Algérie

Hamid Ferhat, président de l'APW «A Béjaïa, le désinvestissement est plus important que le rattrapage annoncé»



Le président de l'assemblée populaire de wilaya (APW) de Béjaïa, Hamid Ferhat, porte haut la voix des frustrations populaires et découpe en rondelles les ratés du développement local dans sa wilaya. Retards dans les grands projets d'équipement, désinvestissement des entreprises publiques, projet minier dangereux pour la santé publique, corruption. Rien n'est épargné. Entretien plein d'étincelles.

Depuis 2008, vous n'arrêtez pas de tirer la sonnette d'alarme quant à la situation économique à Bejaïa. Des évolutions ont-elles été enregistrées depuis ?

C'est plutôt depuis 2003 que nous tirons la sonnette d'alarme. Les grands projets sur lesquels, nous avions établi un plan de développement étaient : la pénétrante à l'autoroute, l'extension du port et de l'aéroport, le dédoublement de la ligne ferroviaire, la construction d'un port sec à la ZAC d'Akbou, la relance des zones touristiques, l'endiguement des oueds Soummam et Agrioune, l'inscription de deux barrages à Ouedes et Oued Ghir, l'inscription de sept stations d'épuration, une gare intermodale, à ne pas confondre avec une gare routière, l'ouverture d'une faculté de médecine accompagnée de l'ouverture d'un Centre hospitalier universitaire (CHU). En plus de ces projets, nous avions, à maintes reprises, fait des propositions en matière d'éducation, de santé, du sport et de la jeunesse. Nous avons, aussi, proposé des mécanismes démocratiques, participatifs et transparents notamment au sujet de l'agence foncière, de la commission d'attribution de logements sociaux, de la gestion des marchés agricoles, de fruits et des légumes, de l'ANIREF concernant la gestion du foncier industriel. La liste est longue. Mais les gouvernants du pays n'ont pas à l'esprit l'avenir du pays. À partir de ces quelques éléments, vous pouvez faire vous-même l'inventaire.

Le président de la République a promis un programme de rattrapage de 265 milliards de dinars et bien des projets structurants, notamment la pénétrante qui reliera Bejaïa à l'autoroute Est-Ouest. Qu'en est-il également du CHU de la ville ?

Pour vous donner un repère, à cette époque déjà, il y a dix ans, on nous répondait que la pénétrante à l'autoroute Est-Ouest était sur le point d'être lancée. Ce dit programme en est encore au stade des chiffres sur du faux papier. Vous parlez de projets structurants ? L'Etat lui-même est déstructuré. Quand l'administration se pose, illégitimement, comme tutelle de la population au lieu qu'elle en soit à son service, il n'y a point de structurants. La réalité nous renvoie à la figure tous les jours le lot, sans cesse grandissant, des difficultés multiformes que rencontrent les citoyens. À la lumière de ces quelques éléments, la déliquescence de l'État et la ruse permanente que l'on oppose aux légitimes revendications de la population, il ne peut y avoir ni rattrapage ni développement. Le CHU ne peut échapper à cette amère réalité. On vous dira qu'il est dans le programme quinquennal, mais le plus important ce sont les inscriptions annuelles où il peut voir le jour. Depuis quelques années, nous avons pris sur le budget de wilaya huit milliards de centimes, alors que le gouvernement, à ce jour, n'a daigné l'inscrire, de surcroît, les étudiants de médecine n'ont plus où aller pour leur résidanat.

L'exploitation du gisement minier zinc et plomb d'Amizour fait peser un risque environnemental à l'échosystème. Vous êtes monté au créneau sur ce dossier sensible. Comment a-t-il évolué ?

Voilà un exemple déstructurant que l'on veut imposer à toute une région. En plus du zinc, il y a le plomb qui est un métal très lourd. La seule chose qui évolue dans le bon sens est la prise de conscience des citoyens sur les réels dangers que représente cette exploitation minière. Imaginez, si seulement il s'agissait de fournir une industrie nationale en matière première, le jeu en vaudrait vraiment la chandelle. Le gouvernement a fait preuve d'une incompétence inquiétante dans l'étude de ce dossier. Comment peut-il nous échapper que le concessionnaire de la mine (Terramin, une junior australienne NDLR) est dans le meilleur des cas à la mesure de la solvabilité du forgeron du coin ? Ou encore comment pouvons-nous fermer les yeux sur les dangers de l'exploitation à ciel ouvert d'un cratère de plus de 150 km2 sur quelques trois cent mille habitants ?

L'investissement productif, public et privé, est très important à Bejaïa. Réalité ou gymnastique statistique ?

Je dirai que c'est le désinvestissement qui est très important. Depuis une dizaine d'années, on a assisté à une politique de dilapidation de plusieurs fleurons industriels locaux. L'ENCG, l'ENMTP, les textiles et la chaussure d'Akbou et de Kherrata, les ETR, les briqueteries, le liège…, en tout plus d'une dizaine d'entreprises ont été bradées au profit d'intérêts occultes. Quelque quatre mille postes d'emploi supprimés. Pour le privé, en l'absence d'une vraie politique d'investissement juste, transparente et incitative, on ne peut même pas l'évaluer.

L'investissement est concentré dans la vallée de la Soummam. Comment gérez-vous à l'APW ce déséquilibre entre les régions ?

Il ne s'agit pas de déséquilibre, puisqu'il n'existe tout simplement pas de politique. C'est le fruit du seul hasard ainsi que l'effort de certains investisseurs. La seule cohérence est dans la bureaucratie, la corruption et le clientélisme dont se servent les autorités. L'APW reste l'une des rares institutions à ramer contre les vents de la corruption, de la violence et du clientélisme du pouvoir en place. Ce pouvoir dispose d'une manne pétrolière très importante. Il fait tout pour acheter la paix sociale. La violence, la corruption et le clientélisme sont les instruments d'une vraie politique de dislocation sociale imposée à la population. Dans ces conditions, il n'y a point de place à un vrai développement global et harmonieux. Seulement la place à une résistance.




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