Algérie

Hirak, saison II


C'est probablement le début d'une nouvelle "saison" pour le mouvement populaire. Pour ce vendredi, il est attendu que les Algériens investissent de nouveau la rue pour réitérer ce qu'ils n'ont pas cessé de réclamer : le changement radical du système.Première marche qui va inaugurer la nouvelle année, cette manifestation s'annonce d'ores et déjà comme le baromètre de la détermination du hirak à poursuivre sa mobilisation pour faire aboutir ses revendications même si jusque-là force est d'admettre qu'il n'a pas laissé transparaître des signes de fléchissement ou de résignation. Ce sera sans doute le début d'une nouvelle manche dans le bras de fer qui oppose de larges pans de la population au pouvoir depuis février dernier.
Après avoir réussi à empêcher le cinquième mandat, le mouvement, dont l'irruption est due en partie à l'exaspération par cette image, vécue comme une humiliation suprême, d'un "cadre" postulant pour un cinquième mandat, a réussi à faire avorter deux rendez-vous électoraux consécutifs : celui d'avril, puis celui de juillet. Mais il échouera à empêcher le troisième qui voit arriver à la tête de l'Etat un président de la République, dont les conditions ayant entouré son élection sont contestées.
Même ébranlé, le "système", rompu à la man?uvre, n'a pas encore cédé sur l'essentiel. À peine a-t-il concédé à sacrifier certaines de ses figures en les jetant en pâture. Mais sur certaines revendications, il demeure sourd. C'est le cas de la libération des détenus d'opinion qui croupissent en prison depuis plusieurs mois, la libération du champ politique et médiatique et la levée des entraves à l'exercice des libertés, notamment la liberté de manifester ou de réunion.
Il oppose également un fin de non-recevoir, c'est du moins ce qu'il est permis de conclure à travers les discours des officiels, sur l'avènement d'un "Etat civil". C'est pourquoi, au regard des mobilisations des vendredis précédents, mais également de celle des étudiants de ce mardi, véritable indicateur, l'on s'attend à ce que les manifestants maintiennent la contestation jusqu'à l'"instauration de la démocratie", comme ils le proclament. "Ya hna, ya ntouma, maranach habssine" (Ou c'est nous, ou c'est vous, on ne s'arrêtera pas), ont scandé de nouveau les étudiants.
"Hna ouled Amirouche, marche arrière manwelouch, djaibine, djaibine el-houria" (Nous sommes des enfants d'Amirouche, nous ne reculerons pas. La liberté, nous l'arracherons). Ils contestent aussi la légitimité du nouveau président : "Makanch ech charîya" (Il n'y a pas de légitimité), "Ma votina ma aândna raïs" (Nous n'avons pas voté et nous n'avons pas de président).
S'il a pu déjouer jusque-là toutes les man?uvres visant à le diviser, le mouvement, à la lumière de la nouvelle donne politique, sera confronté à de nouveaux défis : celui de l'endurance, du maintien de sa mobilisation ciblé par le nouveau phénomène de la baltaguia, mais aussi des discours de "haine" et d'"accusation de traîtrise" véhiculés par les "mouches électroniques" sur les réseaux sociaux.
Les étudiants ont déjà donné la réponse : "Dix mois que nous faisons la révolution vous ne nous ferez pas peur avec la baltaguia" ou encore "Constantine, Bordj, Oran, Annaba kherdjoulhoum eddoubaba, nkemlouha ghir be silmiya matkhewfounach belbaltaguia" (Constantine, Bordj, Oran, Annaba, on leur a envoyé des "mouches", on la poursuivra pacifiquement, les baltaguia ne nous font pas peur). Autre défi : l'attitude qu'il aura à prendre à l'égard d'une hypothétique offre de dialogue dont les contours restent flous. C'est dire que la "saison II" s'annonce décisive.

K. K.
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