Algérie

Habib Zoghbi, libraire tunisien, à L'Expression «Le français est la deuxième langue maternelle en Tunisie»



Publié le 15.10.2024 dans le Quotidien l’Expression
Nous l'avons rencontré au niveau de la «librairie du monde francophone», à Paris, lors de la tenue du festival de la francophonie qui s'est tenu du 1er au 6 octobre dernier, en marge du sommet de la Francophonie. Notre interlocuteur évoque avec nous la situation du livre en Tunisie, non, sans relever ses bonnes relations avec l'Algérie, notamment dans la coédition, mais ses petits tracas aussi...

L'Expression: Pourriez-vous vous présenter à nos lecteurs?

Habib Zoghbi: Je m'appelle Habib Zoghbi. Je suis libraire et éditeur à Tunis.La maison d'édition s'appelle «La Maison du livre». Je suis administrateur au niveau de l'Association internationale des libraires francophones, qui est présente ici, au sein de cette librairie du monde. Je suis, par ailleurs, président aussi du syndicat des libraires et importateur et distributeur de livres en Tunisie

Parlez-nous justement de la situation du livre et de sa distribution et l'édition en Tunisie. Comment ça se passe?

La bête noire de l'édition du livre en Tunisie, c'est bien la distribution. Nous n'avons ni de distributeur, ni de diffuseur, ce sont des maillons non pas faibles, mais qui n'existent même pas. C'est pour cette raison que tous les éditeurs essayent d'être et l'éditeur et le distributeur en même temps. Cela accable le métier du livre et ne donne pas assez de potentiel pour que le livre soit disponible sur tout le territoire tunisien. Quels sont les solutions et les moyens pour y remédier? Eh bien tous les éditeurs essayent de faire de leur mieux à la manière traditionnelle, mais finalement il n' y a pas de structure qui assure la distribution de livres en Tunisie.

Le festival auquel nous assistons aujourd'hui s'appelle «Francophonie refaire le monde». La question que j'ai posée à votre confrère et qui est un des thèmes d'une table ronde est: «Que peut la francophonie pour refaire le monde dans ce cas?»

On sait tous que la francophonie est une idée de Habib Bourguiba et de Senghor finalement. Bourguiba a eu l'idée de créer ce noyau d'organisme qui est l'OIF, l'organisation internationale de la francophonie. Il y avait la Tunisie, le Sénégal et je crois, le Niger qui sont les pays fondateurs de la francophonie et pas la France. Cette dernière est arrivée après. La Tunisie, a toujours été, dans son espace et territoire méditerranéens, avec l'ouverture au monde, la langue française étant considérée comme une deuxième langue maternelle en Tunisie. Pratiquement, tous les Tunisiens parlent français. L'enseignement à l'école au primaire, commence dés quatre ans au préscolaire, on apprend donc le français et ça continue jusqu'à l'université, avec toute la civilisation française. On lit, certes, les modernes, mais les classiques aussi. On lit le théâtre de Molière, Maupassant, Albert Camus, Sartre jusqu'aux contemporains. C'est ça la francophonie. C'est aussi la réflexion autour de la langue française et le rapport entre les pays francophones. Parce qu'en Tunisie, on est sur deux volets, le volet méditerranéen et le volet international. On a des relations avec le monde, notamment avec le Cambodge, ou c'est toujours le français qui règne, aussi la Thaïlande, le Chili, le Brésil... et c'est toujours par le biais de la langue française qu'on communique. Refaire le monde oui, c'est toujours dans le cadre de développer cette langue que l'on voit peu à peu se dégrader, avec l'envahissement de la langue anglaise et en deuxième position la langue espagnole car l'Amérique latine parle quasiment ou l'anglais ou l'espagnol.

Quelle est la politique de la Tunisie pour relancer ou renforcer le développement et l'apprentissage de la langue française sur son sol vu son déclin, comme vous dites, au détriment de la langue anglaise et, notamment à travers votre métier d'éditeur et de libraire?

Pour nous, l'enseignement au primaire ou au lycée passe toujours par la considération que la langue française est une langue maternelle, donc une langue obligatoire qu'on doit apprendre à l'école, au lycée et à l'université, mais en parallèle, on a d'autres langues en Tunisie, qui sont l'anglais, l'Allemand, l'Espagnol et l'italien. Vous voyez donc la diversité des langues. Unr fois que l'on apprend le français, on a la possibilité et le tremplin pour apprendre d'autres langues. Pratiquement tous les Tunisiens aujourd'hui essayent d'intégrer leurs enfants dans l'école française afin d'obtenir cet enseignement là qui donne plus de visibilité sur le monde car la formation de base se fonde sur le français alors que l'anglais par exemple, est tellement utilisé dans les réseaux sociaux que son apprentissage est un peu déformé, alors que le français s'apprend à l'école. Donc pratiquement tous les Tunisiens essayent d'orienter leurs enfants à apprendre le français à l'école et non pas via les réseaux sociaux qui déforment la langue.

Avez-vous des connexions avec l'Algérie en termes de coédition par exemple?

Nous avons énormément de relations avec les maisons d'édition algériennes ou les auteurs algériens, par exemple Hibr édition, Casbah éditions, Barzakh... Dernièrement il y eut un livre paru en Tunisie, en langue arabe, qui a eu le prix Booker aux Emirats arabes unis, qui a été traduit par un Algérien et édité chez Barzakh. Il s'agit «Du désastre de la maison des notables» d'Amir Ghnim. J'ai aussi moi-même co-édité avec Hibr éditions beaucoup de livres d'auteurs comme Assia Djebar, Ismail Yabrir.. On a aussi des échanges de fonds de librairie et d'édition. Echange de catalogue... Cependant, ce n'est pas très fluide parce qu'il y a toujours cette chaîne logistique qui est quelque part grippée. Nous n'avons pas beaucoup de transferts avec l'Algérie par ce que les procédures ne sont pas les mêmes au niveau de la douane, notamment. Aussi, en Tunisie on ne paye pas de tva sur le livre, alors qu'en Algérie si...

Vous êtes déjà venu au Salon du livre d'Alger?

Beaucoup de Tunisiens sont présents chaque année au Sila dont ma maison d'édition. Il y a beaucoup de Tunisiens qui sont sollicités par nos frères algériens afin d'être au Sila et ça se passe très bien. Nous avons une clientèle algérienne très demandeuse du livre tunisien que ce soit de la fiction, roman, de la poésie, du livre académique et professionnel. Hélas? je ne pourrai pas m’y rendre, cette année, car les dates de tenue du Sila coïncident avec celles du salon du livre de Charjah, aux Emirats arabes unis, qui sont les mêmes, soit du 6 au 26 novembre. On a déposé une demande de participation aux deux salons et Charjah nous a répondu la première et du coup, nous nous sommes engagés avec Sharjah. C'est vraiment dommage..
O. HIND



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