«Quand on aime la
justice, on est quelqu'un de révolté…» (Alfred Capus)
Le troisième jour de la nouvelle année célébrera le 3e anniversaire de la disparition de
Hamid Kechad, qui aura conquis, longuement, les cÅ“urs des auditeurs de la chaîne III de la radio nationale
par les émissions : « Contact- Gal ou Gal- N'Dir kima ydir fel elb'har el aouam
». Mériem, ta fille que tu as bercée avec « Doud'ha ya Doud'ha », est une belle
jeune fille actuellement, elle est à l'université comme tu l'aurais souhaité.
Lamine, ton fils aîné, graine de son père fait ses premiers pas dans la radiophonie. Tu ne
lui as légué que ce fil d'Ariane pour s'orienter dans ce sanctuaire mystique
que tu as épousé, comme on le fait pour un Ordre.
Connu par les « persécutions
» administratives que tu as toujours subies en silence, tu as choisi ce même
mode d'expression pour partir éfinitivement, laissant aux autres l'avantage de
t'avoir côtoyé. Atypique, tu ne répondais à aucune définition jusque là usitée pour faire
connaître les personnages. Iconoclaste, tu bousculais le traditionnel, pour
paradoxalement, t'en nourrir. Eclectique, tu ne faisais valoir aucun savoir
auprès des humbles. Au lendemain de ta disparition, le meilleur des hommages
qu'on ait pu te faire et tu t'en moques je le suppose, ce sont les profuses
déclarations des confrères et des amis. Aziz Smati, Mohamed Ali Allilou, Sid
Ahmed Sémiane (SAS), Aziz Farès, Abdelkrim Djillali, Ahmed Anser, t'ont, tous,
fait un clin d'Å“il complice. La caricature de « HIC », te montrant ailé et
montant vers le ciel avec cette bulle : « Enfin ! Je vole de mes propres ailes
» est probablement, l'hommage que tu aurais le mieux apprécié. Véridiques et
sincères, ces témoignages n'ont fait que rétablir dans ses droits, l'homme qui
aura passé, sa vie durant, à dénoncer l'injustice et combattre le déni. Notre
première rencontre avait eu lieu en 19 70 dans cette contrée présaharienne
écrasée, par la fournaise
du mois d'août. Tu n'avais encore que 14 ans à peine ; tu quittais Douaouda, ton village natal, pour la première fois pour
aller si loin. Tu y subissais ton « baptême de feu ». L'atmosphère de la cérémonie de mariage,
ce jour là, empestait la
poudre des fusils qu'on faisait tonner dans un nuage de
poussière. Tu découvrais, subitement et sans mentor, une autre facette de ta
culture ancestrale occultée, pendant longtemps, par le fait colonial. Tu disais
plus tard et à l'âge de raison, que tu as subi en ces moments là, une véritable
immersion dans le cérémonial culturel du terroir. Et la lumière fut ! Subjugué
par la transparence du
ciel, l'ocre des couleurs, la singularité des sonorités et des senteurs, tu
tombais sous le charme des lieux. Et c'est probablement en cette occasion que
naissait en toi, le troubadour des élégies bédouines.
D'abord insolite par ta tenue toute simple de Diogène moderne :
vareuse décolorée, keffieh autour du cou, pull sombre, pantalon bleu de toile
sans pli, godillots lustrés et l'imparable couffin en raphia en guise de fourre
tout, tu étais singulier. Attachant par ton regard pétillant d'intelligence et
le timbre de ta voix chaude et feutrée, tu mettais du piment dans cette sauce
fade de la vie. Boute-en-train,
tes réparties pouvaient être cinglantes. En mettant tous tes sens à contribution pour apprécier le beau, compatir du malheur
des autres et sublimer le vrai, tu ne faisais pas moins, preuve d'acte de
dévotion envers celui qui t'en a doté. Non conformiste, tu violais les tabous
en bousculant les convenances par le verbe pour te faire mettre sur le ban de
l'Institution.
Tes premières amours avec la plume auront lieu au journal « l'Unité » de
l'UNJA ; tu t'attacheras d'amitié avec Djillali Krimo et les T34. Tu pianotais
sur un vieil harmonium abandonné dans la maison coloniale
que ton père, Si Mohamed, artisan-ferronnier d'art, occupa à l'indépendance et
plus tard sur la guitare
que tu abandonnas vite. Il est vrai, qu'à
cette époque tu frayais encore avec Dylan et Ferrat. Tu revenais à tes racines pour te consacrer à la recherche dans le
domaine musical. La chaîne
III te doit la célèbre émission de « Gal ou Gal » où tu
violentais les us linguistiques en permettant aux invités de s'exprimer en
dialectal. C'est ainsi que l'émission mythique, intronisa des noms jusque là méconnus du jeune
public : Meskoud, Doumaze, Kobbi, Bourdib, Djaafri furent ses plus prestigieux
invités. Tu réussiras la
prouesse de faire parler dans une interview de 1987, Amar
Zahi, un des bouddhas du Chaabi. Après le registre de la chanson citadine,
tu t'essaies au genre bédouin. Djillali Ain Tadlès et autres chantres des «
Haouch » (domaines agricoles) n'échapperont pas aux écoutilles de ton « Nagra »
que tu portais en bandoulière. Les maîtres de la strophe poétique,
tels El Khaldi, Lakhdar (Lakhal) Benklouf, El Alaoui ou encore Nador n'avaient
aucun secret pour toi. T'attirant beaucoup de sympathie, tu te faisais
affectueusement appeler : «Abdelhamid» par un autre monstre sacré de la composition, Mohamed
El Badji Tu te faisais virer, deux ou trois fois, de la chaîne III pour
incompatibilité d'humeur ou pour crime «de lèse majesté». Ta traversée du
désert trouvera des moments de répit dans les oasis d' « Alger Rep » et du « le
Matin » où tu y commettras : «La
paix des cimetières».
Hamid n'aura pas eu de statut ni de reporter, ni de journaliste
radiophonique mais, aura conquis des territoires immenses dans les cœurs de
petites gens des Zibans, du Hodna ou du Gourara-Tidikelt où il aimait y aller,
pour dénicher des trésors de vocalise ou de rime bédouine. Il est,
probablement, le premier prospecteur du genre complaintif « Ahellil » après
Mouloud Mammeri, dans le Sud-Ouest du pays. L'imzad, cet instrument monocorde
archaïque et la voix
syncopée de Badi Lala cantatrice de l'Haggar, désormais
dépoussiérés, investirons les espaces culturels universels. Les fidèles
auditeurs de son émission hebdomadaire du mardi soir « Ki ma idir fel b'har el
aouaam »( Comme fait le nageur dans les vagues), ne
l'écouterons plus en direct, le fil de la vie s'est coupé. Les turbulences que connaîtra le
pays, ne le laisseront pas indifférent, il veillera de longues nuits avec les
Patriotes de Haouch Grau dans la Mitidja. Les survivants d'entre eux, ont tenu à
accompagner sa dépouille mortelle jusqu'à son ultime demeure. Il repose à
présent dans un coin d'ombre dans le cimetière de Koléa juste à l'entrée de la
ville.
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Posté Le : 29/12/2011
Posté par : sofiane
Ecrit par : Farouk Zahi
Source : www.lequotidien-oran.com