Algérie

«Hardi n'est pas qui veut» Youcef Benoudjit (1951-2001), wali de Boumerdès de 1987 à 1991



«Hardi n'est pas qui veut»                                    Youcef Benoudjit (1951-2001), wali de Boumerdès de 1987 à 1991
Probe et hardi tu as vécu, hardi et probe tu es parti, sans une plainte, sans un cri, ni le moindre chuchotement, tu nous as quittés.
Tu es né le 10 août 1951 et, subitement, le 15 août 2001, tu as lancé ton dernier «by», initiales de ton identité (B, pour Benoudjit et Y, pour Youcef) se confondant avec des au revoir répétés et d'exquises retrouvailles. Un «by» qui a dépassé de cinq jours, seulement, celui de ta naissance.Tel que je t'avais toujours connu, bardé de pugnaces convictions, d'une foi inaltérable et de prémonitions quasi prophétiques, tu te préparais, dans la douleur, vaillamment tue et la patience muette, au voyage sans retour des hommes justes.
Combien sont enviables les signes de ton destin jusqu'à ce jour, jalousé par les fats, les vaniteux et autres suffisants.
Ceux-là mêmes qui s'étaient appliqués, avec acharnement, à contrarier tes ambitions et ton ascension vers un but que tu as failli atteindre n'eut été la bêtise et la traîtrise de la canaille si preste à faire «trébucher» les desseins des hommes aimés de Dieu. Tu aimais, avant que tu ne sois rappelé à la miséricorde du Tout-Puisant, m'entendre te répéter, pour mettre du baume à ton c'ur meurtri, ces apaisantes paroles du Prophète Mohamed (QSSSL) : «Il est des hommes si proches de Dieu, quand ils l'invoquent, il ne les déçoit jamais.»
Quelques jours après la mort de ton beau-père auquel tu vouais une admiration sans limites, la grande Faucheuse t'a surpris, le Saint Coran entre les mains et, une fois la prière du Fedjr accomplie, dans la sérénité sublime de l'aube immaculé, au moment où le plus grand nombre des mortels ruminait, en des songes inassouvis, leur insatiable quête des viles choses de ce bas monde.
Combien grande était ton âme et combien manséant était ton esprit. Tu parvenais à transcender les situations les plus délicates pour imposer, avec doigté, ton bon sens. Vertu, je m'en souviens, que tu avais démontrée avec la morgue des grands lors de la cérémonie d'installation, en 1991, du président FIS de l'APW de Boumerdès, et dont les maîtres de céans, après de longs et fastidieux exercices mystiques où se mêlaient pernicieusement, propos vengeurs, allusions menaçantes et viol des consciences annonçant les prémices d'un califat moyenâgeux, t'ont donné la parole. Point de discours. Ainsi, tu as réussi à contourner le piège sans heurter ceux qui s'attendaient à ce que tu les caresse, en victorieux, dans le sens du poil. Tu as eu seulement ces mots, brefs nets, précis et combien suggestifs : «Nous n'avons rien à ajouter à la parole de Dieu, la séance est levée.»
Et pourtant, de ton vivant, tu aurais pu, alors que tu présidais aux destinées d'une des régions les plus convoitées du pays, assurer, à l'exemple des prédateurs qui sont aujourd'hui légion, plus que confortablement, tes arrières et ceux de ta famille, réussir comme on dit le «taouil». Le jour où on t'a «remercié», tu n'avais pas le moindre pied-à-terre. Ton refus de la compromission, des passe-droits et du népotisme, a fini par compromettre ta prometteuse carrière brisée à l'orée de dérives annoncées par la hardiesse faussement hardie de décideurs dont le zèle n'a d'égal que leur piteuse et délétère 'uvre minant jusqu'à ce jour ce pays que tu n'as eu de cesse d'aimer jusqu'à ta mort.
J'étais convaincu que l'épée de Damoclès allait, injustement, s'abattre sur ta personne le jour où tu avais demandé mon avis sur ta sollicitation par un puissant oligarque du pouvoir afin d'attribuer à un imposteur, un terrain agricole, alors que ce prétendant recommandé n'avait aucune relation avec le monde agraire, «un immigré bien introduit faisant feu de tout bois», m'a-tu confié. Prenant acte de ma moue dubitative, tu as aussitôt apposé au feutre et en grosses lettres, sur la missive qui t'avait été adressée dans ce sens, cette formule : «Avis défavorable, l'intéressé n'a pas la vocation d'agriculteur». Tu avais, en quelque sorte, signé l'acte de ta propre disgrâce.
Ton court séjour à Laghouat, le pays de l'émérite poète Tekhi Abdallah Benkeriou, chantre des immensités steppiques où, entre l'homme et l'horizon, ne s'interpose aucun obstacle, demeurera à jamais gravé dans la mémoire des gens de cette hospitalière et fière contrée. En effet, il n'est pas un ksar de celle-ci qui ne se souvienne pas des gageures que tu as réalisées en fournissant avec un acharnement inégalé aux humbles nomades d'Aflou et des dhaïte désolées, un confort (eau potable, pistes, électricité, écoles, équipements sociaux divers') langui depuis des lustres.
A travers la wilaya de Boumerdès et durant quatre années bien remplies (1987-1991) et au moment où le pays était quasiment en cessation de paiement, tu as réussi à imprimer aux bourgades les plus isolées des piémonts de Bouzegza et à celles abritées par ta «délicieuse bien aimée», Dellys, l'amorce d'un progrès indiscutable et, qui plus est, sans la moindre autorisation de programme, seulement avec «el kelma» (la parole) et l'indélébile empreinte des hommes de bonne volonté, à l'exemple des Djardjar et autre Achaïbou.
Exécrant la grandiloquence, le tape-à-l''il et les faire-valoir anesthésiants dont aucuns ont usé et abusé pour' abuser leurs administrés, toi tu as préféré te focaliser (te sacrifier !) sur les 'uvres de l'avenir et non sur le superfétatoire. Ces 'uvres, multiples et diversifiées, de Tamentfoust jusqu'à Dellys (infrastructures de base, chaînes d'AEP, assainissement, électrification rurale'), témoignent de ton dévouement envers les plus démunis. 'uvres cachées (infra), contrairement à celles tapageuses et souvent oiseuses dont se sont enorgueillis certains responsables seulement mus par le désir de voiler leur médiocrité et incompétence par ces sortes de miroirs aux alouettes, attesteront pour l'éternité de tes hautes qualités de commis de l'Etat au service de la communauté.
Parmi celles-ci, beaucoup de gens, les humbles comme les plus nantis, n'ont eu de cesse, de ton vivant et ad mortem, de vanter tes exceptionnels mérites. On dit souvent de toi : «Benoudjit a terminé tôt sa carrière dans un quelconque appartement de la populeuse cité Ibn Khaldoun, point de villa, ni fonds de commerce, ni terrain à bâtir, ni compte en banque grassement fourni, ni, ni'» Seulement, j'en atteste devant Dieu, un passé irréprochable, un trésor intellectuel, une femme modèle et une progéniture saine et accomplie.
Un sacerdoce bien abouti, totalement réussi, entièrement en phase avec les préceptes divins, décrétant, qu'à sa mort, tout individu est définitivement coupé de ce monde, à moins que, avant de le quitter, il n'ait laissé derrière lui une aumône pérenne, une 'uvre scientifique qui serve les vivants ou encore un fils modèle qui prie pour la paix de son âme.
Or, Youcef Benoudjit a quitté ce bas monde en faisant comprendre aux «survivants» que nous sommes un sublime pied de nez. Chant du signe entonné dans l'aube des saines louanges dont ne sont, en effet, capables que les hommes proches de Dieu.
Heureux comme «BY, BY» (ce sont ses initiales qu'il aimait m'entendre prononcer pour le taquiner en guise d'au revoir) qui, en dépit d'une éprouvante traversée du désert, a laissé derrière lui plus que ne souhaiterait un mortel soucieux de satisfaire son créateur au jugement dernier : sacrifier sa vie pour sauver son âme.
Un chapelet d'aumônes pérennes, une pléiade d'infrastructures réalisées par d'ingénieux montages financiers et le plus souvent sans autorisation de programme, des 'uvres d'histoire (entre autres, un livre sur la Qalaâ des Béni Abbes au XVIe siècle, préfacé par l'éminent historien Mahfoud Keddache et dont l'édition est depuis longtemps épuisée, ainsi qu'un manuscrit achevé juste avant sa mort) et enfin, une femme, des enfants, des amis fidèles et une multitude d'humbles anonymes qui prient souvent pour le repos de son âme. Bye, bye Youcef.


Je t'ame BY
Ben rach - Choumar - Batna, Algérie

28/10/2012 - 44430

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