Le trébuchement du pas cadencé
Xavier Dejean, qui nous a quittés il y a trois ans, signe un livre contre la guerre d?Algérie, un réquisitoire époustouflant de génie. Un grand moment littéraire. L?ancien appelé, avec un style épique, complexe, réinvente la révolte. On y entre comme par effraction, sur la pointe des pieds. Puis, on est happé par une puissance rugissante, un bouillonnement et un roulis dévastateurs. Le texte de Xavier Dejean est un trésor littéraire. Rarement, avons-nous été aussi enthousiasmés, séduits par la force et l?innovation qui se dégagent de ce livre au titre déjà annonciateur de révolte. « Han dêh ! » n?est pas une phrase d?une quelconque langue asiatique mais bien un détournement de « Une deux ! » , l?injonction militaire. Un pas cadencé que refuse justement l?ancien appelé. Sans tomber dans l?admiration béate (et pourquoi pas d?ailleurs), c?est le meilleur livre jamais écrit sur la guerre d?Algérie. Le personnage principal de cette ?uvre est le style, un style original, débridé, déconstruit, flamboyant. Les passages sur le napalm et la torture sont tout simplement des joyaux. Xavier Dejean, avec une langue luxuriante, s?attaque à la guerre et au colonialisme avec une grande subtilité. Il crie « non », vomit son indignation. « J?ai ramassé et écrit ce morceau de vie en vrac, comme on va crier au loin tout seul dans la campagne. Un cri pour personne. Un cri encore une fois muré et muet. » En débarquant à Alger en 1958, le jeune appelé ne se doutait pas qu?il rentrait dans la nuit coloniale, qu?il allait faire connaissance avec une certaine humanité dénuée du superflu quand la mort s?érige en maîtresse des lieux. « La force de cet écrit nous vomit par son intemporalité et nous insulte dans notre possibilité à contenir l??uvre de la peste. Cette chair de mots est de toute guerre, de tout lieu, de toute origine où l?horreur tient la main, amie du quotidien sous le regard silencieux ou complice du témoin ou de l?acteur assassin. Han Dêh est un tragique printemps algérien. Ce n?est point un testament c?est une ballade testamentaire où le pendu est ce ??couillon?? de deuxième classe donné en pâture au charognard de l?engeance colonialiste », note Michel Reynaud, le fondateur des éditions Tirésias. Effectivement, Xavier Dejean use d?une langue juste. Il a eu le courage de regarder au plus profond de lui-même, est allé à la rencontre de ses congénères. Son voyage initiatique est un moment de grâce, une sublime révolte contre toutes injustices. Han Dêh, Xavier Dejean, éditions Tisérias, 2007
-
Votre commentaire
Votre commentaire s'affichera sur cette page après validation par l'administrateur.
Ceci n'est en aucun cas un formulaire à l'adresse du sujet évoqué,
mais juste un espace d'opinion et d'échange d'idées dans le respect.
Posté Le : 05/11/2007
Posté par : sofiane
Ecrit par : Rémi Yacine
Source : www.elwatan.com