Une comédie sur l'argent dans l'univers des banlieues familier au cinéaste.
Fils d'émigré algérien, Malik Chibane est issu des quartiers populaires et ses films ont toujours épousé la géographie humaine des banlieues. Ainsi, après Hexagone (1994), Douce France (1995) ou Voisin, Voisine (2004) avec Fellag, ce réalisateur sort cette semaine sur les écrans français Pauvre Richard, une comédie assez enlevée qui a pour thème principal l'argent et ce qu'il modifie chez les êtres, qu'ils en aient ou pas. L'intrigue au fond est assez simple. Richard et Omar, deux copains qui galèrent ensemble, et améliorent leur RSA avec des petits boulots, en particulier sur les marchés, vont voir leur quotidien bouleversé à la suite d'un gain au loto de 124 millions d'euros qui échoit à Omar, lequel se réfugie dans l'anonymat.
Dès lors, c'est le branle-bas de combat dans la petite communauté du quartier, où chacun va se muer en Sherlock Holmes de pacotille pour identifier l'heureux veinard qui ne s'est pas fait connaître. A la suite d'un quiproquo ' et ils sont légion dans le film ', tout le monde va croire que le mystérieux veinard est ce pauvre Richard qui va se voir harceler par les uns et les autres, chacun se rappelant à son bon souvenir pour solliciter vingt ou trente mille euros pour lui ou sa famille. Omar, dont le père est incarné par Smaïn, va laisser la situation perdurer, tout en modifiant ses habitudes (Ferrari et beaux costumes '), loin du quartier bien sûr.
Le récit est construit à partir de saynètes qui s'emboîtent les unes dans les autres. Une foule de personnages secondaires, tous bien typés, gravitent autour de nos deux héros, l'un (Omar) embarrassé, l'autre (Richard) perturbé par ce nouveau regard porté sur lui.
C'est une bande dessinée* au titre éponyme Pauvre Richard qui a inspiré Malik Chibane pour son quatrième film de cinéma. Et si l'adaptation en est réussie, c'est parce que le cinéaste a préféré traiter le sujet de l'argent plutôt que celui du jeu, en lorgnant du côté de la comédie italienne quant au style et à la mise en scène. Malik Chibane écrit avec justesse dans une note d'intention : «A l'heure où certains pensent avoir trouvé la gomme magique qui efface les différences entre Français pour mieux stigmatiser celles qui existent avec les immigrés et leurs arrière-petits-enfants, l'appartenance à une même classe sociale est une évidence qu'il est judicieux de rappeler, même dans une comédie».
Côté comédiens, le casting se révèle pertinent avec Frédéric Diefenthal (alter ego de Sami Naceri dans la trilogie Taxi de Luc Besson) qui a su donner de l'épaisseur au personnage de Richard, tandis que Yacine Belhousse, transfuge du Jamel Comédie Club, est une véritable révélation par la justesse de son jeu. Elsa (Amel dans le film), ex-chanteuse, est tout aussi convaincante que Smaïn qui, outre le stand-up où il a longtemps excellé, rappelle ici qu'il est d'abord et avant tout un bon comédien. Espérons qu'un distributeur aura la riche idée de sortir en Algérie Pauvre Richard dans les rares salles de cinéma qui, désormais, font office «de circuit».
*Nico (dessinateur), Sanz (scénario), Frapa (direction). Editions L'Ecailler, Paris, 2006.
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Posté Le : 19/01/2013
Posté par : presse-algerie
Ecrit par : Mouloud Mimoun
Source : www.elwatan.com