Algérie

Hésitations et doutes au sommet



Lorsque les bruits de couloirs ne sont plus audibles, nous nous faisons un plaisir de vous les faire parvenir. Musique.

Au Sommet européen de vendredi, réservé en grande partie à l'examen de la question égyptienne, l'UE a donné l'impression de faire du sur-place au plan politique. Le communiqué final de la rencontre a été une copie conforme de celui des ministres des Affaires étrangères, réunis lundi dernier à Bruxelles. «L'UE appelle à un processus de transition rapide, ordonné et significatif vers une vraie réforme démocratique, ouvrant la voie à des élections libres et justes» est-il résumé en substance. La tiédeur des termes de la déclaration du Conseil exprime, en réalité, le désarroi des dirigeants européens avec une Egypte sans Hosni Moubarak et son clan. «L'inconnue politique» de l'après-Moubarak, pourrait-on dire. Qui contrôlera le pouvoir en Egypte en cas de chute du dictateur ? Quel régime politique lui succédera ? Y a-t-il un risque réel que le parti des «Frères musulmans» s'empare des pouvoirs de décisions ? Et ainsi de suite. Ce sont autant d'interrogations pour l'Europe, sans réponses fermes à ce jour. Du coup, inversant le décalage horaire avec les USA, l'UE suit et s'inscrit dans le sillage des déclarations américaines. Quand les Américains appellent le pouvoir égyptien à «entamer, i-m-m-é-d-a-t-e-m-e-n-t, le changement et la transition du pouvoir», l'Europe abonde dans le même sens, le lendemain. Cependant, nonobstant les communiqués et déclarations de politique générale, les prises de becs et autres désaccords ne manquent pas dans l'arrière boutique, dans les coulisses. La veille du Sommet, soit le 3 février, les «meneurs de l'UE» que sont l'Allemagne, le Royaume-Uni et la France ont convaincu l'Italie et l'Espagne de se joindre à eux pour devancer la rencontre du lendemain et signer une déclaration commune condamnant les violences commises à l'encontre des journalistes étrangers et appelant à une transition immédiate. Drôle de pratique diplomatique pour une Europe qui aspire à ce que son tout nouveau Service d'action étrangère (SEAE), piloté par la Britannique Catherine Ashton, soit la voix autorisée de l'Union. La question égyptienne (et tunisienne) a offert sans conteste, une occasion sans pareil, pour l'UE de «clarifier» sa voix commune et peser dans la diplomatie internationale. Occasion manquée. Quant au reste des pays membres, ceux de l'ex Europe de l'Est, ils voient dans les soulèvements égyptien, tunisien et ceux annoncés dans le monde arabe, une révolution globale comparée à celle dite «de velours» qui avait balayé leurs pays suite à la chute du mur de Berlin, en 1989. Autrement dit, ils ne se font aucun doute sur la perspective d'un changement démocratique sur le cours et moyen termes, dans les pays arabes. Les eurodéputés eux, ont plus d'audace dans leurs déclarations et le font savoir aux chefs des exécutifs. Ils ont dit clairement à Catherine Ashton qu'elle n'assure pas, malgré le mandat que lui confère le Traité de Lisbonne et les moyens financiers mis à sa disposition, sa mission de représenter l'UE et qu'elle se fait doubler par la Commission et le Conseil, voire par tel ou tel chef d'Etat. Le chef du groupe des libéraux au Parlement européen a poussé l'ironie jusqu'à déclarer à Mme Ashton que l'unique réaction européenne digne de ce nom a été faite par le Premier ministre turc, Recep Erdogan qui a lancé que «Moubarak devrait écouter sa population et quitter le pouvoir.» En fin de compte, la révolution (crise pour d'autres) égyptienne révèle, chaque jour qui passe, les fissures politiques au sein de l'Union et sa perte de vitesse dans le redéploiement géostratégique mondial engagé par les autres puissances régionales : USA, Chine, Inde, Brésil, etc. Par ailleurs, d'aucuns voient dans les atermoiements de l'UE, une «influence» de la position israélienne. «Le renversement de Moubarak pourrait déstabiliser la région pour de nombreuses années», a déclaré le 3 février, soit la veille du Sommet, le Premier ministre israélien, Benyamin Netanyahou. Il a ajouté que le départ du Raïs ouvrirait la voie du pouvoir aux islamistes. Pour lui, Moubarak a permis «30 ans de paix et stabilité dans la région». La sentence israélienne n'est pas si étrangère aux hésitations et peurs de l'Union. C'est aussi un terrible constat pour la Palestine meurtrie et aveu de complicité du Raïs égyptien ! Après de tels propos, comment ne pas s'interroger sur qui, en réalité, fait le lit de l'islamisme politique et de la violence intégriste ? En tous les cas, nous n'en sommes pas à une coïncidence près. L'histoire retiendra que ce premier Sommet européen de l'année s'est tenu, ce vendredi 4 février, baptisé par le peuple égyptien «vendredi du départ» de Moubarak.




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