Au moment où la campagne électorale tente de chauffer le «bendir» en prévision de la présidentielle du 17 avril, les Algériens, eux, luttent pour un minimum de vie digne. A Hammadi, petite localité située à 30 km à peine d'El Mouradia, la majorité de la population n'a pas de gaz de ville, les élèves s'entassent à 50 par classe, le chômage caracole à 25% et les jeunes n'y ont d'autre horizon que le café du coin.Quotidien d'une «non-ville» au c?ur de la Mitidja.Hammadi. Commune carrefour située à la frontière de trois wilayas : Alger, Blida et Boumerdès. Après avoir fait partie des deux premières, depuis 1984, elle est une commune «35». Pour s'y rendre, ce n'est pas très compliqué : il suffit de prendre l'autoroute de l'Est puis de bifurquer par la route de Khemis El Khechna. Hammadi est juste à une trentaine de kilomètres d'Alger, à quelques encablures de Meftah. Elle est quasiment dans le «dos» de l'aéroport. D'ailleurs, d'ici, les avions sont très proches. «Nous subissons les mêmes nuisances que les habitants de Dar El Beïda, sauf que nous, nous ne percevons aucune taxe sur les avions», glisse le P/APC de Hammadi, Abdellah Lamini. Un rond-point très animé, à l'entrée de Haï Ben Ammar, annonce le début du territoire de Hammadi. Des camionnettes proposent fruits et légumes à la pelle, au bord de la chaussée. A partir de là, on s'engouffre dans un paysage des plus chaotiques. Alors que l'on est censé être en pleine Mitidja, la verdure des champs et les vergers plantureux d'antan ont depuis longtemps cédé la place à une bétonisation tous azimuts.La bande de bitume menant vers Hammadi est parsemée de hangars, de magasins de pièces détachées, de garages de mécanique générale, de vendeurs de machines industrielles et autres dépôts de matériaux de construction. A la densité des locaux commerciaux accaparant le moindre mètre carré s'ajoute celle du trafic routier, dominé par les «gros tonnages».«Mawad binae»Première image qui saute aux yeux en débarquant à Hammadi : l'ampleur du désastre urbain. Le décor est lugubre au possible. La ville ne semble obéir à aucun plan d'urbanisme. «Le PDAU (Plan directeur d'architecture et d'urbanisme, ndlr) est dépassé. A la base, c'est un mort-né. Ses concepteurs n'ont pas fait de projection sur l'avenir», regrette le maire. Hammadi est l'archétype de ces «béton-villes» qui ont prospéré dans les années 2000 dans les campagnes de la Mitidja, empiétant sans vergogne sur les terres agricoles.La plupart des bâtisses sont inachevées. Les matériaux de construction (briques, ciment, échafaudages, monticules de sable et de gravier) saturent l'espace. Si bien que Hammadi a le visage d'une ville «mawad binae» pour reprendre la formule cinglante d'une citoyenne. Quand on s'y promène, on n'a qu'une question à la bouche : «Wech s'ra '». Qu'est-ce qui s'est passé ' Le chef-lieu de la commune donne l'impression de se relever d'une guerre ou d'un séisme. C'est simple : toute la ville est en chantier. Où que se porte le regard du visiteur, des constructions qui s'éternisent, des baraques érigées à moitié, des fers d'attente. Le rouge brique et le gris ciment sont les couleurs dominantes. Il n'est pas jusqu'à la mosquée centrale (mosquée Imam Malek) qui n'ait son échafaudage. «Hammadi a poussé dans l'anarchie la plus totale.Avant, c'était un patelin paisible. Beaucoup d'Algérois ont acheté ici. Dans les années 1990, des dizaines de familles ont afflué vers la région pour fuir le terrorisme. D'autres se sont jetés sur le foncier. A l'époque, les terrains n'étaient pas chers. Mais beaucoup parmi les nouveaux arrivants ont dégradé le site», témoigne un ancien habitant de la commune.25% de taux de chômageDes rails hors d'usage témoignent de l'époque où une ligne de chemin de fer reliait la cimenterie de Meftah à Rouiba via Hammadi. Les voies mécaniques sont infestées de nids-de-poule. Les trottoirs, quand ils existent, sont dans un état lamentable. Des cloaques, des mares boueuses se forment aux moindres ondées. Le marché principal patauge dans la gadoue.Les réseaux d'assainissement sont désuets. Le tertiaire est peu développé. Les infrastructures scolaires manquent cruellement. La commune compte un seul lycée et deux CEM. Des élèves de Ben Ammar doivent aller jusqu'à Dghafela, qui relève de la commune de Khemis El Khechna, faute de places pédagogiques. «J'ai été touché en les voyant, surtout les filles, parcourir cette distance à pied, par une route déserte non desservie par le transport. Alors, j'ai tout fait pour mettre à leur disposition un bus scolaire», confie le maire.M. Lamini, un ancien responsable FLN passé au RND, le dit sans détours : «Rani h'assel! (Je suis coincé).» Il est à noter que Hammadi a connu, au cours des quinze dernières années, une croissance démographique exponentielle, mais les équipements n'ont pas suivi. Hammadi peut au moins se consoler de ce que, depuis 2009, elle dispose quand même d'une maison de jeunes. Un bâtiment à l'architecture improbable jouxtant la mairie. Hormis ce refuge, sollicité surtout pour son cyber, les jeunes n'ont que les cafés pour tromper leur ennui. Le taux de chômage tourne autour de 25%, selon le P/APC.Boom immobilier et rues sans plaquesL'état déplorable de cette «non-ville» est tel, que ce qui fait office de rue ne porte aucune plaque. Dans le jargon administratif, le chef-lieu de la commune est désigné simplement par l'appellation «Hammadi-Markaz» (Hammadi-Centre). Douze sites lui sont rattachés : Hammadi Ben Hamza, Haï Ben Ammar, Haï Ouled Brahim, Haï Ben Ouadhah, Haï Smaïdia, Haï Ouled Belhadi, Haï Oued El Hamiz, Draâ El Azz, Haï Sidi Lakhdar, Haï Mouaïssia, Haï Babouri et Haï Ennassim. Tous les sites en question, qui étaient des domaines agricoles, ont subi la violence du béton et de l'urbanisation anarchique qui métastase à perte de vue, dévorant plantations et vergers. Hammadi a ainsi accusé de plein fouet les contrecoups de la pénurie de foncier à Alger. Sa proximité de l'axe autoroutier, du port et de l'aéroport en a fait un terrain de prédilection pour les petits industriels et les magnats de «l'import-import».En témoigne la quantité de hangars dont des entrepôts sous-douane, qui y ont élu domicile. On y trouve même une base du géant chinois CITIC-CRCC, une annexe de Toyota et d'autres enseignes ayant pignon sur rue. «Mais en termes de recettes fiscales, cela ne nous rapporte rien. Ces entreprises paient leurs impôts dans leur siège social», déplore le maire. L'essentiel des recettes (27 milliards de centimes en tout) provient surtout des nombreux commerces et petites fabriques qui ont proliféré dans le coin ces dernières années. Zone commerciale en plein essor après avoir délaissé l'agriculture, Hammadi a changé de modèle économique. A la clé, un démantèlement en règle de la paysannerie locale.S'il est une activité qui a prospéré à Hammadi et ses alentours, ce sont bien les agences immobilières et autres «bureaux d'affaires». Alors que les terrains étaient cédés pour quelques milliers de dinars au début des années 1990, aujourd'hui, ils peuvent atteindre les 50 000 DA le mètre carré pour les mieux lotis. «Les terrains oscillent généralement entre 25 000 et 40 000 DA le mètre carré», indique un agent immobilier.«En 1987, sous Chadli, lorsqu'on a commencé à restituer les terres agricoles nationalisées durant la révolution agraire, les gens qui ont récupéré leurs terres se sont aussitôt mis à les vendre. Alger étant saturée, on s'est rabattu sur les communes limitrophes. Mais, comme vous le voyez, c'est tout sauf une ville. Hammadi manque cruellement de services», poursuit notre interlocuteur.Sur les murs et les poteaux électriques sont affichées des annonces immobilières proposant divers terrains, à Ouled Moussa, Ouled Slama et autres villages de la Mitidja. Certaines précisent «avec acte». Car il faut savoir qu'une bonne partie des terrains vendus ont été cédés par simple «papier timbré», la transaction se faisant juste chez le notaire, sans acte ni livret foncier.Campagne pour un hiver au chaudOutre les annonces immobilières, d'autres affichettes, à caractère social celles-là, lancent un appel à solidarité sous le titre «Campagne pour un hiver au chaud à tous». L'initiative est de l'association Afak El Moustakbal. Rabah Koubaï, un de ses cadres les plus actifs, explique : «Nous collectons des vêtements, des couvertures, au profit des plus démunis. On démarche aussi les entreprises pour avoir des chauffages. Il y a beaucoup de familles qui vivent dans la misère à Hammadi. 60% de la population est dans le besoin.» Rabah lui-même est dans une situation assez précaire.Cet employé municipal de 34 ans est détaché à la Maison de jeunes. Comme beaucoup, il émarge au préemploi et gagne à peine 15 000 DA. «J'ai 5 ans de service pour un salaire minable. Ma paie part entièrement dans le loyer. Heureusement que j'ai hérité d'un magasin de mon père, une boutique de cosmétiques qui m'aide à boucler mes fins de mois», dit-il. Cet enfant de Hammadi dont la famille est installée dans la région depuis des générations, se désole de l'état de dégradation de sa ville. «Avant, Hammadi était un havre de paix. Il n'y avait pas toute cette anarchie urbaine. Aujourd'hui, c'est le chaos total. Toute la ville est éventrée. Les gens construisent n'importe comment. Ils empiètent sur les trottoirs. Malgré toutes ces constructions, il y a une grosse crise du logement à Hammadi. Il n'y a pas de logements disponibles pour la location. Un simple F2 se négocie à 15 000 DA. Les appartements atteignent parfois 35 000 DA.» Selon le maire, 3700 demandes de logements sociaux ont été enregistrées par l'APC pour un programme de 500 logements. En chantier?
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Posté Le : 29/03/2014
Posté par : presse-algerie
Ecrit par : Mustapha Benfodil
Source : www.elwatan.com