Algérie

Hirak, le corps et l'esprit



« C'est une erreur bien pitoyable d'imaginer que l'exercice du corps nuise aux opérations de l'esprit ; comme si ces deux actions ne devaient pas marcher de concert, et que l'une ne dût pas toujours diriger l'autre » Jean-Jacques RousseauA l'ouest, ils attendent ce que nous récitons, ce que nous écrivons. Qu'ils meurent de fiel et de dégoût de ne pas nous voir souffrir ni leur of
frir une occasion de se réjouir. Tout ne va pas à merveille et hamdoullah tant le pays est toujours debout. Allez oust ! y a rien a vendre ! Le froid climat d'Alger est un constat en ce 22 février 2022. Il ne pleut pas et pourtant dans le ciel d'ici bas, là haut tout ne semble pas bien clair. Le climat n'est pas uniquement une météo. Il peut être une ambiance, une humeur ou un ressenti. Qu'il soit froid ou chaud ; il reste toujours une question d'appréciation personnelle. Ainsi le chaud est perçu telle une embellie et son contraire telle une brume glaciale. Comme la chaleur n'est pas uniquement celle d'un été pourri ou d'un soleil caniculaire ; l'autre chaleur est plus ardente quand bien même, tiède elle dégage de son âtre des braises encore fumantes. Ou bien cette même froideur qui ankylose toutes les tentatives d'un hypothétique réchauffement. A Alger l'on ne se bouscule plus pour un aliment, l'on reste paisible malgré ce qui se bouillonne dans nos casseroles. On mange ce qu'il y a pour manger, louanges à Dieu et l'on se cantonne toujours à l'espoir qui remplira nos panses et nous enivrera par ses douces mélodies. Ce duel entre un estomac semi-vide et une tête en peine de se remplir reste le gros dilemme des sociétés qui délaissent les bonnes hiérarchisations.
Y a beaucoup plus de chaînes dans la poste et les banques que devant les camions d'Agrodiv ou de l'office du lait. Bien d'autres chaînes invisibles se forment dans chaque individu qui ramasse en ce jour ses propres souvenirs. Des cris soûls de liberté, de ras le bol, de mieux-être envahissent dans un silence trop plat le climat de la ville. Si l'histoire tend à se répéter ; le temps ne revient pas parfois à temps. Il se glisse au gré des prises de conscience et se hisse au sommet de tous les almanachs. Le 22 février est une journée décrétée officielle pour une fusion nationale entre un peuple éternellement épris de liberté et une armée populaire historiquement légendaire. Les avis peuvent se différencier, les influences peuvent se contredire, seul l'attachement aux fibres matricielles sera apte à confédérer les bons sens et dépassionner les tensions. Si l'amour de la patrie est la destination privilégiée; les voies de l'atteindre sont multiples. C'est ça le propre de la quintessence de tout idéal patriotique. Tous les enfants aiment leur mère et à chacun sa façon de le lui déclarer. Cependant, il n'y pas d'amour, il n'y a que des preuves d'amour, tel qu'il se dit.
C'est ce pays où l'on naît que l'on refuse pour y mourir. Ce pays de héros mais aussi de traîtres, de combattants mais aussi de lâches, de walis mais aussi de walou continuera à s'habiter par la ténacité malgré les couacs, par la mémoire des martyrs malgré la volupté révisionniste de certains.
La postérité enseigne qu'il est possible de couper les langues, vider les encriers un temps; le temps qu'ils se régénèrent plus racés et plus enracinés. D'autant plus que ça ne sert à rien de briser un avis contraire tant l'idée inaltérable l'ayant engendré demeure immuable dans sa justesse et sa légalité. Ou est le problème si l'on s'exprime différemment de l'autre ' Pourquoi vouloir par la force de la loi rompre un élan naturellement légitime' On aura tout à gagner si l'on arrive à semer chez tout un chacun la sensation d'être complètement citoyen, la ferme croyance de liberté et de la sérénité du moral.
Le Hirak était un authentique éveil populaire de la grande léthargie dans laquelle un pouvoir autocratique l'avait plongé des décennies durant. C'était une symbiose sans frontières. Tous se sentaient concernés et impliqués. A un moment on a cru que ça allait aboutir à un bord jamais espéré.
Les vendredis se succédant l'un après l'autre, le mouvement commença à arpenter des pentes glissantes. L'unité du peuple, tant chantée commençait compatir par ces infiltrations intra-hirak et porteuses de projets vouant la disloquer. Si maintenant il y a des gens qui se chagrinent à ce que le peuple ne soit pas descendu en ce troisième anniversaire dans la rue, qui auraient souhaité voir s'installer le chaos irréversible juste pour la satisfaction d'une forte haine ou d'un règlement de p'tit compte ou bien d'une nostalgie d'un paradis perdu. Personne ne peut denier que ce Hirak a été infiltré par des latences aigries et déviationnistes. L'on ne veut plus que l'Algérie n'ait qu'un seul drapeau national, qu'une seule armée populaire, qu'un seul territoire, qu'un seul peuple uni dans toute sa diversité linguistique, culturelle, artisanale, culinaire. Ceux qui hurlent contre l'armée nationale populaire confondent généraux et Etat-major et corps d'armée, soit personnages et institutions. L'indéniable vérité ; c'est que tous les hommes partent, de Benboulaid à Boumediene, Zeroual, Bouteflika jusqu'à Tebboune, de Lamari, Toufik, Nezzar, Gaid Salah jusqu'à Chengriha pour qu'il ne reste que ce qu'ils ont fait ou tenté de défaire comme symbole d'Etat, de nation et de société. Une Algérie debout, quoique parfois contusionnée, mais saine et sauve.
Il est souvent vrai que la contestation populaire souveraine sans fil à la patte arrive à renverser des régimes et ébranler des empires. Comme il est vrai que les luttes politiques pérennes, structurées, paisibles et bien charpentées sont arrivées à déconstruire des mythes, faire naître des rêves et bâtir des sociétés. A vrai dire l'on n'a pas d'aide policière pour se moudre dans un espace de démocratie ou de lois à profusion pour garantir un Etat de droit. Tout reste à l'initiative d'un peuple affranchi de tout cliché et alerte à tout dessein de division et de déstabilisation.
Le Hirak en soi est une merveilleuse aventure qui a eu ses victoires et ses nobles gloires. Le chemin est toutefois encore à faire, à parfaire. Il y avait à l'origine énormément de sourires d'enfants, d'invocations et de youyous, de chants et de foi, des étudiants, des vieux, des moins vieux, des jeunes, des plus jeunes, enfin le grand tout, la totale. Puis, par subterfuge le long cortège s'est vu dans son cheminement prendre le covid19 ainsi que le virus de la diversion.
Oui, le Hirak reste un souvenir extraordinaire qui vient comme un laurier garnir l'auréole d'un peuple ayant battu le pavé quand le c?ur était y était. Un souvenir d'une épopée de rêves gardés encore intacts dans leur substance symbolique. Si ce Hirak a fait son temps, car contaminé par les scories d'une frange qui n'est pas en quête d'un Etat juste et fort; cela ne traduit pas la mort de son âme. La réincarnation en pareille situation est toujours renouvelable. Il suffit d'une échéance, d'un concours d'aléas, de résilience pour que la résurrection y soit. Autrement certes, et plus viable, vivace et en tout temps pacifique. De la part de la quasi-totalité des témoins, des participants, des adeptes et sympathisants, il n'est plus ce qu'il était. Joyeux, sans crainte ni peur au ventre, un acte de citoyenneté, un exploit historique.
La classe politique, pouvoir et apparence d'opposition se sont absentés des scènes de rue. Elles mêmes désertées par un peuple conscient et alerte. D'autres plus loin, sur écrans, via la toile se gargarisent le gosier en voulant voir ce peuple local «autochtone » sortir manifester la colère qu'ils présument l'étouffer. Il est utile de rappeler les mots d'ordre brandis au début. Sains, propres et de contenance politique. «Pas de 5 ème mandat », « selmiya, selmiya », « djich chaab khaoua khaoua » scandés aÌ l'unisson. Or, le recommencement de spectacle de rue creshendo a vu s'entendre des slogans hors série. « Les généraux à la poubelle » était une insolence manifeste, finalement ils sont en prison. « Dawla madania Machi Askaria » « moukhabarat irhabiya » entretenait le doute que rien ne saura s'arranger, que l'armée, ses militaires, ses renseignements sans nulle distinction des fonctions utiles à tous les pays ; doivent disparaitre. C'est dans l'Etat de droit première exigence que s'écloront des institutions inter-complémentaires pour fusionner vers l'Etat-nation. « dawla madania » ne veut rien dire. C'est creux comme concept et sournois comme revendication. Cependant l'on doit tous lutter pour sacraliser la liberté d'opinion et d'expression et casser la suspicion qu'entretient l'un envers l'autre. Pour avoir une justice qui n'obéit qu'à la loi souverainement votée. Toutefois rien n'est perdu de la teneur philo-politique qui a servi de sève nourricière à ce mouvement qu'il faudrait d'ailleurs raviver en son sein l'esprit nationaliste afin qu'un jour ou un autre il puisse parachever la trame du beau roman national. Aucune révolution ne s'est accomplie dans la plénitude de toutes ses phases. C'est une ?uvre architecturale d'ensemble où chacun sera tenu d'assumer ses responsabilités et s'investir dans la tâche, loin de toute velléité revancharde ou attentoire aux fondements de cette Algérie encore et toujours debout.


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