Algérie

Guelma: Des voix à vendre



A vouloir trop se gausser des envies culinaires du mois de Ramadan et finir par rire sur nous-mêmes, l'on s'aperçoit que l'on achète même le dépliant publicitaire d'un fruit exotique. On ne se lasse guère de lécher les vitrines, d'acheter, de payer et de se passer de la petite monnaie. L'essentiel est d'acheter puisque tout s'achète et à l'affiche...

 C'est dans cette métaphore que s'implique la chronique locale à quelques encablures du renouvellement partiel du Sénat pour fixer une mise à prix mirobolante sur un siège à la chambre haute. Trois milliards de centimes, c'est le montant alloué par le Trésor public comme geste de bienfaisance de la nation envers les démunis pour mieux amortir la pression des charges du Ramadan à Guelma. Trois milliards de centimes, c'est le pactole que doit déguster le jury des grands électeurs pour permettre l'intronisation d'un sénateur.

 Du marché au blé de la ville transformé aujourd'hui en jardin archéologique, l'on retient l'image de ces agriculteurs exposant leur produit dans des sacs de toile entrouverts, laissant apparaître le ton aurifère du grain et la pleine qualité de la variété locale séculaire.

 Aujourd'hui, le cheminement du blé continue en vase clos, mais dans un sachet en polymère noir dans une effervescence qui efface la discrétion et tout respect aux bons usages pour s'imposer dans un mercantilisme sans repères, que celui du poids des effets fiduciaires sonnants et trébuchants. Dans tout ce folklore mis en scène loin du peuple, la fin justifie les moyens et l'on se démarque délibérément de l'aptitude, la compétence, la haute moralité ou d'autres qualités humaines dont l'essence serait de se mettre au service de la collectivité.

 Dans ces joutes électorales, l'enjeu est que l'usufruit demeure individuel et il faut être amnésique ou frappé de cécité pour croire que ces «cadres de la nation» reviendront un jour à la barre de leurs électeurs pour soutenir avoir parrainé une seule opération au volet du développement local. Combien sont-ils à s'intéresser aux rendez-vous des séances d'arbitrage pour pouvoir soutenir les propositions locales, si ce n'est en souscrivant au segment des abonnés absents ? Qui se soucie du réseau routier, des infrastructures hospitalières ou scolaires, du logement, du barrage d'Aïn Makhlouf, de l'emploi, de l'agriculture, entre autres centres d'intérêt de la vie active de la collectivité ? Comme toujours, les choses se concrétisent d'elles-mêmes et le mérite revient aux commis de l'Etat consciencieux. Pour l'heure, la campagne bat son plein avec ou sans états-majors, dans une OPA lancée toutes voiles dehors par les oligarchies influentes, aux ramifications tentaculaires, qui ne cachent pas leur jeu infâme à soudoyer les consciences et à bafouer cyniquement les dignités.

 L'insolence est dans la perversion et collecter les adhésions à travers le sachet noir demeure une chose aisée, tant les ondes de la diversion et le tournis parviennent à tétaniser tous les curieux, les badauds et la CTRF qui risquent d'oser des questions pertinentes. La pierre angulaire de notre échelle des valeurs est effondrée en partie, ouvrant la voie à toutes les semences du chaos qui vont gangrener le tissu social pour mieux banaliser sa clochardisation.




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