Algérie

Harragas, le film : destinations fatales



Harragas,  le film :  destinations  fatales
Pour son premier rôle au grand écran, il joue le bad boy dans le dernier film de Merzak Allouache, Harragas, sorti hier en avant-première à Alger au cinéma Sierra Maestra. Venu du théâtre, le comédien algérien Samir El Hakim crève l'écran en incarnant un personnage ténébreux dans une histoire où la harga est plus qu'un thème... un message.   En Algérie et en France, vous êtes connu du public du théâtre. D'ailleurs, vous êtes actuellement en tournée en France pour la pièce adaptée du roman éponyme de Maïssa Bey, Bleu, blanc, vert. Comment êtes-vous venu au cinéma ' Le réalisateur Merzak Allouache est venu me voir plusieurs fois en 2008, lors de mes représentations au théâtre du Printemps aux Bois des arcades, à Alger, et un soir, à la fin du spectacle, il m'invite à dîner et me demande si je suis intéressé par le cinéma. Bien sûr, j'ai tout de suite dit oui, alors qu'il n'avait pas précisé de quel projet il s'agissait. Quelque temps après, il m'a appelé pour passer un casting en me disant « Je t'appellerai peut-être. » Et puis, il m'a annoncé que j'avais le rôle et même un poste de coaching d'acteur ! Le tournage a duré sept semaines, quatre à Mostaganem et trois à Sète, dans le sud de la France. Les conditions étaient difficiles à cause du climat et on tournait beaucoup dehors. Le plus contraignant c'était lors des tournages sur la barque à Sète, le froid, le Mistral qui sifflait' Mais on avait en même temps beaucoup de moyens.  Etait-ce stressant de changer d'univers... de passer au grand écran aux côtés d'un réalisateur comme Merzak Allouache ' J'avais peur au début, bien sûr. En plus, mon personnage ne parlait pas beaucoup. Le rôle est celui d'un policier mystérieux, Mustapha, un gars taciturne qui passe son temps à surveiller les jeunes harragass. Un personnage haineux parce que lui-même se déteste. Il fallait construire ce personnage. Je lui ai cherché une histoire, un passé. Une histoire trouble : il avait subi de plein fouet le terrorisme, peut-être l'a-t-on forcé à commettre des choses pas nettes ' C'est un personnage désespéré qui, par la force des choses, est devenu une victime, comme ces harragas qu'il espionne !  Votre perception du phénomène des harragas a-t-elle changé depuis ce tournage ' Dans la nuit, dans cette petite barque, alors qu'on attend que les techniciens préparent le plateau de tournage, je regardais la mer noire et silencieuse et je me disais : « Nous sommes entourés par l'équipe, nous sommes à côté de la plage avec des mesures de protection, et pourtant la mer fait peur. Alors que dire des harragas, seuls dans cette immensité hostile, qui traversent de nuit la mer, dans l'obscurité, le froid, avec peu d'aliments et des vêtements trempés '! » Je pensais beaucoup à eux durant ce tournage. Et au moment de la lecture du scénario, je me documentais abondamment sur le phénomène. Il y a une importante production documentaire, articles de presse, analyses, des témoignages forts et souvent bouleversants.La harga a profondément marqué notre réalité de tous les jours en tant que société. Et je me demandais comment toucher les gens à travers une fiction, quelle est la place de la fiction dans toute cette production autour du phénomène. Mais pour moi, personnellement, je regarde ce phénomène de façon positive. Je me dis que ces jeunes n'ont pas fait le choix de l'inaction. Ils ont choisi de braver les dangers, de braver la mort, de se dépasser eux-mêmes pour une vie meilleure. C'est aussi et surtout une prise de position, une parole forte : avec leur action, les harragas dénoncent clairement, sans aucune hypocrisie, la malvie en Algérie !  Comptez-vous travailler davantage sur la thématique des harragass ' Nous allons bientôt monter une pièce à Marseille à partir du texte de Mustapha Benfodil De mon hublot utérin je te salue humanité et te dis blablabla, un beau texte sur les harragas. En fait, il s'agit d'un dialogue entre une mère, à la recherche de son fils harragas disparu en mer, et la Méditerranée. Je travaille aussi avec la compagnie marseillaise Les Bancs publics sur une pièce expérimentale Terra cognita qui a pour thème l'émigration algérienne en France. Ce thème semble me rattraper, effectivement, parce que j'ai envie de défendre cette parole, de parler des harragas, c'est pour moi un engagement. C'est un thème fort, porteur, qui ne peut qu'enthousiasmer un acteur.


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