Algérie - Chellali Hamida

Hamida CHELLALI Entre la peinture et la méditation transcendantale



Hamida CHELLALI Entre la peinture et la méditation transcendantale

Avec une poignée d'autres, Hamida Chellali est l'une des artistes les plus à l'avant-garde de la peinture moderne nationale. Au tout début de sa carrière, elle opte d'abord pour le théâtre dans le but de faire de la mise en scène. Puis, en 1982, commence sa bifurcation vers la peinture, un peu comme un coup de foudre ou comme la révélation soudaine de quelque chose qui sommeillait en elle. La découverte de cette expression artistique se fait en même temps que celle de la méditation transcendantale et des philosophies hindouites. Depuis, Hamida Chellali n'a pas cessé de peindre et de pratiquer le yoga.

 

Avec cette artiste nous sommes donc dans une démarche artistique et intellectuelle consciente de sa finalité. Par la peinture se fait la recherche de l'accomplissement d'un dessein qui est de «transférer notre existence dans une conscience plus élevée et à transformer notre principal pouvoir de vie», pour reprendre le philosophe indien Shri Aurobindo. Puisque c'est d'abord à partir des éléments de la philosophie hindouiste que nous essayerons de comprendre l'œuvre de Hamida Chellali, du moment que celle-ci est inséparable des principes doctrinaires qui sont à son origine et qui la sous-tendent en grande partie. Dès ses débuts, cette peinture est un questionnement métaphysique et poétique sur les choses et leur essence, sur les mondes visible et non visible. Elle laisse l'imaginaire faire son œuvre et, en même temps, transcrire des états d'âme. Elle cherche à dépasser les réalités contraignantes et parfois absurdes de l'existence pour atteindre un niveau de la conscience qui permette de s'élever quels que puissent être les aléas et les contingences du quotidien. Dans cette quête d'élévation, elle cherche à regarder le monde et les choses en se questionnant sur leur sens et leur beauté, pour en comprendre le miracle et en visant d'approcher sa pureté. La peinture de Hamida Chellali est donc une quête de lumière. Et chaque toile se présente comme un stade de cette élévation spirituelle tendant vers l'état suprême, vers ce que la philosophie hindouiste appelle «délivrance» et «union» et que René Guénon appelle «réalisation métaphysique». Parallèlement à la méditation transcendantale, la peinture est pour Hamida Chellali un moyen vers l'accomplissement de soi dans «l'absolue plénitude». Laissons maintenant René Guénon, dont la pensée est connue par sa rigueur, nous expliquer que «la réalisation métaphysique» dans les doctrines traditionnelles de l'Orient «n'a aucun rapport avec des phénomènes quelconques plus ou moins physique, écrit-il; la métaphysique est au-delà des phénomènes; et nous prenons ce mot dans sa plus grande généralité [...] L'individu humain, en effet, est à la Ibis beaucoup plus et moins qu'on ne le pense d'ordinaire en Occident, il est beaucoup plus en raison de ses possibilités d'extension indéfinie au-delà de la modalité corporelle, à laquelle se rapporte en somme tout ce qu'on en étudie, bien loin de constituer un être complet et se suffisant à lui-même, il n'est qu'une manifestation extérieure, une apparence fugitive revêtue par l'être véritable, et dont l'essence de celui-ci n'est nullement affectée dans son immutabilité.» Maintenant que située dans la discipline globale qui guide la vie de l'artiste dans la voie de l'illumination, cette peinture se livre à nous dans sa quintessence même. Ce que nous pouvons en dire d'abord, c'est qu'elle est complètement libérée de la réalité et des contingences de la vie dans une société donnée, la nôtre en particulier. Les images qu'elle nous propose sont issues d'un moment de méditation, ou de poésie pure, et lui-même issu d'une «maîtrise consciente culminant en une véritable transsubstantiation». (R. Guénon). Suprématiste, la peinture de Hamida Chellali s'élève dans un monde de couleurs et de formes irréelles ne pouvant être apparentées ni à l'animal, ni au végétal, ni au minéral. Des bulles se forment; les unes petites, claires, pétillantes et les autres plus grandes, d'un rouge éclatant et d'autres encore se sont évanouies dans le noir, qui sert de fond à ce spectacle féerique. Mais on ne comprend pas pourquoi l'artiste donne à cette toile de 1997 le titre de Paysage alors que celle-ci relève beaucoup plus d'un paysage mental, ou d'un phosphène, c'est-à-dire une de ces images qui papillonnent devant nos yeux quand nous avons fermé les yeux et nous apprêtons à nous endormir, ou encore que l'on voit quand on est dans un état de fatigue. Dans une autre peinture, datant de 1990 et portant le même titre, apparaît une grappe de formes vertes vivement éclairées par leur propre lumière car tout autour, c'est le noir. Dans un autre Paysage datant des années 90, ce sont des grappes de cercles qui tourbillonnent dans le vide. Le vide, c'est un fond sombre sabré d'éclairs blanchâtres. Si la référence au paysage nous semble à écarter ici, c'est à une musique que nous pensons lorsque nous regardons cette peinture : une musique où se déploient un tempérament puissant, une imagination ardente, un romantisme exubérant, où la forme est libre et sans plan précis mais d'une grande variété de rythmes. Nous pensons à une musique hardie comme, par exemple, la Symphonie fantastique de Berlioz. Et d'ailleurs cette peinture de Chellali n'est-elle pas composée comme une musique à programme, avec sa phase répétitive (les grappes de cercles, véritable idée fixe) qui circule à travers des mouvements ? En tout cas, cette toile donne la vive impression qu'elle a été réalisée par une artiste complètement transportée par la musique et qui réussit, dans son élan, à y transcrire les mouvements et les notes essentiels. Ainsi en toi est le jardin des fleurs (1990) représente une espèce de pomme (ou de cœur ?) vert et rouge sur un fond bleu nuit. Ce sont les vibrations des verts et des bleus entrés en sympathie avec les notes vermillon et carmin qui, ici, donnent cette poésie intime et sensuelle, caractéristique des œuvres de Chellali. Les cœurs (ou feuilles ou pommes ? L'ambiguïté ici est reine) qui apparaissent dans librations (1990) ont quelque chose à voir avec un peintre comme Jim Dine, se dit-on avant de se rétracter car Chellali puise dans son propre univers intérieur, dans les riches ressources que son expérience transcen¬dantale rend visibles. Progressivement Hamida Chellali apure ses œuvres, parce que la nécessité de synthèse lui semble importante dans l'art d'aujourd’hui. La nature est quasi présente mais toujours abordée d'une manière indirecte, dans un langage d'aujourd'hui, l'abstrait en l'occurrence. Ses «paysages» évoquent des nuages, la mer, un champ... Libre à l'imagination du spectateur d'y lire, d'y trouver ce qu'elle veut. «… Chaque toile se présente comme un stade de cette élévation spirituelle tendant vers l'état suprême…» Hamida Chellali pratique donc le yoga et la méditation trans¬cendantale. Cette dernière a pour finalité de réaliser ce «bond ou cette ascension qui sera beaucoup plus important que celui que la nature a accompli pour passer du mental vital de l'animal au mental pensant encore imparfait de notre intelligence humaine» (Shri Aurobindo). C'est donc à une «vérité supra- mentale» que tend cette peinture en prenant appui sur cette «force spirituelle que nous entendons parfois s'élever en nous», pour citer encore Aurobindo, qui dit que le mental à lui seul ne suffit pas, surtout lorsqu'il assujettit «le pouvoir central de l'esprit» à une «orientation consciente et une méthode» pour prétendre accomplir le miracle. «La liberté et la perfection vérifiable de l'homme se feront jour quand l'esprit intérieur fera éclater les formes de pensée et de vie et, s'envolant vers son flamboyant cœur gnostique, utilisera sa lumière et sa flamme pour les saisir et les transformer à sa propre image», selon ce penseur. C'est donc non pas dans la voie du rationalisme mais dans celle (plus riche ?) d'une élévation spirituelle exigeante que s'ouvrira «la voie de l'homme vers la suprahumanité». «Alors sa philosophie, son art, sa science, son ethnique, son existence sociale, ses recherches sur le plan vital ne seront plus un exercice de la pensée et de la vie [...] mais un moyen pour la découverte d'une vérité plus haute derrière la pensée et la vie et l’introduction de son pouvoir dans notre existence humaine. Nous serons sur la bonne voie pour devenir nous-mêmes, pour découvrir notre véritable loi de perfectionnement, pour vivre notre véritable et satisfaite existence dans notre être réel et sa nature divine.» Comme la philosophie qui la sous-tend, la peinture de Chellali ne se veut pas perfection mais tentative d'approcher un idéal de perfection. Car, comme dit Ghandi à propos de la religion hindouiste, «si nous étions parvenus à la pleine vision de la vérité, nous ne serions plus des chercheurs, nous serions devenus un avec Dieu. Mais, puisque nous n'en sommes encore qu’ 'à chercher, nous poursuivons notre recherche et nous sommes conscients de notre imperfection».

 

L’œil et la femme, force du regard.

 

 

Cœur.

 

 

Vibration de couleurs et de rythmes.





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