Algérie

Heyma ou les errances arabes



- On a du mal à définir votre musique, tant les influences sont universelles. Pourtant, vous venez du tarab, de la grande musique arabe. Comment avez-vous conçu votre album'
Il ne faut peut-être pas essayer de classer ma musique, mais plutôt l’écouter avec son cœur. 
Vous n’êtes pas le seul à me dire que mon disque est inclassable, et c’est peut-être ça qui retarde sa sortie, faute de trouver un producteur qui accepte sa singularité. Ce disque est né dans une perspective de faire une musique qui ressemble à mon identité actuelle :  artiste tunisienne enracinée dans ma culture d’origine, mais vivant en Occident avec tout ce que peut apporter l’Occident à un artiste, notamment les rencontres qui sont souvent orchestrées par le rythme des grandes capitales telles que Paris. Tout CELa a contribué à me sortir de ma bulle de musique arabe pour ouvrir mon cœur et mes bras afin d’accueillir de nouvelles cultures musicales qui viennent enrichir mon expérience.
- Votre album Heyma marque une rupture…
Ce disque est une révolution parce qu’il représente la coupure avec la tradition sans lui tourner le dos, une étape importante et obligatoire pour maîtriser l’art du chant.
Le compositeur, Skander Guetari, m’a été d’une grande aide dans cette démarche.
- Autre originalité, l’auteur de vos textes est une femme, Leïla El Mekki. Pourquoi ce choix '
L’idée de sortir du classique arabe et faire une musique de mon époque germait dans ma tête depuis quelques années, mais je n’avais pas encore rencontré le texte qui m’aurait donné envie de le chanter jusqu’à ce que je rencontre Leïla El Mekki, par hasard, grâce à un ami. Ce que je chante de Leïla, je l’ai trouvé dans ses deux recueils de poésie qu’elle m’a offerts, et ce qui m’a touchée, c’est cette femme qu’elle incarne, femme passionnée, sage, fière dans sa douleur et forte dans sa soumission... tout ça dans un dialecte qui a bercé mon enfance, celui de la région de Kasserine. En lisant Leïla, j’étais ravie de savoir qu’elle était de ma région natale avec laquelle je voulais renouer, puisque je l’ai quittée avec ma famille à l’âge de 14 ans.
Ce besoin de retrouver mes racines et de retourner aux sources était né en exil où on sent un vrai besoin de s’attacher à une culture qui nous permet de nous identifier à elle.
- Vous venez de participer à un concert de soutien au peuple tunisien. Que vous inspire la révolution tunisienne, voire le printemps arabe '
La révolution tunisienne met fin à un cauchemar que tout Tunisien libre a vécu pendant plusieurs années. C’est aussi le printemps qu’on a tous attendu sans vraiment avoir la certitude qu’il nous montrera ses couleurs. Ce printemps tunisien et arabe me ravit parce que la dignité et la volonté des peuples ont enfin parlé, maintenant il faut mener la barque à bon port et je reste confiante parce que le peuple tunisien est un peuple civilisé et cultivé et a donné l’exemple plus d’une fois. 
- Plusieurs artistes ont décidé de consacrer des morceaux à ce printemps. Est-ce votre cas aussi et comment l’imaginez-
vous '
Comme tout artiste, je voulais m’exprimer à propos de ce qui se passait et se passe dans mon pays, mais les événements se succédaient à une grande vitesse et je ne trouvais pas l’énergie ni les mots qui pouvaient être le miroir de mes sentiments les plus profonds, j’ai donc laissé tomber et c’est à ce moment-là qu’un soir, vers 3h du matin, j’ai sauté de mon lit pour chercher un stylo et une feuille afin d’écrire un refrain qui m’est venu en tête et je me suis rendu compte une heure plus tard que j’avais écrit la chanson que j’attendais depuis quelques jours, je l’ai appelée Horriya et je l’ai chantée pour la première fois en public au Caire le 29 avril. Elle a été mise en musique par Ahmed Jebali.
 


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