Algérie

Hawch Sidi Aïssa


Hawch Sidi Aïssa
Situation. - Le sanctuaire de ce santon domine, à droite, la route de Martimprey du Kiss, à 200 mètres environ au-delà du nouveau pont construit sur l'oued Abdallah, à 4 kilomètres de Nemours. II est construit au milieu d'un délicieux bosquet de lentisques, thuyas, oliviers et caroubiers, facilement accessible puisque la distance qui le sépare de la route n'est que d'une quarantainc de mètres.

Description. - Restaurée depuis une quinzaine d'années, (nous sommes dans les années 40) l'enceinte non couverte, en maçonnerie blanchie à la chaux, était formée de quatre murs, construits sur plan rectangulaire. Elle possédait aux quatre angles, de grossiers merlons plus ou moins coniques et une entrée, démunie de porte. Elle était décorée, au-dessus du linteau, par un bandeau rustique de briques pleines s'opposant aux bâtons rompus, encastrés dans l'épaisseur du mur. Le sol, à l'intérieur de cette petite cour, était pavé de grosses pierres plates jointées au ciment.

La tombe du saint, de 2 mètres de longueur, était formée d'une légère surélévation, recouverte de carreaux rouges modernes. Deux de ces carreaux avaient été intentionnellement soulevés afin de permettre aux visiteurs d'y prélever un peu de terre qu'ils portaient comme «porte-bonheur» ou comme médicament.

Elle était limitée, à la tête et aux pieds, par une pierre plate dressée. A signaler, creusée dans l'épaisseur du mur opposé à l'entrée, une niche à offrandes et, dans un coin de la construction, un petit brasero de terre cuite, « mejmar», utilisé pour faire les fumigations rituelles où brûle le «jawi» (benjoin).

Aux branches d'un vieux lentisque, dont le feuillage retombait en partie sur ce blanc mausolée, étaient accrochés des lambeaux d'étoffe et des petits foulards multicolores (ex-voto).

Il existait autour de ce sanctuaire une douzaine au moins de tombes très frustes, délimitées simplement par des pierres sans aucune inscription. Il s'agissait d'un petit cimetière où l’on enterrait encore quelquefois les musulmans des alentours.

La légende de Sidi Aïssa. - D'après le moqaddem de l’époque, Séfouni Kaddour ben Mohammed, descendant de Sidi Aïssa, et habitant les Ouled Ziri, était le moqaddem officiel du tombeau de Sidi Aïssa en 1919. II avait chargé un nomme Hachem 'Ali ben 'Ali, qui demeurait à proximité, de le suppléer dans ses fonctions, Aïssa aurait vécu•il y a plusieurs siècles (4 ou 5) et aurait habité une maisonnette dont on pouvait voir encore les vestiges sur hauteur voisine de son tombeau. II s'appelait Sidi Aissa ben 'Abdallah ben Souna et mourut célibataire.

Son père, Abdallah, agriculteur de son état, possédait deux propriétés rurales (connues sous les noms de Znaden et Zeroualen) appartenaient encore, avant l'occupation française, aux Oulad Souna descendants du père de Sidi Aissa. Il est permis de supposer que ces deux propriétés dépendant de la tribu des Oulad Ziri furent comprises avec celles que les arrêtés des 18 aout et 16 décembre 1846 avaient frappées de séquestre en raison des actes d'hostilité commis par les membres de cette tribu qui passaient pour la plus récalcitrante du cercle de Nemours.- Les Oulad Ziri, comme on le sait, assassinèrent les malheureux officiers et soldats français qui avaient échappé au désastre de Sidi Brahim, L'arrêté gubernatorial du 19/8/1853 avait approuvé la liste nominative des musulmans atteints par le séquestre et avait définitivement réuni au domaine de l'Etat toutes les propriétés appartenant aux tribus émigrées. D’autre part, sur la liste des villages évacués par les Oulad Ziri, afin de permettre la constitution du lotissement, on pouvait lire : «Zerouali », qui ne comprenait d'ailleurs que trois maisons en ruines, d'après l'état daté du 26 mai 1858, et signé du commandant Beauprêtre. Peut-être s'agissait-il de cette propriété.

Une partie seulement de ces terrains était « habous» et était gérée par le moqaddem, lui-même descendant de cette famille, Le produit de la location de ces biens « habous» était utilisé en grande partie pour tenir le sanctuaire, et pour célébrer la « wa'da» annuelle, fête patronale donnant lieu à un grand repas communiel offert par les Oulad ben Souna qui comptaient, dans le village des Oulad Ziri, plus de 53 feux. Chaque ménage de cette nombreuse famille maraboutique donnait son obole au moqaddem chargé de la collecte et de l'achat des moutons devant être égorgés en l'honneur du marabout vénéré. A ces moutons, venaient s’ajouter ceux offerts bénévolement à la suite de vœux.

Les quartiers de viande étaient ensuite judicieusement repartis entre les familles donatrices chargées, à leur tour, de préparer le couscous traditionnel et les mets divers. De la mosquée un crieur public faisait connaître ce jour-là, à tous les habitants du village Oulad Ziri, que la fête de Sidi Aïssa devait être célébrée le soir et que les hommes et les enfants mâles étaient invités à prendre part au repas rituel. Ce repas avait lieu dans les salles de la mosquée et non, comme on aurait pu le croire, autour du sanctuaire de Sidi Aïssa. C’étaient les membres de la grande famille des Ben Souna qui faisaient eux-mêmes le service en l'honneur de leur saint tutélaire. Apres le thé à la menthe, la fête se terminait par une prière générale.

Sidi Aissa était investi du pouvoir de guérir spécialement les enfants en bas âge (de 4 à 6 mois) de l'entérite, •de la fièvre, de la grippe et de l’œdème des membres inferieurs. Pendant trois jeudis consécutifs, on les laissait seuls dans le sanctuaire, couchés près de la tombe du saint, pendant 10 à 20 minutes.

Un autre rite consistait à frotter le corps des bébés fiévreux ou grippés avec une poignée de terre prélevée dans la tombe du saint. Cette terre, quelquefois mélangée d'eau, était appliquée en guise de cataplasme sur les parties malades. Le moqaddem, pour éviter à la longue la disparition quasi-totale de la terre recouvrant le défunt, était obligé d'en ajouter de la nouvelle de temps en temps, dans le trou ménagé au milieu de la tombe par le soulèvement de deux des carreaux qui la recouvraient.

Les petits malades étaient parfois exposés aux fumigations produites avec un mélange de terre (de la sépulture) et de jawi sur des braises.

Beaucoup de musulmanes, au cours des trois pèlerinages, avaient coutume de déposer entre les interstices des briques décorant le dessus de l'entrée du mausolée, une petite poignée de grains d'orge et de sel). Ces grains d'orge étaient destinés, disait-on, à servir de pâture aux petits oiseaux qui nichaient dans le bosquet sacré.

Cette pratique n'était pas sans analogie avec celle que M. A. Bel avait eu l’occasion de signaler aux environs de Tlemcen, dans le cimetière musulman d’Eul Eubbab (Sidi Boumédienne) où, sur certaines tombes, on avait l’habitude de placer un petit récipient que l'on remplissait d'eau de temps à autre pour les oiseaux du ciel. « Cette coutume, écrivait-il, remontait à une vieille croyance païenne de la transformation de l’âme en oiseau après la mort.

Le tombeau de Sidi Aïssa était très fréquenté. On y venait de toutes les tribus Trâra des environs : Msirda, Suwahliya, Djbella, etc. Certaines juives de Nemours qui y venaient aussi en pieuses visites, de préférence les lundis, mardis et vendredis, mais jamais le samedi, semaient à la volée dans la cour intérieure du sanctuaire une poignée d’orge mélangée de sel. Le sel est une des substances aux vertus magiques qui passe pour préserver des Jnoun. « Un peu de sel jeté dans un feu qui crépite, écrivait Laoust (Le folklore marocain, loc, cit., p. 449), suffit a éteindre l'ardeur des esprits qui ont pris possession du foyer. On répand du sel sous le lit de l'accouchée, sur l'emplacement choisi pour dresser les tentes du douar, sur les tas de grains et dans les silos. On passe du sel sur la lame du couteau qui va servir au sacrifice de quelque animal. C'est a cause du sel qu'elle contient que la mer n'est pas hantée par les Jnoun».

Les sanctuaires de Sidi Aïssa et de Sidi Moussa étaient les seuls qui étaient fréquentés par les femmes israélites de Nemours.
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