Algérie

Guerre de tranchées



Quand les bruits de couloirs ne sont plus audibles, nous nous faisons un plaisir de vous les faire parvenir. Musique.

A la veille du dernier Sommet européen de l'année, prévu les 15 et 16 décembre prochains à Bruxelles, la bagarre sur les questions d'argent, notamment sur le montage du budget commun pour 2011, fait rage entre les Etats membres de l'Union. Et pas seulement, puisque à ces désaccords s'ajoutent ceux qui opposent les trois principales institutions de l'UE que sont le Conseil, le Parlement et la Commission. Rappelons que lors du dernier Sommet européen du 15 novembre, le Conseil des chefs d'Etat et de gouvernement s'était fermement opposé à la proposition du Parlement et de la Commission d'augmenter le budget communautaire d'environ 6%. Le Conseil a suivi la proposition du trio composé par l'Allemagne, le Royaume-Uni et la France de limiter à 2,9% son augmentation. 11 pays rejettent, à ce jour, la proposition du Conseil, instance suprême de décision dans l'Union, rappelons-le.

 Pour tenter une sortie de «crise», la Commission a été chargée de formuler une nouvelle proposition de budget. Or, et selon des sources dignes de foi, la Commission s'est rangée, pour ce qui concerne l'augmentation du budget, du côté de la proposition du Conseil des chefs d'Etat et de gouvernement, soit la limite des 2,9%. En contrepartie, et dans son souci de contenter tout le monde, la Commission s'est prononcée pour que la liberté soit laissée aux Etats membres de compenser la différence sur leurs ressources propres (nationales). Mais depuis cette dernière «trouvaille» de la Commission, les choses se sont corsées davantage. Le trio Allemagne, Royaume-Uni et France est rejoint par la Suède et les Pays-Bas pour y faire barrage. Ces derniers estiment que si la liberté est laissée aux Etats membres de «piocher» dans leurs propres ressources (impôts, droits de douane, taxes nationales), ce sont les verrous de la politique de concurrence qui sauteront, augmentant le risque de déstabilisation des économies nationales au sein de l'Union et ouvrant la voie à l'inflation, le chômage ainsi que le risque protectionniste entre Etats de l'UE.

 Dans ce contexte, le Parlement européen, voulant comme la Commission aller dans le sens d'un compromis, propose qu'avec les 2,9% de plus au budget 2011, soit un montant global de 141,8 milliards d'euros, de laisser la liberté aux Etats membres de faire appel à leurs ressources propres pour parer aux manques financiers éventuels, mais avec un cadrage (une surveillance) de la Commission et du Parlement. En réalité, ces oppositions multiples traduisent du côté des économies «fortes» ou structurées de l'Union, telles celles de l'Allemagne, Royaume-Uni, France et pays nordiques, une volonté de mener des politiques d'austérité financière, alors même que le reste (11 pays) dont les pays de l'Est, le Portugal, l'Espagne, la Grèce et l'Irlande, par exemple, ont un grand besoin de crédits pour relancer leur croissance.

 C'est dans ce sens aussi qu'il faut interpréter l'entêtement de la Banque centrale européenne à ne pas vouloir baisser ses taux d'intérêt, ni soutenir par de nouveaux plans de relance des banques des pays en difficulté. Du coup, la monnaie Euro demeure chère et rien n'indique son fléchissement. La preuve de cette crainte de dévaluation de l'Euro est le dernier Conseil des ministres des Finances du 7 décembre qui s'est soldé par le refus de tout soutien aux pays ayant de grosses dettes souveraines (nationales). D'ailleurs, le FMI a réagi le lendemain, jeudi, pour dénoncer la «raideur» de l'UE sur ce sujet. Le DG du FMI, Dominique Strauss-Kahn, a déclaré que « la zone euro (16 pays) doit fournir une solution globale à l'Europe» et ne pas se suffire «à des approches partielles et fragmentaires».

 Ces «empoignades» entre Etats membres sur le montage du budget commun traduisent, en dernière instance, des différences sur la conception des politiques communes d'une manière générale. La doctrine ayant présidé à la construction de l'Union jusqu'alors a été la «Solidarité» entre ses membres, inscrite comme premier principe dans son acte fondateur. Dans le contexte actuel de crise, la montée des économies émergentes et l'accélération des effets de la mondialisation, l'UE subit ses premières fractures et ses membres sont tentés par des désirs protectionnistes. Le 15 et 16 décembre, le Sommet européen engagera l'avant-dernière épreuve pour sauver l'Union des risques politiques certains qui la guettent. Car, pour l'autre épreuve, plus complexe, celle de l'adoption du budget septennal de 2014-2020, ce sera un autre cauchemar pour les gouvernements.




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