Algérie - Ain Benian

Guyotville Jeux d'enfants



L'été est bientôt là... Rappelons-nous nos jeux d'enfants. Guyotville 36-39.
Les jeux sur la Place:
Une " sauterie " gratuite a lieu sur la Grande Place les après-midi de fêtes, vers 17 heures, quand la chaleur se fait moins sentir.
Des jeux sont organisés, surtout pour les enfants, ce qui n'empêche pas des moins jeunes de s'y risquer: courses en sacs, jeux des " marmites " , courses à pied.
La course en sacs fait la joie des petits et de, grands: chaque candidat s'enfile dans un sac de jute et doit franchir le premier la ligne d'arrivée; il lui faut sautiller pour progresser tout le long d'un parcours pendant lequel il doit éviter de sortir du sac sous peine d'être éliminé; les concurrents, agrippés à ce sac qui s'obstine à tire-bouchonner sur leurs pieds, se tortillent pour le maintenir autour de leur taille et trébuchent plus d'une fois sur les dalles de la Place sous les rires, mais aussi sous les encouragements du Public. Se remettre debout pour repartir, après s'être étalé sur le sol, emmêlé dans le sac, n'est pas chose aisée, et plus d'un doit abandonner la course d'un air dépité !
Le jeu des " marmites " offre un suspense plus attrayant: des cruches en terre cuite sont suspendues à un fil à environ 2 in 50 au-dessus du sol. Le candidat - un seul candidat à la fois tente sa chance - a les yeux bandés; à l'aide d'un grand bâton, il doit atteindre une " marmite " et la briser. Au préalable, on le fait tourner sur lui-même pour le désorienter, si bien qu'il part au début à l'aveuglette et frappe dans le vide avec son bâton quand il ne va pas l'agiter dangereusement sur la tête des spectateurs! Ceux-ci, compatissants, essaient de le diriger de la voix: " à droite! à gauche! plus haut! devant toi ! avance! recule! ". Certains s'amusent à lui donner de fausses indications.
Quand une marmite est touchée, c'est le suspense : ou le candidat, qui commençait à désespérer d'en briser une, reçoit 2 litres d'eau sur la tête, ou c'est une manne de bonbons qui vient le récompenser pour sa participation au jeu.

Le football et les courses à pieds réunissent les enfants pendant toutes les vacances d'été:
Les palmiers, qui bordent la Place sur les côtés qui longent les rues Foch et Joffre, ont deux rôles
délimiter la piste de course à pieds, car il faut obligatoirement taire le tour complet de la Place en passant derrière les palmiers, ce qui doit bien représenter trois cents mètres, n'exagérons rien, plutôt deux cents mètres, à parcourir à chaque tour;
servir de poteaux de but, pour les matches de football presque quotidiens. A vrai dire, seuls les deux palmiers les plus proches des entrées sur les côtés, celui face au café du grand-père, qui a un trou en son milieu sur lequel on s'exerce souvent au lancer du couteau, le trou servant de cible, et son opposé à l'autre bout de la Place, servent à cette fin; l'espacement avec les palmiers suivants est trop grand pour qu'ils puissent être utilisés. Alors, on détermine la largeur du but en posant sur les dalles soit une veste, soit un pull. soit une chemisette, qui constituera le deuxième poteau. Inutile de préciser les vives contestations que cela entraîne quand la halle expédiée vers le but, généralement une vieille balle de tennis usée, frôle ou passe au-dessus de ce
montant sommaire !

Les matches se disputent sur la moitié de la Place qui s'étend entre le kiosque central et l'entrée tournée vers la côte de l'Eglise. Pour déterminer la composition des équipes et équilibrer les forces. deux " capitaines " sont désignés, ou sont volontaires: placés face à face à 1,50 ou 2 mètres, ils se rapprochent l'un de l'autre, en se plaçant, chacun à tour de rôle, un pied devant l'autre, jusqu'à ce qu'ils se rejoignent; le premier qui a franchi la moitié de la distance est aussi le premier à choisir un équipier parmi les joueurs présents: ensuite, c'est le second " capitaine " qui choisit, et ainsi de suite. Naturellement, les meilleurs, ou ceux considérés comme tels, sont retenus en priorité, que ce soit le " goal " ou les " avants ". En général, on constitue des tournois avec des équipes de 5 à 6 joueurs.
On est bien au total une vingtaine à se réunir chaque après-midi sur cette Place pour nous livrer à nos compétitions favorites. Les piliers du quartier sont toujours là: Roger BOURDON, André ARNAUD, dit " Canto ". Guy ORIENTI, dit " Guigui " dont le père est garde champêtre et habite dans le bâtiment contigu à celui de Mine CAU. en haut de la rue Maréchal-Foch. qui abrite l'atelier du ferblantier Jeannot SFERAZZA. ainsi que le café de mon grand-père DOMENECH, le " Café du bon coin " , et Louis CUBA. dit " p'tit Louis ". et bien d'autres qui viennent se joindre à nous, comme André et Julien JAMMES, les fils du quincaillier de la rue Joffre, André MORA, Guy PONS. René FERRANDIS, André BESOS, le fils du jardinier. Maxime RAPHAEL. Plus âgé, Antoine MENDOZA, un grand escogriffe demeurant dans la côte de l'Eglise, qui avait eu un mil crevé en jouant au tire-boulettes, se mêle souvent à la bande, surtout quand il s'agit de participer aux courses à pieds. ainsi que Gaby ARNIAUD, du " Vert-Logis ", l'hôtel-restaurant situé non loin de la place, à l'angle de la rue Victor-Hugo et de l'avenue PASTEUR. Enfin, quelques-uns viennent parfois des autres quartiers, comme Louis VITIELLO, excellent joueur de foot, ou Marc LLORENS, et d'autres, plus rarement, échappés du Cercle " de M. VILLANTI, comme son neveu Gérard.
Chaque année, on programme autour du kiosque des courses à pied à étapes, comme au tour de France cycliste, que nous sommes quelques-uns à suivre avec passion. SPEICHER, MAGNE, LEDUC. VIETTO sont mes favoris, mais j'aime bien aussi ce redoutable grimpeur de Bartali.
Pour ces courses, nous profitons, au moment des fêtes, des barrières. qui constituent pour nous une piste toute tracée, installées autour de la Place pour séparer, au moment du bal, les danseurs de la foule de parents et amis. Malgré la chaleur de l'été, le record de distance parcouru a été de 100 tours, l'été 38-39, soit environ 2 km. sous la conduite d'Antoine MENDOZA. équipé comme un pilote de la " belle époque casquette à l'envers et grosses lunettes de plongeur, toujours en tête d'un " peloton " constitué d'une dizaine de courageux. Tout le monde n'a cependant pas tenu la distance. Plus d'un s'est affalé, épuisé, couvert de sueur, sur les bancs de pierre qui courent tout autour de la Place.
Je n'ai pas accompli les 100 tours. Au 75è passage mes grands-parents m'ont fait appeler de crainte que j'attrape une insolation...

Les charrettes à roulements:

Dans la côte de l'Eglise, assez pentue, je fais du vélo, mais on est plusieurs à s'amuser sur des charrettes montées sur de vieux roulements à billes, fabriquées de façon artisanale avec quelques planchettes de bois, munies d'un axe sur lequel pivote une barre de direction manoeuvrée par deux ficelles, comme pour les guides d'un cheval. On peut s'y asseoir à deux; le plaisir quelquefois est de se mettre à plat ventre sur la charrette, mais je ne m'y suis jamais risqué!

Les cerfs-volants

Le cerf-volant est constitué d'une grande feuille de papier utilisé pour la couverture de cahiers ou de livres, d'un cadre fait avec des morceaux de roseau attachés ensemble, suivant la forme désirée, sur lequel le papier est fixé à l'aide d'une colle fabriquée avec de la farine et de l'eau. Une queue, constituée d'une ficelle ornée de papillotes en papier, est attachée au cadre. Une pelote de grosse ficelle permet de tenir et de manoeuvrer le cerf-volant dans l'espace, où il se balance au gré de la brise marine. Quand tout le monde s'y met, on assiste à un festival de cerfs-volants colorés au-dessus du lotissement situé derrière l'Eglise du village où ils sont lancés, très haut dans le ciel d'un bleu céruléen !

Les noyaux:

L'école des garçons, dirigée par M. AOUIDAD en 38-39, année où je l'ai fréquentée, se trouve derrière l'école des Filles, tout en bas de la rue Marceau, au bord de la mer. L'école comprend 7 à 8 classes disposées en alignement le long d'une cour étroite et longue protégée de l'extérieur par un mur élevé. Face aux classes, un préau étroit, qui abrite les toilettes, s'appuie contre le mur qui donne sur la route du bord de mer; quand elle vient se briser en vagues furieuses sur les rochers en contrebas par-dessus ce mur, la mer projette ses embruns jusque dans la cour.
À la récréation, on joue généralement aux billes ou " aux noyaux ".
Le jeu de " noyaux " est le plus prisé; les " noyaux " en question sont des noyaux séchés d'abricots: si on enlève l'amande du milieu, on en fait des sifflets; sinon, ils servent à 2 types de jeux où il s'agit de gagner (ou de perdre) d'autres noyaux et d'en remplir des " bourses ", qui représentent la " fortune " de celui qui les possède, d'où l'intérêt de manger beaucoup d'abricots aux desserts, lorsque c'est la saison, bien entendu, et de récupérer les noyaux, de façon à disposer d'un fond appréciable qui permet de monter un stand où les plus démunis viennent tenter leur chance d'en gagner quelques-uns - dans un cas, on utilise des boîtes de chaussures en carton, dans le fond desquelles on perce des trous de différentes grosseurs ; il faut pour le " client ", placé à environ 2 à 3 mètres, envoyer un noyau dans un de ces trous : plus le trou visé est petit, plus le gain de noyaux est important, le maximum étant 5 en général ;
- dans un autre cas, les noyaux sont mis en petits tas en forme de pyramides qu'il faut abattre, comme à la fête foraine, dans les stands ou il faut détruire des pyramides de boîtes de conserves à l'aide d'une pelote en tissu; ici, on vise le tas, constitué de 3 ou 4 noyaux, avec... un noyau; le nombre de noyaux gagnés dépend des " commerçants " qui font entre eux de la surenchère pour attirer à eux les joueurs. Les récréations passent ainsi très vite, même trop vite; je n'étonnerai personne en l'affirmant.




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