Le surlendemain, l'odeur de décomposition a déjà habité les lieux, quand Nna-Hemmama Hammar (encore en vie), les regrettées Nna Tassadit, H. Bachir et Nna Fatma Smahi, trois braves femmes du village, eurent le courage de défier l'instruction du tortionnaire S.A.S pour aller les couvrir du mieux qu'elles purent laissant leurs foutas rougeâtres mêlées au sang désormais sacralisé. Elles revinrent, les pauvres, toutes abattues mais fières d'avoir obéi à un instinct de devoir que l'on retrouve encore vivace chez le sexe faible, ces « femmes courage » de la guerre de libération.Elles continuèrent ainsi longtemps à porter ces images insoutenables qu'elles aimaient néanmoins remémorer pour élever haut l'honneur que ces jeunes méritaient à plus d'un titre, et en jurant par-là même qu'elles ne les oublieront qu'avec la disparition de leur personne. Nna Hemmama continue encore, à sa façon de leur rendre cet hommage dans sa toute petite maison d'une cité construite dans la précipitation du recouvrement de l'indépendance (cité du 5 juillet). A ce propos, beaucoup se souviennent de ces femmes, du sergent Taos de L.N.1. entre autres, qui ont réussi à délocaliser plusieurs postes militaires après la fameuse opération « Jumelles » qui lamina fortement les maquis de la Wilaya 3 historique.Ces sacrifiés, dont deux se prénommeraient Bayou et Berber, n'auront pas connu d'enterrement pour la majorité d'entre eux ; leurs corps seront alors déchiquetés par les charognards que d'autres charognards, d'une autre espèce, leur ont donné sur un plateau d'un autre honneur. Dramatique, leurs ossements peuplèrent pendant longtemps ce coin de haut fait avant de disparaître comme pour s'excuser d'avoir dérogé à la règle.Cette règle de l'oubli qu'on veut chasser à jamais de notre mémoire pour pouvoir nous aimer et nous aimer dans la diversité des choix de vie. Dramatique encore, les maîtres de l'Ecole de Tirmitine des années 1962/63, des Pieds Noirs pour certains, 'se sont servis innocemment oserai-je dire de ces dits ossements, car ramassés au large de la rivière de Tialav en aval du lieu d'exécution, pour en faire des pièces de cours d'anatomie humaine (sciences naturelles).Terrible ! Terribles encore, leurs élèves, dont ma personne, n'étaient autres que cette bande d'enfants de la guerre dont il était précédemment question. Quand, Monsieur P. et autre A. décrivaient un os long en nous le montrant de visu, mes camarades et moi revivions intérieurement cette horrible journée avec plus d'une larme au coin de l''il et encore plus d'une et comment ! Pour la mémoire active. « Non, non, ces hommes ne sont pas morts » nous nous dîmes, l'air absent. Toutefois, ce qui est sûr, c'est que personne d'entre nous n'eut l'idée de témoigner, en face de nos instructeurs, de cette tragique péripétie. Peut être que la fraîcheur des hostilités et la peur d'en parler, ont eu le dessus sur nos douze ans pour la plupart, ou étant due à notre naïveté en face de la science qu'ils 'représentaient et qu'on respectait. Aussi bizarre que cela puisse paraître, ce musée d'ossements à ciel ouvert aura vu et vécu l'Algérie libre et indépendante,. quant aux âmes les ayant quittés en cet été 1958, personne n'en doutera de leur destinée .D' ailleurs, « L'anza » se charge de nous le rappeler souvent et c'est tant mieux pour une fois.Aussi, par ce modeste témoignage, il est vrai quelque peu romancé mais toutefois authentique, que j'apporte et que bien d'autres peuvent encore confirmer, je lance un pressant appel aux autorités locales pour qu'on élève en ce lieu une stèle commémorative (faisant office de tombe commune) pour que notre jeunesse se souvienne que ce cher pays s'est libéré par le prix du sang d'hommes de valeur et que les sept morts de ce tournant ne sont pas des victimes de la circulation comme le pense malheureusement beaucoup de jeunes de la région. Ces derniers doivent savoir aussi que mourir pour la patrie, c'est le sort le plus beau et le plus digne d'envie. Pour moi, cet hommage serait le strict minimum qu'on puisse offrir à ces martyrs sans sépultures pour leur rendre justice, même si c'est cinquante ans plus tard. Les évoquer dans le temps est déjà en soi même une sépulture car ils sont tombés dans l'oubli total. Au fait, l'Histoire ne s'écrit-elle pas aussi avec des stèles ' Et ce n'est qu'en agissant ainsi que ces vaillants chouhada habiteront la mémoire de la génération actuelle et des générations futures, combien même que dans l'actuelle, beaucoup s'obstinent malheureusement à quitter ce si beau pays, l'Algérie.Je terminerai, en paraphrasant le grand Dda L'Mulud, en disant : lan kra llan, ulac iten. Llan kra ilin 1 lebda. Signifiant en substance : « Il est des gens qu'on oublie, mêmes présents ; par contre, il en est d'autres, même absents, ils sont présents. Alors s'agissant de ceux là, ils sont présents et ils le demeureront ». Et en vous invitant aussi à méditer la loi du 23 février 2005 relative à la colonisation française en Afrique et chez nous ... particulièrement.Par : Saïd Slamani, Laksar Tirmitine, témoin de cet acte ignoble
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Posté Le : 17/08/2010
Posté par : sofiane
Source : www.elwatan.com