L'histoire nous apprend que l'administration co-loniale avait, en mai1945, autorisé le défilé pour fêter la victoire le jour de la signature del'armistice, mais avait en même temps intimé à ses troupes l'ordre de tirer surceux qui arboreraient le drapeau algérien. Sûrement affolés par la portéeimmense de cette victoire sur l'hitlérisme, les adeptes de l'éternelcolonialisme, notamment les féodaux, avaient mis en branle l'odieuse machine ducrime et des assassinats collectifs ethniques pour retarder l'échéance qui lesinquiétait tellement. Il ne s'agissait nullement d'une«poignée de barbares égarés» qui tenaient à la préservation d'acquis, mais d'unordre colonial qui s'appuyait sur un régime politique de domination accablante,axé sur la dépossession, la déculturation, le déracinement et la ségrégationraciale. Les manifestants de Guelmaavaient respecté les consignes d'arborer un comportement pacifique tout enexprimant le cachet nationaliste de la marche. A mi-chemin de leur itinéraireet avant d'atteindre le monument aux morts, ils furent stoppés par l'autoritéqu'incarnait le sinistre sous-préfet André Achiary encadré par les gendarmes etles policiers. La foule piétine, gronde et le ton monte. La mitraille crépiteet le porte-étendard est abattu. Cette violente riposte a laissé beaucoup deblessés et une dispersion anarchique. C'est dans la matinée du 9 mai1945 que Guelma bascule dans l'horreur. L'autorité coloniale fut saisie d'uneterreur irrationnelle, psychotique et homicide. Des policiers et des gendarmessurarmés étaient lancés contre les populations venant aux nouvelles de ce quis'était passé la veille dans la ville. La folie meurtrière s'était emparé detous les Européens de la ville et une milice civile fut créée. Avec un arsenal d'armesautomatiques, de véhicules réquisitionnés et toujours sous les ordres dusous-préfet et du capitaine de la gendarmerie, ces milices allaient exercerpendant les mois de mai et de juin, une terreur sans précédent. Chaque villagede la région avait sa propre milice; autour de gros colons s'organisaient desbandes armées qui sillonnaient les campagnes soutenues par les militaires ducontingent et l'aviation. Ces miliciens opéraient desarrestations de jour comme de nuit, dans la rue ou à domicile. Ils emmenaientleurs victimes hors des remparts de la ville pour les abattre sans jugement.Des cadavres sont incinérés à l'essence et parfois abandonnés sur le sol. Arrêtés sur simple soupçon, descentaines de personnes étaient parquées dans la prison civile, dans les locauxde la police et de la gendarmerie ou encore dans des prisons improvisées. Un tribunal dit de salut publicétait opérationnel et géré par les responsables locaux du parti socialiste, duparti communiste ainsi que des syndicats de la CGT. Leur but était «d'éradiquerle complot» par lequel ils étaient persuadés que tous les Européens de Guelmaallaient être massacrés. Des listes nominatives circulaient entre les mains desmiliciens. On tirait à vue et «la chasse au merle» battait son plein. Larépression aveugle. Matins et soirs, des Algériensligotés par groupes de quatre étaient emmenés dans des camions vers les plaineset fusillés au bord des routes, dans des carrières ou dans des ravins. Lecommissaire de police et les grands notables européens se joignaient parfois aupeloton d'exécution. Tous les villages de la colonisation dans la région deGuelma avaient été ensanglantés par cette rage morbide et macabre des colons,soutenus par la Légion étrangère, les tirailleurs sénégalais et les Taborsmarocains. Personne ne saura ce que faisaitcette soldatesque coloniale dans les campagnes et les mechtas isolées dans lesmontagnes aux alentours. Ceci était le crime sans témoin. Pour mieux cerner lesconsidérants de ces interminables journées d'épouvante, toujours incrustéesdans la mémoire collective nationale, il y a lieu de circonscrire le sujet dansson contexte de l'époque, notamment autour des contradictions ostensibles ducolonialisme, à travers l'itinéraire du premier chef d'orchestre de cettesordide tuerie à Guelma: le sous-préfet André Achiary. Invité au 5ème colloqueinternational sur les événements du 8 Mai 1945, organisé les 7 et 8 mai 2007 àl'université de Guelma, René Gallissot, historien français, professeur émériteà l'université de Paris 8, a présenté une communication intitulé : «Itinéraired'un récidiviste : André Achiary, sous-préfet de Guelma en mai 1945". Les massacres du 8 mai 1945avaient constitué le maillon charnière dans une prise de conscience du peuplealgérien qui se raffermissait dans sa solidarité nationaliste. Le processus dela lutte de libération du pays était entamé. La complicité du silence estdéfinitivement rompue et l'histoire retiendra que le génocide identitaire ducolonialisme demeure un crime d'Etat et les massacres du 8 Mai 1945, un fait dela folie des hommes, demeurent un crime contre l'humanité.
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Posté Le : 09/05/2007
Posté par : sofiane
Ecrit par : Menani Mohamed
Source : www.lequotidien-oran.com