Algérie

HADJ MUSTAPHA SENOUCI BEREKSI



HADJ MUSTAPHA SENOUCI BEREKSI
Hadj Mustapha Senouci-Bereksi, issu d'une des plus grandes familles tlemcéniennes, est né le 16 Juin 1919 à Tlemcen, rue de Paris.
Amateur passionné de la musique andalouse et du Haouzi, il s'est épanoui dans un milieu professionnel. Dans les années trente, la ville de Tlemcen traversait une période très intéressante grâce à la renaissance de son passé culturel et civilisationnel. Notre musicien, encore adolescent, avait déjà un avant goût de la part de son père, Maalem El Habib. Ce dernier avait constitué une troupe de T'bal (zorna) qui se reproduisait, uniquement, pendant les mariages, animant le cortège nuptial du marié. Les airs de la musique andalouse ou les quadriates constituaient la musique interprétée. Maalem El Habib était lui même élève du grand maître de la ghaita Maalem Boudghene dont la réputation a dépassé les frontières de Tlemcen. D'ailleurs, il était sollicité à Alger pour sa ghaita pendant tout le mois du Ramadhan.
Cet avant goût va, certes, conditionner le jeune Mustapha, alors âgé de quatorze ans. Même s'il s'est adonné au sport (boxe ) pendant quelques temps, très vite, il se retourne vers la musique d'autant plus que son patron d'atelier de tissage, en l'occurrence Ahmed Karadja était musicien. Tous les jours, à la fin du travail après la prière d'El Asr, les amis mélomanes se réunissaient pour des répétitions.
Le travail fini, le jeune apprenti préférait rester encore. pour écouter la musique des grands maîtres.
Qui étaient les plus grand mélomanes de Tlemcen, à l'époque, si ce n'étaient les tisserands et les coiffeurs !
Le jeune Mustapha acheta d'abord une s'nitra qui lui fut interdite et même cassée par le père qui avait peur pour lui qu'il n'abandonne son métier de tisserand. Ce qui n'empêcha pas notre musicien d'acheter plus tard la Kouitra de Cheikh Lazaar, laissée, cette fois-ci, chez son premier maître M'Hamed Ben Sari, alors virtuose du violon.
Les cours étaient payants, mais peu importe, il fallait apprendre à jouer de la Kouitra ; mais Si M'Hamed Ben Sari lui donna les premiers rudiments de l'instrument et surtout l'apprentissage des textes avec la musique, la façon de jouer du plectre a été saisi au vol auprès de Cheikh Lazaar Dali Yahia, un habitué des réunions quotidiennes chez Ahmed Karadja.
Cette action combinée et inconsciente des deux maîtres a été de bonne augure pour l'apprentissage.
La vente de la maison des grands parents obligea la famille Bereksi à déménager et habiter Derb Messouffa, dans une maison où logeait un grand maître de la musique qui n'était autre que Cheikh El-Kermoum Serradj Abdelkader. Celui-ci, ayant sensiblement l'âge de Cheikh Larbi Ben Sari, était l'élève de Makchiche puis Cheikh Boudelfa. D'ailleurs, ii avait fait partie aussi de l'orchestre de Cheikh Larbi Ben Sari. De plus, Cheikh El-Karmoum fréquentait le cercle Nadi Islami, situé en plein Maoukaf et il y enseignait la musique aux élèves tels que les Abderrahmane Sekkal et Mohammed Bekhoucha.



Ce voisinage heureux pour notre musicien venait à point, car il est très vite pris en main par Cheikh El-Karmoum. Après quelques répétitions, notre musicien a été sollicité pour jouer devant le public et il interpréta toute la nouba RamI El Maya à la Kouitra. Cette nouba n'est pas passée inaperçue pour les oreilles averties telles que celles de Cheikh Omar Bekhechi dont le magasin était séparé de Nadi Islami, uniquement, par une petite ruelle ( rue Khaldoune ), c'est dire la portée de la voix de notre ténor. Cheikh Omar Bekhechi devint alors un habitué du Nadi ; bien plus, sans qu'ils ne le sachent, aussi bien le père que le fils, Maalem El Habib a eu l'occasion d'apprécier la voix et le jeu de son fils.
Il resta sous la houlette de Cheikh El-Karmouni jusqu'à la mort de celui-ci, en 1946, mis à part le hiatus de deux ans et demi (service militaire).
C'est alors que Cheikh Omar vint le solliciter pour faire partie de son orchestre au moment où Abdelkrim Dali venait de quitter Tlemcen pour partir à Alger. Cheikh Omar avait vraiment besoin d'un soliste et il ne pouvait trouver mieux que Mustapha Bereksi.
C'est Cheikh Omar qui se chargea d'obtenir l'autorisation et la bénédiction du Maalem El Habib Bereksi. Faisant ainsi partie de l'orchestre Cheikh Omar Bekhechi, il parfait alors ses connaissances en matière de Senaa et de Haouzi ; quant au Gherbi, il l'apprenait lors des mariages, animés par Cheikh Lazaar Dali Yahia.
La fin des années quarante a été marquée par l'événement des enregistrements à la Radio Tlemcen. Une première tentative a été faite en 1946 à Dar Askri (qui se trouvait derrière le cercle des Jeunes Algériens). Le premier orchestre a été celui de Cheikh El-Karmouni avec Abderrahmane Sekkal et Mustapha Bereksi. Le deuxième orchestre était celui de Abdeslam Ben Sari pour le M'dih.
Ensuite, les enregistrements se faisaient à Bel Air avec essais des orchestres : celui de Cheikh Larbi Ben Sari, le plus en vogue, celui d'Abdesslem Ben Sari, Redouane Bensari et enfin celui de Omar Bekhchi.

Finalement, il a été décidé de ne laisser qu'un seul orchestre : les différents maîtres sous la direction de Cheikh Larbi Bensari et ceci jusqu'en 1962. Mustapha Bereksi a fait partie de ce grand orchestre pendant tous les enregistrements. Cependant, il a évolué dans l'orchestre Cheikh Omar Bekhchi jusqu'à la mort de celui-ci, en 1958. Suffisamment connu par Cheikh Larbi, celui-ci le prit dans son orchestre et lui dédia un livre, écrit de sa main, regroupant tous les morceaux. II faut dire que mis à part les enregistrements à la Radio, aucune autre activité n'existait pendant toute la période de la guerre de libération nationale. N'empêche que pour Mustapha Bereksi, les contacts étaient permanents avec Cheikh Larbi, car en 1962 s'il y a eu arrêt des enregistrements à la Radio Tlemcen pour des raisons obscures, les activités ont repris : mariages et manifestations culturelles. Mustapha Bereksi a été le premier assistant de Cheikh Larbi jusqu'à sa mort, en 1964.



C'est alors que tous les mélomanes tlemcéniens demandèrent expressément à Mustapha Bereksi de prendre en main et de diriger l'orchestre de Cheikh Larbi. Il en devient le chef d'orchestre de 1965 à 1973. Durant ces huit années, l'activité a été intense.
Outre les répétitions, il y eut l'animation des mariages, la participation aux trois festivals de la musique andalouse à Alger, au festival de musique populaire pour le Haouzi, et différentes manifestations culturelles à travers tout le territoire national. De même, Mustapha Bereksi a été sollicité aussi bien pour enseigner la musique andalouse au lycée Docteur Benzerdjeb que pour relancer, avec quelques mélomanes, l'Association Gharnata.
Cependant, il y a un arrêt en 1973. Notre musicien est revenu à son idée princeps, celle d'être amateur avant tout et il se consacra, alors, à sa famille et à son travail de tisserand.
Mais « arrêt » ne veut pas dire rupture car jusqu'à présent il ne cesse de prodiguer l'enseignement à toute association qui vient le solliciter. Quand on aborde Cheikh Mustapha, l'on est d'abord frappé par son amabilité, sa courtoisie, sa bonne humeur, sa culture...
Cet homme qui n'a jamais fréquenté l'école sait lire parce qu'il est autodidacte et ses livres de lecture sont des plus intéressants. C'est le spécimen rare d'un maître qui a su rester amateur depuis le début de sa carrière tout en évoluant dans un milieu professionnel car c'était un passage obligé. Amateur, il a su intégrer l'enseignement de plusieurs maîtres tels que les Cheikhs : M'Hamed Ben Sari, Karmouni, Lazaar Dali Yahia, Omar Bekhechi et Larbi Ben Sari. Amateur, il n'a jamais cherché à être célèbre et surtout par son métier de tisserand et il a pu échapper à l'étau du professionnalisme pour subvenir à ses besoins. Amateur jusqu'à présent, il sait prodiguer à qui le demande les morceaux de Sanaa ou de Haouzi, non seulement sur le plan des textes mais aussi sur le plan de la mélodie ; et de ce fait, il est sollicité à travers le territoire national aux différents festivals ou manifestations culturelles pour participer au jury. Son passage d'enseignant au Lycée Benzerdjeb a su tendre la corde sensible à beaucoup de jeunes.
Quand on veut apprécier plus ce Cheikh , c'est en cercle privé par sa voix et sa kouitra pour se laisser facilement emporter vers les jardins de l'Alhambra ou simplement vers les beaux jardins de Tlemcen.



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