation, en attendant la prochaine exhibition. Leur point fort, c’est de ne jamais rougir de leur ridicule, ni de la couleur de leur cravate ou de la chaussette qui pue sous la savate. Le temps vieillissant, ils finissent comme ce papier attrape-mouches qu’on place dans un plafond pour stopper toutes ces glossines hideuses qui veulent se rapprocher de la lumière. 5 juillet, saison estivale, fête de la cerise, T’hara, journée de la femme (!!?), jubilé, ils sont là pour jouer aux riches alors qu’ils n’ont pas le sou, pour faire les beaux alors qu’ils sont vilains comme une grimace.


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