Algérie

Hail to the Fallen Chief (Salut au chef déchu)



NEW YORK – James Earl «Jimmy» Carter, le 39e président des États-Unis, était sans doute le plus grand ex-président du pays. Il s'attachait davantage à faire le bien qu'à bien faire. Il a aidé à construire des maisons pour les personnes dans le besoin. Il a joué un rôle majeur dans l'éradication de la dracunculose dans de nombreux pays, maladie qui, au milieu des années 1980 encore, infectait des millions de personnes qui buvaient de l'eau contaminée par des parasites. Il a observé d'innombrables élections dans le monde entier pour s'assurer que le vote et le dépouillement étaient bien libres et équitables.

En même temps, l'éloge de l'après-présidence de Carter est pour beaucoup une façon indirecte de critiquer son administration. Ces critiques sous-estiment cependant les réalisations de Carter, en particulier dans le domaine de la politique étrangère.

Les traités de 1977 sur le canal de Panama ont ouvert la voie à un transfert pacifique du contrôle de cette voie d'eau vitale des États-Unis au Panama en 1999. La violence inspirée par les nationalistes a été évitée, et le canal est resté ouvert et a fonctionné comme il l'avait toujours fait. Ce qui est d'autant plus impressionnant, c'est que Carter a poursuivi le transfert, balayant les critiques injustifiées mais virulentes de ses opposants, qui voyaient dans ce transfert un cadeau.

Un an plus tard, les accords de Camp David ont instauré la paix entre l'Égypte et Israël. Cet accord a créé un précédent important, qui a été suivi des années plus tard par la Jordanie et, plus récemment, par d'autres pays arabes. Les accords de Camp David n'ont pas apporté la paix au Moyen-Orient – la Syrie n'a jamais suivi, et la question palestinienne a été laissée à l'abandon – mais ils ont éliminé le risque d'une attaque majeure contre Israël de la part des pays voisins, comme cela s'était produit en 1967 et 1973. En janvier 1979, les relations diplomatiques entre les États-Unis et la République populaire de Chine ont été totalement normalisées. Carter a ainsi achevé le processus initié par le président Richard Nixon et jeté les bases d'une relation sino-américaine qui a accéléré la fin de la guerre froide et conduit à l'intégration de la Chine dans l'économie mondiale.

L'administration Carter a également mené à bien la négociation du deuxième traité de limitation des armements stratégiques avec l'Union soviétique (SALT II), qui a été signé en juin 1979. Ce pacte a stabilisé la concurrence nucléaire entre les deux superpuissances, contribuant à garantir que la guerre froide reste froide jusqu'à sa fin, dix ans plus tard.

Carter était attaché à la paix mais il n'était pas pacifiste. Il s'est adapté aux changements géopolitiques consécutifs à la révolution islamique en Iran, qui a chassé le Shah et porté au pouvoir un régime anti-américain au début de l'année 1979, et à l'invasion soviétique de l'Afghanistan plus tard dans l'année. Les dépenses de défense ont augmenté de manière significative. Des sanctions ont été introduites. De nouveaux déploiements militaires ont été entrepris en Europe. L'administration a mis en place l'ancêtre du Commandement central, qui coordonne les forces militaires américaines au Moyen-Orient, et elle a formulé une doctrine au nom du président qui souligne les intérêts des États-Unis dans la région au sens large.

Compte tenu de ce bilan, qui comprenait également l'adhésion au soutien des droits de l'homme en tant qu'élément de la politique étrangère des États-Unis, pourquoi Carter n'a-t-il pas été tenu en plus haute estime ?

L'une des raisons est qu'il a subi le sort de nombreux présidents qui n'ont fait qu'un seul mandat et dont on considère qu'ayant été battus, ils n'ont pas réussi. De telles évaluations sont courantes mais déplacées : Carter et George H.W. Bush ont tous deux accompli davantage en quatre ans que de nombreux présidents en huit ans.

Carter a également payé un lourd tribut pour son bilan économique, qui comprenait une forte inflation, des taux d'intérêt à deux chiffres et des pénuries d'essence. La mauvaise humeur de l'opinion publique a été amplifiée par la prise de l'ambassade américaine à Téhéran par les Iraniens en novembre 1979 et la crise des otages qui s'en est suivie. La tentative de sauvetage des otages américains en avril 1980 a échoué, en raison de pannes d'hélicoptères, du mauvais temps et de la malchance. Carter aurait pu être réélu si la mission avait réussi. Mais ce n'a pas été le cas.

Ingénieur de formation, Carter n'avait pas les compétences politiques nécessaires pour aider les Américains à traverser les périodes difficiles. Il n'était aucunement une bête politique. Au contraire, son élection a été, à bien des égards, une réaction au Watergate et à la grâce accordée par la suite à Richard Nixon par le président Gerald Ford. La modestie, l'honnêteté et l'expérience d'outsider de Carter l'ont aidé à remporter l'élection de 1976. Mais ces traits de caractère ne lui ont pas été d'un grand secours une fois en poste.

Il est plus facile de respecter Carter que de l'aimer. J'ai travaillé pendant sa présidence au ministère de la Défense, mais j'étais trop jeune pour avoir beaucoup d'interactions avec lui. J'ai appris à le connaître plus tard. En septembre 1993, nous nous sommes retrouvés sur la pelouse de la Maison Blanche pour assister à la signature des accords d'Oslo entre Israël et l'Organisation de libération de la Palestine. Je me suis tourné vers lui et lui ai dit : «Monsieur le Président, vous devriez ressentir plus qu'un peu de satisfaction, car ce que vous avez fait à Camp David a rendu cette journée possible.» Sa réaction n'a pas été celle que j'attendais : «Ils auraient dû le faire il y a des années, lorsque j'étais Président».

Pourtant, avec le temps, c'est son bilan qui comptera le plus, et il est plus que probable que la cote de Carter auprès des historiens augmentera. Et c'est bien normal. Le pays et le monde se sont mieux portés sous sa présidence.



*Président émérite du Council on Foreign Relations, est conseiller principal chez Centerview Partners et Distinguished University Scholar à l'université de New York.




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