Pour la Fédération des éleveurs producteurs laitiers, cette hausse ne fait que répercuter les augmentations des prix des carburants, des aliments pour bétail, etc. Cet argument n'a pas convaincu les associations des consommateurs qui s'étonnent que d'autres voies n'aient pas été explorées afin de sauvegarder le pouvoir d'achat fortement « affaibli » de larges couches sociales.La hausse du prix du lait, décidée en août dernier par les professionnels du secteur laitier, semble créer une vive polémique entre producteurs, qui contestent une augmentation insupportable des charges et des coûts de production, et consommateurs qui se plaignent de la baisse de leur pouvoir d'achat.
Considérée comme étant un «choix forcé» pour assurer la survie du secteur laitier, cette décision est «justifiée», selon les opérateurs de la filière laitière qui évoquent les hausses continues dans les prix du bétail, des fourrages, du gasoil et d'autres intrants de production sur le marché mondial qui pèsent «lourdement» sur les agriculteurs et les éleveurs.
«Cette augmentation est attribuable notamment à la flambée des prix des aliments de bétail, dont 95% sont importés», a déclaré à la MAP le président de la Fédération nationale des éleveurs producteurs laitiers (Feneprol), Moulay M'hamed Loultiti, estimant que les éleveurs n'ont pas pu supporter cette situation et ont opté pour cette décision afin d'éviter la faillite.
De son côté, le président directeur général de la Centrale laitière, Jacques Ponty a fait savoir que cette hausse du prix du lait est intervenue après plus de 4 ans de stabilité et reste en dessous des coûts de production supportés par les producteurs laitiers.
«Notre décision de répercuter une partie de la hausse des prix d'intrants subie par les éleveurs sur les prix du lait vise notamment à garantir une autosuffisance en cette denrée vitale sur le marché marocain avec une bonne qualité», a-t-il expliqué. Il a, toutefois, averti que la production laitière au Maroc aurait diminué si cette hausse n'avait pas été décidée, estimant que cette augmentation permettra aux éleveurs d'atteindre la production de 3 milliards de litres en 2014, initialement fixée par le Plan Maroc vert.
«Le consommateur doit comprendre qu'il participe à la solidarité nationale, au développement de cette filière agricole et à l'indépendance vis-à-vis du marché extérieur», a-t-il lancé avec un ton confiant.
Le ministre de l'Agriculture et de la Pêche maritime, Aziz Akhannouch avait annoncé, le 4 septembre lors d'une réunion avec l'interprofession du secteur, que les entreprises du secteur laitier ont convenu avec son département de rétrocéder aux agriculteurs et éleveurs au moins 60% de l'augmentation du prix du lait. Cette mesure, qui vise notamment à soutenir les petits agriculteurs, sera effective dans l'immédiat, avec un effet rétroactif remontant au début du mois d'août 2013, avait précisé à la presse Akhannouch à l'issue de cette réunion.
Selon le président de l'Association nationale des éleveurs de bovins, Seddik Zniber ce transfert revêt une grande importance pour les éleveurs et les agriculteurs, dans la mesure où il va leur permettre de subsister et de continuer à produire.
La colère des consommateurs
Pour la Fédération nationale des associations des consommateurs, les justifications des producteurs laitiers paraissent «non convaincantes» estimant que cette hausse intervient à un moment où le consommateur est déjà «affaibli » par les dépenses de la rentrée scolaire et la stagnation des salaires, et s'inquiète d'une éventuelle augmentation du prix du carburant.
«La Centrale Laitière, la première à décider d'augmenter de 40 centimes le prix d'un litre du lait, l'achète à 2,80 dirhams/litre, alors que la coopérative agricole (Copag) l'acquiert à 4,30 DH, et donc aurait pu assumer l'accroissement du prix d'achat par les agriculteurs sans l'avoir répercuté sur ses prix de vente, tout en gardant une marge bénéficiaire confortable», a déclaré à la MAP, le secrétaire général de la Fédération, Madih Ouadi.
La décision de la Copag de suivre le courant constitue «une entente sur les prix», selon ce responsable qui considère que «cet acte est prohibé par la loi sur la liberté des prix et de la concurrence». A cet effet, « nous avons saisi le chef du gouvernement et le ministère des Affaires générales et de la gouvernance», a-t-il fait savoir, regrettant que l'agriculteur et le consommateur soient le parent pauvre de cette affaire.
Rappelons que cette question a suscité un débat au sein de la Chambre des représentants où des députés ont exprimé leur colère quant au timing de cette hausse du prix du lait et son impact sur le pouvoir d'achat des Marocains.
Ainsi, Abdallah Bouanou, chef du groupe du parti de la Justice et du développement (PJD), avait déploré l'absence de consultations et de concertations entre le gouvernement et les coopératives, alors que celles-ci bénéficient d'un appui de 2 milliards de dirhams dans le cadre d'un contrat-programme liant les deux parties. «Cette aide de l'Etat (...) n'a pas permis de protéger les consommateurs face à cette hausse», avait-t-il estimé.
Pour sa part, Mounia Ghoulam (de l'Istiqlal) avait reproché à la Centrale laitière de vouloir doper ses recettes au détriment du pouvoir d'achat des citoyens. Mohamed Simou, parlementaire du Mouvement populaire, n'est pas du même avis puisqu'il avait qualifié d'«insuffisante» cette augmentation censée répondre aux besoins des agriculteurs. «Elle aurait pu être de 1 à 2 DH, et les Marocains seraient prêts à l'accepter s'ils en comprenaient les enjeux», avait-t-il lancé.
De son côté, le chef du groupe du parti authenticité et modernité (PAM), Abdellatif Wahbi, ne semble pas digérer cette hausse qu'il attribue à l'augmentation des prix des carburants (2 DH pour l'essence et 1 DH pour le gasoil), décidée le 2 juin 2012 par le gouvernement.
Joint par téléphone, Wahbi pense que le gel par le gouvernement, en avril dernier, de 15 milliards de dirhams d'investissements au titre de 2013, a également eu un impact négatif sur la croissance du secteur laitier, dans la mesure où des investissements productifs ont été annulés.
Selon le ministère de l'Agriculture et de la Pêche maritime, la filière laitière, qui occupe une place importante sur les plans économique et social au niveau national, réalise un chiffre d'affaires amont avoisinant 8 milliards de dirhams par an à destination d'un million d'éleveurs de viandes rouge, dont 400.000 spécialisés dans l'activité laitière. Le département de l'Agriculture prévoit un accroissement de la production laitière oscillant entre 8 et 10% en 2013 pour atteindre 2,8 milliards de litres.
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Posté Le : 13/09/2013
Posté par : presse-algerie
Ecrit par : Maghreb Arabe Presse MAP
Source : www.maghrebemergent.info