Malgré la hausse du nombre d'internautes et de connexions haut débit, qui suppose un accès plus large aux sites de sharing, le marché du DVD piraté ne cesse de croître. Dans une des rues marchandes d'Alger, on trouve pas moins de 3 commerçants, dont deux magasins, qui écoulent des éditions piratées de films, documentaires, e-Book, logiciels et autres jeux vidéo.
23 ans, Mohamed Hichem est l'un des plus importants fournisseurs de films sur DVD d'Alger. Depuis cinq ans, il inonde le marché avec des compilations de six films sur un même support. De meilleure qualité, de mieux en mieux présentés et surtout de moins en moins chers, ses DVD connaissent de très bons échos chez les revendeurs et s'exportent, par caisses entières, dans de nombreuses villes d'Algérie. Pendant ce temps, lui, continue d'installer quotidiennement ses présentoirs dans le hors champ des lumières des réverbères et des caméras de surveillance, juste sous le nez des autorités qui ne voient en lui qu'un vendeur à la sauvette, alors qu'il est un acteur incontournable du cinéma en Algérie.
Chaque matin, il fait les mêmes gestes. Accrocher des grands présentoirs de disques qu'il récupère dans un magasin. «Je me suis entendu avec le gars de la boutique à côté, pour entreposer chez lui mon matériel à chaque fin de journée», dit-il, se prêtant volontiers au jeu des questions/réponses. «Installé» dans une ruelle perpendiculaire à Didouche Mourad, l'une des rues les plus passantes d'Alger, Hichem préfère rester vigilant en se tenant hors de portée des éventuelles descentes de police. «C'est rare, mais quand ils reçoivent des ordres ou lors du passage d'une personnalité, ils peuvent nous chercher des problèmes, sinon, ça va, je suis là depuis un bon moment déjà».
Un commerce florissant
Hichem a commencé à vendre des DVD gravés il y a cinq ans. «Avec mon frère, nous avons commencé avec de petites quantités. Avec un ordinateur, un graveur et une connexion Internet pour télécharger les films». Maintenant, c'est de l'industriel. Tout en continuant à parler, le jeune homme aux cheveux fraîchement piqués au gel se met à déballer la marchandise de ses cartons. Des centaines de pochettes de disque uniformisées, en cellophane, avec à l'intérieur un petit carton imprimé en couleur de la jaquette du film d'une bien meilleure qualité qu'auparavant, et le DVD contenant six films. Le tout «à 60 dinars pour les particuliers, ça fait 10 dinars le film». «Mais si quelqu'un veut en prendre plus d'une centaine je lui fais un prix, 50 dinars l'unité, voire moins, c'est selon la quantité commandée», ajoute-t-il. Pour arriver à graver autant de DVD, Hichem et son frère ont dû développer leur business. Ils se sont achetés deux tours de graveurs, contenant cinq graveurs chacune, qu'ils font tourner à plein régime.
Pour tester le marché, ils font «cinq copies de chaque compile, où ils mettent en vedette le plus récent des films». «On essaye parfois de choisir des thématiques. Des films d'action, d'horreur, de guerre, des classiques algériens, des documentaires et même des livres électroniques», affirme Hichem, tout en continuant à déballer et à agencer ces DVD. Le choix des thèmes mis en vente montre une certaine connaissance de l'actualité. On trouve dans les étals de Hichem un DVD du débat télévisé sur le livre de Shlomo Sand, «Comment le peuple juif fut inventé», un autre sur «La foi du siècle. Une histoire du communisme», et bien d'autres documentaires animaliers et scientifiques.
Des prix défiant toute concurrence
Et pour ratisser plus large auprès des clients, le choix proposé est très vaste. Hichem télécharge des séries télévisées. Une pile de DVD, dans des pochettes cartonnées, contenant toute la saison d'une série télévisée avant même qu'elles soient programmées sur les chaînes françaises ou arabe, est cédée pour 400 DA. Des films algériens, très populaires mais qui n'ont jamais bénéficié d'une édition originale, et des séries algériennes sont également proposés sur le présentoir de Hichem. Plus décalé, on trouve également des vidéos Youtube compilées, des matchs de football de l'équipe nationale de football, de l'humour, des films d'horreur et des prêches. Tout y est, il suffit de demander.
Mais comment arrive-t-il à proposer des prix aussi bas ' Le fait de ne pas payer les taxes et impôts liés à un commerce formel ne peut justifier ces prix. «Je me débrouille pour acheter un maximum de supports DVD. Le prix tourne autour de 10 dinars l'unité, à cela j'ajoute le coût de l'impression. J'ai investi dans une grande imprimante économique en encre. Le nouvel emballage en cellophane nous coûte moins cher que les anciennes jaquettes en plastique. Quant aux films, j'en télécharge continuellement. Ensuite, je m'arrange pour être le premier sur les nouveaux films, je me renseigne sur la demande des clients. Je fais aussi attention pour mettre de bonnes versions, que je visionne au préalable, après faut laisser le bouche-à-oreille faire son travail…», dit-il avec le sourire.
Mais Hichem est conscient que ces facilités ne sont valables seulement que s'il reste dans l'informel. «Je connais pas mal de personnes qui se sont cassées quand ils ont tenté de passer réglo, trop de paperasse, des loyers impossibles, à moins que tu hérites d'un magasin, pour le moment je m'en sors bien comme ça, j'arrive à me faire une paie honorable que je réinvestirai un jour dans une activité formelle».
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Posté Le : 14/03/2012
Posté par : presse-algerie
Ecrit par : Yacine Hirèche
Source : www.lequotidien-oran.com