Algérie

Hamid Boudaoud, président du Collège national des experts architectes : «Répondre aux attentes des acquéreurs de logements»



Hamid Boudaoud, président du Collège national des experts architectes : «Répondre aux attentes des acquéreurs de logements»
Photo : Fouad S. Le non-respect de la loi, la défaillance de ceux censés la faire appliquer, la tolérance à l'égard des réflexes négatifs, l'absence d'une réelle stratégie, font que ladite crise du logement persiste encore. Des comportements qui ont malheureusement accéléré la ruralisation de toutes les villes algériennes. Une construction massive - en termes de chiffres - s'érige au détriment de la spécificité et du cachet architectural de chacune de nos régions. C'est le constat établi par l'expert, M. Hamid Boudaoud, président du Collège national des experts architectes, lors d'un débat à bâtons rompus sur le comportement des uns et la léthargie des autres. Qu’est-ce qui pousse les acquéreurs de nouveaux logements à effectuer des transformations à l’intérieur de leurs appartements 'our connaître les raisons de cette attitude, il faudrait faire appel à un sociologue. L’architecte  connaît les raisons. Mais je dirais que les choses ont beaucoup changé  par rapport aux dernières décennies. L’Algérien est exigeant. Prenons l’exemple des logements attribués dans le cadre du social. Le maître d’ouvrage connaît d’emblée la catégorie destinataire. Alors pourquoi ne pas lui  faire appel et tenter d’esquisser ensemble le logement souhaité, tout en tenant compte du coût de la réalisation et les différents matériaux à mettre dans le cadre du projet. L’entrepreneur peut, à cet effet, selon le goût et les exigences de certains souscripteurs, demander une enveloppe supplémentaire de 10 à 15% pour pouvoir répondre aux attentes des acquéreurs. Hélas, cela ne se fait pas. Nous assistons depuis quelques années déjà à un gâchis. Le demandeur de logement, une fois les clés en sa possession, ne trouvant ce qu’il espérait, rase tout ce qui a été fait à l’intérieur et le refait à nouveau et à sa guise, alors autant construire conformément au goût et exigences des acquéreurs, réglant définitivement le problème et épargnant les dépenses inutiles. Il faut qu’il y ait un cahier des charges, interdisant toutes modifications, une fois le chantier achevé. Il y a une loi qui interdit toutes transformations ou modifications pendant les dix premières années d’occupation. Les transformations sont-elles autorisées dans la copropriété '  Dans la copropriété, le  copropriétaire est maître à bord seulement  à l’intérieur de son appartement. Mais il ne doit en aucun cas toucher la structure, la canalisation, ou transformer l’emplacement des sanitaires. La loi est claire. Il ne doit pas toucher à la façade ou l’extérieur de la copropriété ou y changer la peinture. Les transformations sont fréquentes, mais aucune opération portant préjudice à autrui  n’a  été officiellement signalée. Les seules modifications dont nous entendons parler, se limitent aux parties privatives. Pourtant, il y a  l’article 73 de la loi 90 -29 qui dit que le wali le P/APC ou les agents assermentés doivent exiger du copropriétaire procédant  à des  transformations,  des plans et des décisions de la mairie. Mais sur le terrain on n’a jamais vu l’autorité  concernée prendre de telles mesures, laissant ainsi le champ libre  à tous types de dépassements.  Pourquoi cette « tolérance » 'L’administration déclare ne pas disposer de moyens humains. Alors autant restituer à l’architecte sa mission initiale, dès lors que la loi lui confère  toutes les responsabilités. L’étude des projets est élaborée par un architecte, mais le suivi des travaux et de tout le processus ne lui est pas confié. Alors chacun construit à sa guise, pourtant l’architecte est censé être une aiguille entre l’administration et l’usager et si ce dernier déraille, l’architecte est là pour le rappeler à l’ordre. Il n’y a pas de  passerelle entre l’architecte et l’administration. Le moment est donc venu pour que les  pouvoirs publics mettent l’architecte  à l’épreuve et le laissent travailler à même de le  responsabiliser. Et s’il faillit à ses engagement il y a la justice. L’administration a bien failli à certaines de ses obligations et elle n’est jamais passée au banc des accusés. Instituée en 1999, la police de l’urbanisme n’existe que sur le papier.  L’unique intervenant pouvant être d’un apport considérable à l’Etat est bien l’architecte. Il signale les failles de l’usager. Ne dit-on pas qu’on a beaucoup plus peur du garde-champêtre que du préfet ' Nous assistons à un étouffement de l’architecte au profit des bureaux d’études techniques. Pourtant le décret exécutif 94- 07 est spécifique et stipule  que l’agrément est fait pour l’architecte. Ainsi l’étude est censée être élaborée  par un architecte et non par un  bureau d’études technique. C’est là où réside la faille. Apparemment c’est la politique du chiffre. La qualité de l’ouvrage est quasiment absente. Et pour jouir des deux aspects, il faut l’architecte et un maître d’ouvrage compétent. Ce qui fait actuellement défaut.  Les gens ne respectent pas la loi. Nous sommes de mauvais élèves. En matière de textes de lois, nous avons plus qu’il n’en faut. Mais il y a absence de force pour les faire appliquer. C’est l’unique pays au monde où  la loi a vraiment peur de l’individu alors que normalement toute créature humaine doit se soumettre à la  loi. En Algérie, la loi est actuellement soumise à l’usager. Quelle alternative préconisez-vous pour corriger certains  réflexes négatifs 'En amont, je dirais qu’il faut définir le logement pour l’usager. Le territoire national est composé de 1541 communes. Si  chaque ville devait recenser son patrimoine immobilier existant, son patrimoine immobilier vétuste et son patrimoine immobilier inachevé, elle saurait si elle a réellement un pressant besoin en logements, ou bien un manque, une crise ou  tout simplement une mauvaise gestion en la matière. De là, on saurait  si on pourrait construire, ou bien réhabiliter ou achever toute construction inachevée. Autrement dit, un diagnostic nous permettant de définir le logement social. En Algérie, aucune définition n’a été donnée au  logement social. On entame à tort et à travers les projets relevant de cette formule. Le  logement social comme son nom l’indique, c’est des matériaux  de 2e et 3e choix. Et quand on voit que le bénéficiaire, dès qu’il obtient les clés, change et rénove à sa guise, cela veut dire que rien ne correspond à l’attente de l’usager. Cela signifie aussi que tout le monde est architecte sauf l’architecte. Nos villes n’ont aucun cachet urbanistique ou architectural. Cette situation serait-elle la conséquence d’une demande croissante de logements ' Je dirais qu’il n’y a pas de demande croissante de logements. Le  citoyen algérien est obnubilé par le mot crise. L’Etat ne cesse de construire depuis les années 70. Il est temps de mener une étude ou effectuer un sondage pour recenser les problèmes de chaque commune. Les constructions massives ont accéléré la ruralisation de nos villes. Une culture rurale s’est installée dans toutes nos villes. Le citoyen rénove son intérieur, sans se soucier de l’extérieur, le considérant comme un bien public. Certains appartements sont luxueux, alors qu’à l’extérieur, le chantier n’est même pas terminé. Ajoutons à cela que, les  constructions ne se conforment à aucune forme urbanistique.Le législateur fait son travail convenablement, mais ça reste au stade des textes.   Nos cités offrent le décor  de « dechra ». La situation perdure depuis les années 70. Il  fallait négocier le virage le 31 décembre 1984, lors du nouveau découpage des wilayas. Les wilayas de Tipaza, Bordj Bou Arréridj, M’sila, Oum El Bouaghi… ne comptaient pratiquement que quelques maisons. Et  c’était dans ces wilayas qu’il fallait faire appel à des architectes de renommée mondiale pour urbaniser ces régions et leur  donner un cachet architectural. Malheureusement on a laissé le coup partir et maintenant on récolte ce qu’on a semé. C’est certes une mauvaise épreuve, mais il n’est jamais trop tard pour rectifier les erreurs.Que proposent les architectes ' L’état ne doit donner ni l’aval ni l’argent à aucun projet n’étant pas parfaitement étudié et mûri. L’heure est à la réhabilitation du patrimoine immobilier vétuste, et à la finalisation des constructions inachevées. Si un  maître d’ouvrage veut construire des logements, il doit préparer l’assiette foncière. L’élaboration d’une stratégie nationale du logement s’avère impérative. C’est la seule condition pour  arrêter le gâchis. Chaque maître d’ouvrage qui veut avoir un projet doit préparer, en plus de  l’assiette foncière, l’étude géotechnique, l’étude du projet avec les délais, l’enveloppe financière et les matériaux. Il  faut que chacun pèse et assume ses responsabilités. Il faut manager tout l’argent dépensé pour la réalisation de logements.  C’est le moment pour faire intervenir les 12.000 architectes que compte l’Algérie.  À raison de 6 à 7 architectes par commune, la matière grise existe, le reste suivra…. Autre donnée à ne pas négliger. Il y a un nombre trop élevé de constructions inachevées. La taxe d’habitation constituerait un revenu supplémentaire pour l’Etat alors autant accélérer l’achèvement de tous les travaux. Il y a aussi beaucoup de logements inoccupés, le dernier recensement d’avril 2008 a fait ressortir 1.500.000 logements inoccupés. Autant aussi leur imposer des taxes de 20% pour la première année.


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