Algérie

Henri, Maurice, Fernand et les autres


Henri, Maurice, Fernand et les autres
«Tout esclave a en ses mains le pouvoir de briser ses chaînes.» William ShakespeareDifficile de gérer les impondérables! On ne peut tout prévoir! Pourtant, j'avais contacté mes amis Sid- Ahmed et Noureddine pour m'assurer de la commémoration du sacrifice d'Yveton. Ils m'ont assuré tous les deux que cette année, c'est l'Association des anciens condamnés à mort qui a tenu à rendre un hommage vibrant à ce militant communiste qui fut le seul «Français» à subir le couperet de la guillotine. Mais voilà: une méchante bronchite avait décidé d'être de la partie, je me suis retrouvé alité trois jours durant, rongeant mon frein et échafaudant mille et un discours que je tiendrais devant une assemblée de gens honorables qui avaient refusé de transformer leur participation en rente ou en fonds de commerce.Voilà ce que je demanderais de lire à mon ami Sid-Ahmed qui devra surmonter son incurable timidité pour murmurer aux oreilles de ceux qui sont revenus de loin: «Vous pardonnerez mon audace de m'exprimer ici devant vous dont les plus jeunes ont au moins dix ans d'âge de plus que moi et quand vous avez pris la lourde responsabilité d'utiliser les armes dérisoires que vous avez trouvées, moi, je jouais encore aux billes. Si j'ai ressenti le besoin de dire ces mots qui sont restés longtemps ancrés en moi, c'est pour plusieurs raisons dont la principale est que je suis issu d'un petit village de la montagne qui a la particularité d'avoir donné deux éminentes personnalités au Mouvement national: Benaï Ouali et Aïssat Idir. Mais je n'ai eu le privilège que de croiser de temps en temps la silhouette de Si Ouali N'senior comme on l'appelait au village.La deuxième raison m'est dictée par les événements qui ont suivi le 1er Novembre. Un jour, les gendarmes, qui avaient troqué leurs chevaux gris contre une jeep américaine ont débarqué à l'école, perquisitionnant deux appartements de deux enseignants français.Le résultat fut que les deux suspects furent expulsés la semaine suivante. L'un se réfugia en France et l'autre fut assigné à résidence à Bordj Menaïel. Seuls les vieux lettrés du village purent donner une explication plausible: ce sont des communistes. C'est la première fois que j'entendis ce mot qui désignait ceux qui franchissaient les lignes de démarcation communautaires par esprit de solidarité. Mais ce n'était pas la dernière. Au lycée, je me retrouvais souvent assis à côté d'un ami européen, Fernand Meyzer, dont le père, mécanicien de profession, avait goûté aux geôles de Fort-National durant la guerre: il était communiste. Je ne vous ferai pas l'injure, vous qui avez longtemps flirté avec la mort de vous rappeler l'immense service rendu à la guerre de Libération par La Question d'Henri Alleg: son douloureux témoignage eut une résonance internationale qui fit grand bruit. Henri nous a quittés l'année dernière et l'Algérie devrait se souvenir des immenses services rendus par ce petit bout d'homme. Comme nous devrions aussi nous souvenir de Danièle Minne disparue en 2013 et qui fut capturée près de Bordj Bou Arréridj en même temps que le docteur Laliam et le cadavre de Raymonde Peschard.Qui se souvient de l'infortunée Raymonde Peschard' Je propose que votre honorable association lui rende hommage le 8 mars prochain: cela fera toujours enrager quelques rentiers qui usent le peu qui leur reste de salive à égratigner les communistes. C'est vrai que les communistes n'étaient pas nombreux, mais leur qualité palliait le peu de quantité. On ne peut barrer d'un seul coup de stylo des souvenirs altérés par la sénilité, les actions d'hommes généreux et désintéressés. Je vous remercie de votre aimable attention.»


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