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Kidal vaut bien une guerre. L'Algérie et la France au Mali et au Sahel. Influence vs Puissance. Autopsie d'un conflit géopolitique. Essai de Nourredine Ayadi. Editions Dar El Qobia, Alger 2024, 492 pages, 2 500 dinars
Les pays du Sahel ? Depuis quelques années un véritable casse-tête pour nos diplomates et autres spécialistes en relations internationales. Casse-tête, car devenu une «bouteille à encre», avec ses bouleversements politiques et les jeux politiciens, et au sein de laquelle il n'est pas (et plus) facile de faite la part des choses.
La chose politique se retrouve bien compliquée à cerner en raison des interventions récurrentes, visibles ou souterraines, de pays étrangers, et ce pour des intérêts multiples allant du matériel à l'économique et au militaire.
Au Sahel , et c'est plus qu'évident, et tout particulièrement au Mali, sujet central de l'ouvrage, la France, ancienne puissance coloniale a développé dans la région la politique de ses intérêts qui ne sont seulement économiques, mais qui sont liés à son statut international, à son passé colonial, à la nécessité de maintenir les attributs de sa puissance, basée sur une approche de la pacification par l'utilisation de la force. Sans oublier que l'intervention franco-occidentale en Libye a forment perturbé l'équilibre régional et introduit dans les pays riverains tous les éléments d'une déstabilisation. Les Etats-Unis ne sont pas absents de la scène....ainsi que le Maroc... et même la Suisse. L'Algérie, pour sa part, est aussi présente. Elle ne pouvait pas ne pas être partie prenante dans toute évolution et dans tout arrangement concernant la région sahélo-sahélienne, ne pouvant se permettre d'accepter sans réagir, le développement, à ses frontières d'une situation chaotique contraire voire hostile à ses intérêts vitaux. Et, par principe, elle n'a jamais été favorable à la présence de forces étrangères dans la région, convaincue que les solutions aux problèmes ne peuvent pas être militaires. Une stratégie de dialogue, de paix et de réconciliation tout à fait à l'opposé des stratégies de puissance initiées par les autres.
De ce fait, elle allait entamer un travail sérieux et approfondi au sein d'un mécanisme interne mis en place à l'effet de réunir toutes les conditions politiques d'un lancement réussi du dialogue inter-malien et de préparer les moyens financiers, matériels et logistiques nécessaires à cet effet. Résultat de la (longue, durant 18 mois, à Alger, harassante et assez coûteuse) course, la signature d'un «Accord pour la Paix et la Réconciliation au Mali issu du processus d'Alger», à Bamako le 15 mai 2015 (il avait été paraphé le 1er mars, à Alger, par le gouvernement malien et les mouvements dits de la Plateforme d'Alger, ainsi que par tous les nombreux membres de la médiation... dont la France qui, pourtant, avait «plusieurs cordes à son arc» dont celle d'empêcher l'Algérie de réaliser un exploit... complété le 20 juin 2015 par la signature de la Coordination des mouvements de l'Azawad).
Le reste, avec toutes ses dérives, est une autre histoire... tant il est vrai qu' «une paix ne se gagne jamais à travers une simple signature, mais à travers le respect des engagements pris». Et, qu'une «réconciliation se signe dans les faits avec l'arrêt total des comportements de rancÅ“ur».
L'Auteur : Né à Sétif en 1956. Etudes à l'Ecole nationale d'Administration (Alger). Diplomate de carrière (Aiea, Onudi, ministère des Affaires étrangères, ambassadeur, Sg du Mae puis Sg et Directeur de cabinet à la Présidence de la République (2019)...
Table des matières : Préface/Préliminaire : enseignements d'un conflit géopolitique /Titre 1 : Mise en place des conditions d'un conflit programmé/Titre 2 : Stratégie de puissance : l'intervention militaire française/ Titre 3 : Stratégie de paix et de réconciliation : la médiation algérienne/Notes de conclusion/ Note : la rédaction de cet ouvrage a été achevée en mai 2022.
Extraits : «Les effets de la guerre libyenne ont été désastreux pour l'ensemble de la région sahélienne, mais ont été particulièrement dévastateurs pour le Mali» (p 27), «Dans les faits, la politique française dans la région reste forcément marquée non seulement par un manque d'attention pour les préoccupations de l'Algérie, mais surtout par une véritable hostilité à son égard...» (p 33), «L'Algérie a toujours considéré que la clé de la croissance de ses efforts de paix, c'était la discrétion. C'était un réflexe hérité de la guerre de libération et imprimé par les services secrets algériens qui avaient, jusque -là, la haute main sur ces opérations» (p190), «En dépit de ses déclarations officielles (Note : France) et de son adroite communication, elle a agi selon les seules exigences de sa stratégie, en s'autorisant l'utilisation de la force en fonction de son agenda propre et sans considération particulière pour une légalité internationale asservie et décidément à géométrie variable» (p 219), «Qui dit que l'argent ne vaut pas plus que les amis de longue date ? En effet, la preuve a été donnée le jeudi 19 septembre 2013. Si le Roi du Maroc a reçu de grands honneurs au Mali, c'est parce que selon certaines indiscrétions, ce dernier aurait casqué fort, une importante somme d'argent» (Note : 5 millions d'euros mis à la disposition de la campagne du candidat Ibk) (p 256), «L'Algérie sait mieux que quiconque que contre les groupes terroristes, il faut agir militairement et les défaire militairement... mais elle sait aussi que cela ne peut se faire sans la collaboration de la population» (p 468).
Avis - Cette fois-ci, l'activité diplomatique est décrite de l' l'intérieur. En «action». Une carrière et des expériences qui ne laissent pas indifférente toute personne sensible à l'évolution des relations internationales de notre pays. Tout particulièrement celles qui nous sont, géographiquement, (très) proches et, pour certaines, franchement ou/et hypocritement hostiles.
Citations : «La gestion de la sécurité ne se mesure pas simplement aux différents moyens dont dispose un Etat, mais à sa capacité à les mobiliser et à les mettre à la disposition des acteurs identifiés comme pouvant les utiliser à bon escient» (p 84), «Ce n'est plus une guerre civile (Note : menée par les islamistes radicaux), c'est une guerre contre les civils» (p 138), «Se réunir ensemble est un progrès, travailler ensemble est la réussite» (p 293), «La diplomatie est d'abord l'expression des rapports de forces, des enjeux de puissance, des luttes d'influence ou des stratégies d'alliance. En ce sens, elle est surtout un levier de pouvoir qui permet à l'Etat de défendre ses intérêts et d'assurer son rayonnement international» (p 461), «L'Algérie fait la politique que lui impose sa géographie» (p 465).
Le Devoir de violence. Roman de Yambo Ouologuem. Editions Apic , 114 pages, 350 dinars, Alger 2009 (Fiche de lecture déjà publiée. Extraits pour rappel. Fiche complète in www.almanach-dz.com/bibliotheque dalmanach.société.)
Seulement en 2003, après 30 ans d'absence dans les librairies, réédition de cette Å“uvre majeure de la littérature dite africaine. Un livre (le premier, le seul... puis le silence) qui a beaucoup dérangé à l'époque, en 1968, date de sa première parution... et bien qu' encensé au départ, et qu'il ait obtenu le Prix Renaudot, il fut, par la suite... littéralement laminé (avec une accusation de plagiat pour mieux «tuer» l'auteur, un Malien... qui ne s'en est jamais remis, se retirant de la vie publique, s'étant aperçu que les lobbies de toutes sortes et en tous lieux étaient les plus forts). Pourquoi tout cela ? Il démonte, tout simplement, le paisible concept de «négritude» (concept jusque-là encouragé par les africanistes et des intellectuels africains proches de ces thèses occidentales) à qui il oppose le concept de «négraille», où les masses anonymes, constamment exploitées, se voient sans cesse imposées de l'extérieur les catégories dans lesquelles elles devront penser et faire leur histoire (...). Le livre se termine par une conclusion pessimiste sur l'avenir : la violence perdurera tant que le pouvoir restera dans les mêmes mains... L'Histoire contemporaine d'une Afrique (presque toute) indépendante, engluée (encore) dans les dictatures et les autoritarismes lui a donné amplement raison... à l'exception de Mandela... et de Zeroual... les seuls (et si rares) dirigeants à avoir quitté, volontairement et sans contrepartie, le fauteuil du pouvoir. Senghor, immense intellectuel, créateur du concept de négritude l'a bien quitté après avoir démissionné... mais seulement après, je crois, cinq mandats, à un âge bien avancé et pour mieux retrouver un fauteuil... à l'Académie française. Françafricain, un jour, Françafricain toujours !
Avis : Une Å“uvre majeure de la littérature africaine. La plus grande, peut-être. Un livre dont le contenu est d'une brûlante actualité (...)
Extraits : (....), «La première génération des cadres africains - tenue par la notabilité dans une prostitution dorée - marchandise rare, sombre génie manÅ“uvré en coulisse, et jeté au-devant des tempêtes de la politique coloniale au milieu de l'odeur chaude des fêtes, des compromis-jeux d'équilibres ambigus, où le maître fit de l'esclave l'esclave des esclaves et l'égal impénitent du maître blanc, et où l'esclave se crut maître lui-même retombé esclave de l'esclave...» (p 193), «Il est plus facile de soumettre un peuple que de le maintenir dans la soumission» (p 234), «L'âge d'or est pour demain, quand tous les salauds crèveront» (p 246) (...)
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Posté Le : 28/04/2024
Posté par : presse-algerie
Ecrit par : Belkacem Ahcene-Djaballah
Source : www.lequotidien-oran.com