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Introduction historique
BGAYET : Grande dame des chandelles
Bédjaïa, Bidjaya, Bgayet ou Bougie donne la main à deux temps différents : le passé et le présent. Elle réunit des vestiges antiques, médiévaux et des bâtiments clinquants. Il n’y a pas une place, pas une rue où on ne trouve une pierre de taille, un débris de rempart, un bout de piédestal, une trace de quai. A ce décor archéologique s’ajoutent des arbres centenaires et des plantes grimpantes qui enlacent le moindre pan de mur encore debout. Le site de la ville s’élargit vers la mer, contrasté par de hautes montagnes, les " Babords ", et par la vallée de la " Soummam ".

On est pris d’émerveillement devant pareil spectacle. Très tôt Bédjaïa a attiré une population venant de la Méditerranée et des contrées lointaines continentales. Sa fondation a débuté par une légende, comme ce fut le cas de toutes les capitales glorieuses. « Hercule, avant d’aller à Gibraltar édifier Tanger et poser les bases des fameuses colonnes auxquelles il a laissé son nom, aurait habité la grande grotte qui s’ouvre au-dessus du village Dar-Nacer et dont on n’a jamais pu atteindre le fond. Il aurait tellement importuné les habitants Imezzayen, forcés de subvenir à sa voracité, que ceux-ci lui préparèrent un plat de fèves et d’étoupe fort épicée qui faillit l’étouffer. Forcé de descendre à la rivière pour étancher sa soif, il aurait remonté le cours, faisant sensiblement baisser son niveau dans sa course effrénée, et aurait disparu de la région. »

La tradition prétend que la ville de Bgayet a été renversée sept fois par des guerres ou par des tremblements de terre. Ainsi ravagée et ayant passé par les mains de tant de conquérants, il n’est pas surprenant de voir toutes ses antiquités enfouies sous un monceau de ruines. A la mairie se trouve une superbe mosaïque de la période romaine, découverte en 1891 sous les fondations de l’hôpital civil, près de l’ancien " Palais de l’Etoile ". Le port de pêche se trouve tout près, au pied de Sidi Abd al Kader. Les promeneurs, les oisifs, les pêcheurs du dimanche prennent place à même les cageots de poissons entassés. A la tombée de la nuit, les embarcations rentrent paisiblement, écrasées sous le poids de leurs prises au large des côtes du " Saphir " et de " l’Emeraude ".

La ville doit son existence et sa fortune à un site portuaire remarquable : une baie en faucille, protégée de la houle et des vents du large Nord-Ouest par l’avancée du « Cap Carbon », de 220 mètres de hauteur. Un site remarquable dans l’une des plus belles baies du littoral Nord Africain, dominé par les montagnes des « Babors » touchant le ciel. Le second avantage est qu’il se trouve au débouché d’une vallée large et longue, constituant un véritable couloir vers le sud-ouest. A l’entrée de la ville, le visiteur est accueilli par d’énormes cuves à pétrole, éclatantes au soleil de midi. Elles sont reliées par une conduite au port pétrolier, construit un peu à l’écart de la ville, et qui dort tranquillement au pied de la falaise où une carrière était autrefois exploitée. En haut de la ville, vers le quartier « Karamane », ancien quartier des juifs, se trouve le petit marché et la mosquée Sidi Soufi. Vu d’en haut, une rade merveilleuse nous rappelle à la fois le golfe de Naples et le lac de Genève. Un voyageur princier, l’archiduc Salvator d’Autriche, la surnomma "Perle de l’Afrique du Nord ".

Des découvertes récentes, faites dans des grottes d’accès difficile, ouvertes sur les flancs du « Gouraya », à une altitude de 663 mètres, ont démontré qu’à l’époque préhistorique, ce coin du littoral avait dû être occupé par d’importants groupes humains. Le passage des libyens et des phéniciens y est révélé par les tombeaux (les Houanet) creusés à même la roche, que l’on aperçoit tout près de Bgayet, dans la vallée des « Aiguades ». La bibliothèque de la mairie, aménagée comme une grotte, avec un jardin et une terrasse qui s’ouvre sur la mer, nous revient en mémoire. C’est là que l’on s’était initié à l’histoire de Bgayet. Dans cette grotte où des vestiges, des amphores, des objets hétéroclites, éparpillés volontairement, nous invitent à nous interroger sur le passé et le destin de la ville.

L’origine du nom de « Bougie » nous a toujours paru un mystère. Le Dictionnaire de Littré, après maintes citations, nous en donne une datant du XIIIe siècle, puis une autre du XVe siècle. « A Jehan Guérin, en faveur de ce qu’il a apporté à Madame des chandelles de Bougye qu’envoyait à la dite Dame le Comte de Beauvais ». Le Littré termine par une définition : « Bougie, ville d’Algérie où l’on fabriquait cette sorte de chandelle ». « La Fontaine ayant par ailleurs précisé que la bougie, se fait avec la cire d’abeilles ». En fait « Bougie » exportait aussi de la cire d’abeilles vers Gênes (en Italie) où se trouvaient d’importantes fabriques de chandelles. Du reste, Ibn Khaldoun nous dit à ce sujet : « Bedjaïa est une localité habitée par une tribu berbère du même nom. Chez eux Bedjaïa s’écrit Bekaïa et se prononce Begaïa.

En l’an 1067-1068, le sultan En-Nacer s’empara de la montagne de Bougie, localité habitée par une tribu berbère du même nom, et y fonda une ville à laquelle il donna le nom d’En-Naceria, mais tout le monde l’appelle Bougie, du nom de la tribu ». Toutefois, Bougie ou Bédjaïa s’appelle jusqu’à ce jour Bgayet en berbère, prononcé Vgayet. Ses habitants s’appellent Ibgaytiyen, pour le féminin pluriel Tibgaytiyin. En masculin singulier Abgayti, et féminin singulier tabgaytit. On a donné le même nom Abgayti à une variété de figue noire, cultivée dans la région. Dans la bibliothèque de la mairie, on trouve des cartes maritimes, des plans, des estampes qui représentent la ville. Les cartes maritimes (portulans) dressées par les navigateurs du Moyen-Age de 1318 à 1524, orthographiaient ainsi le nom de cette ville, fréquentée alors, comme on le sait, par les commerçants du midi de l’Europe : Bugia, Buzia, Bugea, Buzana. Il est admis que c’est de ces noms de Bugia et Buzana que dérivent ceux, aujourd’hui usuels, de Bougie et de Basane. Les cuirs et peaux de Bougie ou Buzana étaient également l’objet d’un grand commerce, et c’est de là qu’est venu le nom de Basane.

Tour à tour, la ville de Bougie fut un petit port durant la période des royaumes berbères. Elle fit partie du domaine de Juba, puis de la Mauritanie tout court. Elle fut ensuite Césarienne en 33 avant notre ère, sous l’empereur Auguste qui a installé une colonie de vétérans, la tribu Arnienne identifiée par les pierres votives. Cette cité porte le nom de Saldae, et ses habitants le nom de Salditains. Elle était limitée à l’est par l’Amsaga (Oued Kebir). Une inscription du second siècle qualifie Saldae de " Civitas Splendidissima ", Colonia Julia August Saldantium. D’après Léon Renier, cette inscription a été transportée à Paris, au musée algérien du Louvre. Plusieurs amphores, des mosaïques, des chapiteaux, des pièces de monnaies ont été trouvées par les archéologues lors de récentes fouilles.

Okba Ibn Nafaa, en 670, et Moussa Ibn Nouçaïr, en 700, s’emparèrent tour à tour de Bougie. D’après Abou al Feda, tout le massif de montagnes qui entourait Bougie, pendant les premiers siècles de la domination musulmane en Afrique du Nord, était appelé "Al Adaoua", la terre ennemie, épithète qui présente une certaine analogie avec le nom de "Mons Ferratus", la montagne bardée de fer, que les romains donnaient à cette région indépendante. Une quantité de livres aux pages jaunies, rangés dans des rayons poussiéreux de la bibliothèque de la mairie attire notre attention. Délicatement nous tournons les feuilles fragiles à la manipulation en les dévorant des yeux. Tout au long des illustrations en noir et blanc, en couleur sépia de la lithographie ou de la pointe sèche, l’histoire de Bougie défile. Les habitants de la région racontent que « lorsque les armées musulmanes eurent envahi tout le pays compris depuis Constantine jusqu’à Sétif, les survivants de la population chrétienne de ces deux villes et les habitants des plaines voisines, qui refusèrent de reconnaître l’autorité des musulmans et d’embrasser leur religion, se réfugièrent dans les montagnes du côté de Bougie. Ces émigrés, d’origines diverses, unis par une commune adversité, fusionnèrent en un seul peuple, et leur retraite, au milieu de ce fouillis de ravins et de rochers, fut respectée, parce que, pour les musulmans, dont la force consistait surtout en cavalerie, ce pays était inexpugnable .

On s’est longuement promenés dans les quartiers les plus famés de Bougie, essayant de retrouver les traces de ce que fut jadis cette ville qui a vu des princes, des érudits, des savants, des poètes y séjourner. C’est à travers nos allées et venues que l’on a pu connaître les fondateurs de cette ville, capitale de l’Algérie orientale. On apprit donc que c’est Al-Nacir, prince Hammadide qui, face au danger que les Banu Hilal faisaient peser sur la Qalâa des Banu Hammad qui se trouvait sur les hauts plateaux à proximité de Sétif, a fondé Bidjaya. Elle fut un refuge pour les Hammadides, comme Mahdia le fut pour les Zirides. « Ce fut sous le règne de ce prince que la dynastie hammadide atteignit le faîte de sa puissance et acquit la supériorité sur celle des Badisides (Zirides) de Mahdia (...) » a écrit Ibn Khaldoun. Pour sceller la paix retrouvée entre les Zirides et les Hammadides, Tamim donna en mariage sa fille Ballara à Al-Nacir. Elle quitta Mahdia (Tunisie) accompagnée d’une importante escorte, avec un trousseau d’une valeur inestimable. Al-Nacir lui édifia à Bidjaya de grands palais cernés de verdoyants vergers où croisaient le myrte et les arbres fruitiers, sous lesquels l’eau coulait à profusion, au milieu des parterres fleuris. La princesse Ziride donna à Al-Nacir de nombreux fils dont le plus célèbre fut Al-Mançur.

Selon Ibn Khaldoun : « Al-Nacir bâtit à Bidjaya un palais d’une hauteur admirable qui porta le nom de " Palais de la Perle ". Ayant peuplé sa nouvelle capitale, il exempta les habitants d’impôts et, en 1069, il vint s’y établir lui-même (...). Cet Emir érigea des bâtiments magnifiques, fonda plusieurs grandes villes et fit des expéditions nombreuses dans le Maghreb ». Un certain Hammad, le Hafside, révèle une description minutieuse et grandiose de An Nasiriya : « Du côté de la ville, du côté qui fait face au couchant et au midi, les ouvriers envoyés de Gênes élevèrent d’abord une tour majestueuse que l’on nomma " Cheuf Er Riad " ( l’observateur des jardins). Cette tour protège trois portes dont la principale " Bab al Benoud " ( la porte des armées ) était monumentale, garnie de grandes lances de fer, et se trouvait encadrée par les bastions. Elle ouvrait du côté des jardins de l’Oued al Kebir. Au sommet de cette tour existait un appareil à miroirs correspondant à d’autres semblables établis sur différentes directions. C’est pour cela que la tour du " Cheuf Er Riad " fut également nommée " al Menara " ».




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