Les pays maghrébins ont adopté hier un plan d'action couvrant la période
2010-2015 pour répondre aux demandes pressantes de l'Union européenne dont la
plus importante est l'harmonisation des cadres législatifs de leurs marchés
respectifs de l'électricité en prévision de leur intégration dans le marché
européen. Le ministre de l'Energie et des Mines, Youcef Yousfi, a pré- sidé,
hier à l'hôtel Sheraton d'Alger, la première réunion du Conseil ministériel du
projet «Intégration progressive des marchés de l'Algérie, du Maroc et de la
Tunisie au marché de l'électricité de l'Union européenne». La réunion s'est
tenue en présence de ses homologues, marocaine et tunisien, ainsi que du
commissaire européen à l'énergie. Les ambassadeurs de l'Union européenne et,
entre autres, de l'Italie, de l'Espagne, du Portugal accrédités à Alger ont
fait partie de l'assistance. Yousfi a souligné, à l'ouverture des travaux, «le
caractère particulier de ce Conseil des ministres» parce que, a-t-il noté,
«nous arrivons à la clôture du projet IMME que nous avons mené depuis trois
années durant lesquelles toute une culture et une connaissance des concepts de
fonctionnement des marchés électriques ont été partagés entre nos trois pays».
Il estime que, dans une 1ère phase, «cet échange a permis d'instaurer et de
construire des espaces de dialogue permanent entre les trois pays bénéficiaires
sur un sujet très sensible comme le marché de l'électricité». Chargé essentiellement
de réussir «l'intégration progressive des marchés des pays maghrébins de
l'électricité dans le marché intérieur de l'électricité de l'Union européenne»,
le Conseil se fixe comme 2ème phase, selon le ministre algérien, «l'intégration
régionale entre les deux rives de la Méditerranée ». Il rappelle les premiers
pas de l'Algérie dans ce sens, à savoir les réformes qu'elle a engagées dans le
secteur énergétique «dès 2002 en prévision de l'instauration d'un marché
intérieur de l'énergie libre et transparent». Il a en outre évoqué «la mise en
place des instruments nécessaires à travers la loi promulguée en février 2002
sur l'électricité et la distribution du gaz par canalisations». Une loi, qui,
dit-il, «répond aux exigences d'un marché ouvert et compétitif et offre la
liberté d'importer et d'exporter de l'électricité». Pour lui, elle constitue
également «un cadre juridique adéquat pour amorcer l'intégration de l'Algérie
aux marchés régionaux maghrébins à ceux de l'Europe». Le ministre a fait
cependant valoir la nécessité «d'un souffle nouveau pour dynamiser ce processus
que nous nous sommes engagés à concrétiser. Alors continuons ce que nous avons
entamé ensemble ».
Les préalables de l'Union européenne
A cette suggestion algérienne, le commissaire européen à l'énergie estime
qu'il y a des préalables. Il a rappelé aux pays maghrébins que leur Conseil des
ministres, qui regroupe leurs ministres respectifs de l'Energie et associe la
Commission européenne à ses délibérations, a été instauré par le protocole d'accord
signé le 2 décembre 2003 à Rome dans le cadre du processus de Barcelone.
Conseil qui est appelé, comme l'a souligné la ministre marocaine, Amina
Benkhadra, à jouer un rôle crucial dans la définition et l'adoption d'une
stratégie pour la mise en place d'un marché de l'électricité entre les trois
pays maghrébins et de son intégration progressive dans le marché de l'UE.
«Projet porteur d'avenir pour toute une région dont nous devons assumer la
responsabilité de réussir», avait-elle affirmé. Des propos largement partagés
par le ministre tunisien de l'Energie. Les discours des trois pays maghrébins
ne souffrant d'aucune divergence à ce propos ne manquent, pour y arriver, que
la concrétisation des préalables posés par le commissaire européen, Günther H.
Oettinger. D'autant, avait-il commencé par dire que «la réunion d'aujourd'hui
demande qu'on est pour la concrétisation de cet objectif d'intégration». Les
raisons est que, mentionne-t-il, «le Maghreb connaît une demande croissante de
l'électricité au vue de son développement économique, social et démographique».
Ce qui, selon lui, exerce des pressions sur les pays de la région pour produire
davantage de l'électricité et construire plus d'infrastructures. «La demande
énergétique maghrébine augmentera de 6 à 7% d'ici 2020 », estime la ministre
marocaine. Günther reconnaît qu'il existe pour cela beaucoup de projets
d'investissements qui pourraient être mis en Å“uvre « à condition que les pays
maghrébins mettent en place un cadre de travail adéquat à travers l'exploitation
de systèmes complémentaires de l'électricité dans vos pays et avec vos
partenaires de l'UE ». L'harmonisation des tarifications de l'électricité entre
les pays maghrébins devra figurer en pole position dans ce cadre que l'UE
qualifie d'adéquat. Les Européens, pour leur part, oeuvreront, selon lui, « en
parallèle, à l'élargissement des énergies renouvelables dans la Méditerranée,
un point important dans la politique environnementale de l'UE ». Il estimera
les besoins de l'Europe en énergies renouvelables à 20%. « Ce qui exige sur le
long terme que les normes de ces énergies jouent un rôle central dans notre
partenariat énergétique».
Les promesses du Conseil des ministres
La CE prépare, a-t-il indiqué, une stratégie pour « décarboniser le secteur
énergétique. Ce qui démontre les capacités de développement des énergies
renouvelables dans la Méditerranée». Premier grand projet qu'il considère
«leader ». A cet effet, le projet Desertec, projet qui, dit-il, « appartient à
notre économie et est initié et financé par de grandes entreprises privées
allemandes, espagnoles, italiennes mais nécessite un soutien technique des
pouvoirs publics ». Seulement, il estime que « tout reste à faire dans ce
financement privé parce que l'intérêt doit être public ». Mais il conditionne
encore une fois le tout par « la mise en place d'un cadre législatif,
réglementaire et institutionnel, adéquat dans les pays du Maghreb». Autres
préalables du commissaire européen, des conditions claires pour le transport et
la commercialisation de l'électricité dans la région. Il suggèrera, à demi
mots, la nécessité de l'indépendance des autorités de régulation et la
transparence de leurs techniques de fonctionnement. « Ce sont des composantes
essentielles pour la mise en place de ce cadre adéquat », a-t-il affirmé. Il
rappellera que l'UE a, depuis 2007, financé un important programme pour mettre
à la disposition des pays maghrébins les exigences qu'il faut pour
l'intégration de leur marché. « En parallèle, vos pays ont accompli un effort
considérable d'investissement », a-t-il dit. Il estime que l'achèvement de la
ligne de 400 kW liant l'Espagne à la Tunisie va profondément changer la
situation ». L'autre ligne qui reliera l'Italie et la Tunisie constituera,
indique-t-il, « un prolongement majeur qui profitera à toute la région ». La
mise en place d'un réseau d'interconnections entre les marchés des pays
maghrébins constitue ainsi, à ses yeux, cet autre préalable fondamental pour
réussir leur intégration dans le marché européen. Il évoquera au passage la
nécessité de sécuriser les interconnections existantes et à venir. Sécurisation
qui exige, selon lui, encore une fois, «le développement de législations
communes pour la gestion des sites et des réseaux. Et en même temps, « une
profonde coopération entre les opérateurs et les systèmes de transport de
l'électricité et aussi entre les autorités de régulation respectives ». Il a
appelé à la mise en place de ces autorités au Maroc et en Tunisie. « Nous
sommes prêts à les aider pour cela», a-t-il promis. Tout en insistant sur
l'indépendance des autorités de régulation des pays maghrébins, le responsable
européen a fait savoir que les opérateurs dans l'UE travaillent actuellement
dans le cadre ENTSO-E pour mettre en place un certain nombre de réseaux qui
faciliteront l'échange de l'électricité à partir des frontières européennes. Il
propose d'élargir le système de ces réseaux aux pays maghrébins. Le commissaire
européen demande à ses coéquipiers du Conseil des ministres d'arracher un
soutien politique de leurs gouvernants pour concrétiser tous les préalables
qu'il a mis en avant. Dans sa déclaration d'Alger, le Conseil des ministres a
inscrit dans son plan d'action 2010-2015 l'harmonisation des cadres législatifs
permettant l'intégration des marchés maghrébins au marché intérieur européen.
Il promet de veiller au développement de ces marchés de l'électricité,
d'assurer le développement des échanges commerciaux, de renforcer les
compétences des différents opérateurs sur le marché des pays bénéficiaires et
enfin d'encourager le développement des énergies renouvelables dans le cadre
d'un développement durable dans la région du Maghreb.
Le Conseil des ministres a invité
la Mauritanie et la Libye à se joindre à lui. Les deux pays n'ont été que
membres observateurs dans la réunion d'Alger.
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Posté Le : 21/06/2010
Posté par : sofiane
Ecrit par : Ghania Oukazi
Source : www.lequotidien-oran.com