Les oubliés de l?histoire
L?Algérie a fêté hier le 43e anniversaire de son indépendance sans pouvoir pour autant faire partager cette joie avec les victimes civiles qui ont accompli un rôle important durant la révolution de 1954. L?une des démonstrations historiques de l?engagement du peuple algérien aux côtés du FLN reste cette grandiose manifestation du 11 décembre 1960 à El Hamma à Alger. Abdelouahab Ikhlef avait alors 6 ans lorsqu?il arbora l?emblème national pour crier l?indépendance de l?Algérie. Quelques moments plus tard, la scène se transforme en un véritable champ de répression que la haine coloniale a provoqué. L?homme qui porta Abdelouahab sur les épaules tomba sous une balle tandis que le gosse s?évanouit dans un éclat de grenades. Un traumatisme crânien a nécessité son admission en urgence au Centre hospitalo-universitaire Mustapha Pacha. Malheureusement, une telle blessure à cet âge tendre était tellement méchante qu?elle a rendu Abdelouahab handicapé à vie. Au fil des ans, la victime était astreinte à un traitement régulier avec des pics de crise allant jusqu?au coma. Sa situation professionnelle lui a permis un avantage, mais la séquelle du 11 décembre persiste. Etant un employé à Air Algérie, la CNAS lui a ouvert le droit d?accéder gratuitement aux médicaments. Aujourd?hui, le traitement continue. L?oubli des autorités aussi. Abdelouahab cherche une reconnaissance du statut de victime civile pour aller le plus tôt possible à la retraite. Le cas échéant, il revendique un poste aménagé selon son aptitude mentale. Les correspondances commencent. Le 20 février 2003, Abdelouahab interpelle le ministère des Moudjahidine pour bénéficier d?une pension de victime civile. La tutelle, dans une missive du 28 juin 2003, précise que l?étude des dossiers relevant des cas similaires est interrompue jusqu?à nouvel ordre. Du côté de l?Hexagone, le chef du service des ressortissants résidant à l?étranger, rattaché au ministère de la Défense, renvoie le plaignant aux dispositions de l?article 26 de la loi de finances du 3 août 1981, relatif aux droits des nationaux algériens. Ainsi, « toute requête est irrecevable dès lors que son dépôt est à la fois postérieur au 3 juillet 1962, date d?application des mesures de cristallisation relatives au droit à pension des nationaux de l?Algérie, et au 31 décembre 1990, date d?échéance des mesures gracieuses y dérogeant ». La requête de Abdelouahab a été, donc, rejetée. La désolation de ce père de famille de Belcourt charrie des milliers d?exemples qui, à chaque 1er Novembre ou 5 Juillet, attendent un geste au moins symbolique. Plusieurs conventions et traités internationaux reconnaissent le statut des victimes civiles dans tous les conflits. Les crimes de guerre ne sont pas concernés par les délais de prescription. L?Algérie et la France, qui s?apprêtent à signer le traité d?amitié, sont appelées à se pencher sur cette douloureuse question. Assumer son passé et honorer ses engagements contribueront, certes, à une refondation tant escomptée par les deux présidents.
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Posté Le : 07/07/2005
Posté par : sofiane
Ecrit par : Mustapha Rachidiou
Source : www.elwatan.com