Algérie

HASSEN KHELIFATI, CANDIDAT À LA PRESIDENCE DU FCE : «Je propose le renouveau contre le statu quo»



Entretien réalisé par Brahim Taouchichet
«Je suis né le 6 octobre 1968 à Meftah, dans la wilaya de Blida. Je suis marié père de deux enfants», écrit Hassen Khelifati en préambule à son portrait sur le net. Cela nous renseigne très vite sur la volonté de transparence que met en avant dans sa campagne pour la présidence du FCE le P-dg d'Alliance Assurances.
Volonté de renouveau contre poursuite du statu quo représenté selon lui par l'équipe sortante. Premier candidat à se manifester après que M. Réda Hamiani eut rendu public son désir de rempiler pour un troisième mandat, notre invité se pose comme représentant de la nouvelle génération de managers qui en veut et qui réussit. Sa réussite avec Alliance Assurances plaide pour son efficacité qu'il veut mettre au service du Forum des chefs d'entreprises. Sans complexe, il fait appel aux compétences quelle que soit leur nationalité, les Algériens établis à l'étranger… Le challenge face à la mondialisation lui donne un enthousiasme qu'il veut insuffler au Forum pour un renouveau «salvateur».
Une question d'actualité tout d'abord concernant le retrait de M. Réda Hamiani de son poste de président du Forum pour se porter candidat. Votre commentaire '
Hassen Khelifati : Je salue la décision de M. Hamiani d'avoir accepté la demande des deux autres candidats, en l'occurrence M. Mohamed Baïri et moi-même de se retirer de la présidence du FCE puisqu'il se porte candidat. Il s'agit d'éviter tout amalgame entre le président sortant-candidat comme ce fut le cas en 2009 et d'assurer ainsi une certaine équité et l'égalité des chances entre les candidats. Il a fait appel à sa sagesse et sa clairvoyance afin de répondre positivement à notre demande bien qu'aucune disposition ne le stipule expressément dans les statuts du FCE. M. Hamiani est un brillant économiste et a beaucoup de points positifs, certes, mais nos contacts avec les entrepreneurs nous montrent qu'il y a un réel désir de changement, de renouveau.
Vous êtes quatre candidats…
Il y a deux profils. Celui de la poursuite du statu quo que représente l'équipe sortante (NDLR M. Hamiani et son vice-président M. Nacim Kerdjoudj). L'autre veut placer le FCE dans une nouvelle dynamique porteuse de leurs espérances et préoccupations. Quatre candidats, c'est un signe de démocratie. Le FCE doit donner l'exemple, le vote se fera à bulletin secret précédé d'une campagne électorale dans les respect mutuel. Nous n'avons pas, chacun en ce qui nous concerne, intérêt à affaiblir le Forum.
C'est très important le Forum des chefs d'entreprises à vos yeux '
Ce n'est pas pour moi une obsession mais l'enjeu est important parce que nous voulons que les gens soient à l'aise et qu'ils ne ressentent aucune pression. Quel que soit le nom qui sortira des urnes le 17 novembre prochain, il doit porter la responsabilité de l'entreprise en général ainsi que les besoins et les attentes des membres du Forum en particulier. Nous devons intégrer la dimension mondialisation. Nous ne vivons pas en autarcie et en tant que secteur privé, nous devons trouver des solutions en commun avec les pouvoirs publics. Nous pensons donc que le Forum dans sa forme actuelle ne peut pas répondre à ces attentes. C'est pourquoi nous voulons passer d'un forum replié sur lui-même à un forum inscrit dans une vision d'avenir, d'initiatives, avec le recul nécessaire pour faire face à la mondialisation et aux nouvelles perspectives de l'entreprise algérienne.
Le FCE, c'est 200 entreprises… c'est peu… beaucoup '
C'est 220 membres pour 500 entreprises. C'est peu comme nombre mais c'est très représentatif. Le FCE, c'est aussi 10 milliards de chiffre d'affaires annuel, 5 à 6 % du PIB et 130 000 emplois. Ceci pour les chiffres, mais il nous faut élargir la base pour une plus grande représentativité de l'entreprise.
Quelles sont les idées force de votre programme '
Mon programme s'inscrit dans une vision de renouveau, de redynamisation et de replacement du Forum au centre de la problématique de l'économie de l'Algérie. En gros, trois axes ressortent de l'écoute des membres du Forum des chefs d'entreprises lors de nos sorties dans plusieurs régions du pays. J'ai aussi été sollicité par un nombre important de membres du Forum pour m'encourager à me présenter et parrainer ma candidature. Il s'agit d'écouter les doléances émanant de la base du Forum afin que ses positions soient l'expression de sa base, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui. Le deuxième point est de rassembler le monde de l'entreprise autour de revendications minimum partagées quelles que soient la taille et l'importance de l'entreprise. Il ne s'agit pas d'unification du patronat, expérience vidée de son contenu mais une décentralisation du Forum par filière et par région en fonction de leurs spécificités propres, l'unification par la base. C'est un leurre que de croire unifier le patronat par le sommet. Chaque région aura son président et sera autonome par rapport au FCE national et sera membre de plein droit dans la direction centrale de l'association. Le troisième axe est le partenariat public-privé que nous considérons sous deux volets : économique en mettant en place les mécanismes de travail en commun sur certains projets. Et avec les pouvoirs publics nous devons créer des espaces de concertation.
Cela nous amène au rôle du FCE au sein de la tripartite…
En dépit de toutes les critiques que l'on peut formuler à l'endroit de M. Hamiani, la tripartite a été un acteur majeur dans les deux dernières réunions et a grandement participé à l'orientation des débats. Aujourd'hui, l'état d'esprit commence à changer, le gouvernement apprécie mieux la participation du privé dans l'édification économique. C'est pourquoi je dis que le partenariat public-privé doit être de la responsabilité de toutes les parties. L'Algérie s'approche dangereusement de l'équilibre importation- exportation dans une conjoncture marquée par la dépendance pétrolière. Une évolution négative de cette conjoncture peut déstructurer complètement l'économie nationale. Je le proclame haut et fort, nous sommes tous responsables de l'état de santé de notre économie : les syndicats, le privé, les pouvoirs publics jusqu'au commun des Algériens. Si lors de la dernière tripartite, l'on a focalisé sur le Snmg et l'IRG, on oublie de rappeler que durant tout l'été, on a travaillé dans certaines commissions qui ont émis 211 recommandations sur la fiscalité, la para-fiscalité, le commerce, l'administration. Le gouvernement Ouyahia s'est engagé à les mettre en application et si cela est fait dans les prochains mois, croyez-moi que l'environnement de l'entreprise évoluera nettement.
Alliance Assurances a été créée il y a 6 ans. Aujourd'hui, sa carte de visite est impressionnante. Quel est le secret de cette réussite '
C'est le travail, le sérieux, les sacrifices, la transparence et la mise en place de mécanismes modernes de gestion. Aujourd'hui, Alliance est une Spa qui a un conseil d'administration, des commissaires aux compte et des actionnaires qui ont compris qu'une entreprise se bâtit sur le long terme et qui acceptent que leurs bénéfices soient réinvestis. Le secret, c'est la mise en pratique de mécanismes de management selon les normes internationales, croire aux compétences algériennes car nous avons des cadres de haut niveau. Pour les besoins de l'expansion, aujourd'hui nous faisons appel à l'international quelle que soit la nationalité des cadres (Tunisiens, Marocains, Libanais…) avec la priorité pour les Algériens établis à l'étranger. D'autre part, il y a cette donne de notre introduction réussie en Bourse ce qui induit des responsabilités sur le marché financier.
Aujourd'hui, quel bilan faites-vous de votre introduction en Bourse '
Etes-vous toujours aussi optimiste qu'au début ' Notre introduction réussie en Bourse fait ressortir notre responsabilité envers les investisseurs. Elle a rétabli la confiance dans le privé. Notre responsabilité est engagée aussi envers l'économie nationale parce que nous n'avons pas le droit à l'échec. Mais nous avons pris conscience que pour gérer une Bourse, il faut les compétences nécessaires inexistantes sur le marché national. Ce qui nous a poussés à les chercher sur le marché international en nous assignant un double objectif : organiser l'entreprise et former des cadres algériens car au bout de 5 ans, les étrangers rentrent chez eux. Je suis satisfait pour la confiance qu'on a réussi à introduire, cela peut pousser d'autres entreprises à nous suivre en 2012 comme NCA (Nouvelles conserveries algériennes), Nedjma et d'autres (on parle de Salama Assurances). Sur un autre plan, le marché secondaire n'est pas encore au point. L'animation boursière n'est pas une priorité pour les banques. Aujourd'hui, le titre Alliance est suivi de près. L'échec de cette expérience n'est au bénéfice de personne. Par ailleurs, une réforme est lancée conjointement par le ministère des Affaires étrangères et celui des Finances par le biais du Pnud. Nous avons été consultés et nous avons exprimé notre point de vue. Mais ce qui est très important, c'est que d'autres acteurs - dont des bureaux spécialisés portés par des assureurs - du marché financier s'impliquent comme c'est la cas chez nos voisins du Maroc et de la Tunisie dans l'achat et la vente de titres. La capitalisation boursière est de 20 % en Tunisie et de 0.2 % en Algérie. Aujourd'hui, malheureusement, il n'y a que les banques publiques qui interviennent.
Vous investissez beaucoup dans la communication. Quels seraient les fondements de ce choix '
Dès le départ, nous avons choisi la communication comme moyen stratégique de notre développement. Nous sommes la seule compagnie qui consacre 3% de son chiffre d'affaires à tous les volets de la communication. Début 2012, nous allons lancer un nouveau concept de la compagnie Alliance Assurances selon des normes internationales et qui s'étalera sur un programme de 5 ans.
Comment comptez-vous mener votre campagne à moins de 15 jours du scrutin '
Nous privilégions le terrain, le contact direct et par téléphone des membres du FCE pour expliquer notre programme. Nous les rencontrons par groupe ou «one to one». Nous leur transmettons régulièrement le press-book par mail. A l'occasion de l'Aïd, nous lançons une campagne de vœux. A la clôture de la campagne, nous allons réunir le maximum de membres, l'occasion pour remettre à chacun notre programme finalisé selon un concept assez particulier que nous gardons pour cette rencontre. J'ai aussi tout un planning de déplacement à l'est, l'ouest et le sud-est du pays.
M. Khelifati, entrepreneur averti, quels seraient selon vous les leviers sur lesquels il faut porter plus d'efforts pour l'essor économique '
Il y a plusieurs secteurs : il existe des marges de progression énormes dans l'agriculture industrialisée (en amont et en aval). A l'exemple du groupe Benamor, des minotiers s'impliquent dans la production des céréales. Il faut encourager et mettre en valeur au maximum ce type d'initiative. Il y a aussi le secteur des services où les besoins sont énormes et de grandes marges de progression pour la création d'emplois et de la richesse. A terme, l'Etat doit revenir à son rôle de régulateur et libérer les initiatives. Je souhaite de tout cœur que l'Etat facilite le travail des opérateurs économiques. Pour l'exemple, nous avons 3 300 000 hectares destinés à la céréaliculture. La moyenne de rendement est de 17 quintaux à l'hectare, or dans le club dit des 50, elle est de 50 à 60 quintaux. Il y a là donc une grande marge à exploiter. Les besoins de l'Algérie sont estimés à 80 millions de tonnes. Nous pouvons facilement arriver à 170 millions de tonnes. Nous pouvons devenir un pays exportateur de blé, et ce n'est pas de l'utopie.
Pour conclure, votre idée sur l'entreprise algérienne...
Les préoccupations de l'entreprise privée dépassent de beaucoup la personnalité des quatre candidats et le contexte de l'économie nationale en ce qu'elles sous-entendent la mondialisation. Seuls, nous ne pouvons rien faire, ensemble, tout est possible. La présence de quatre candidats, c'est aussi quatre programmes, quatre visions et la richesse du Forum.


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