Algérie

Grippe porcine: La polémique s'installe



Au moment où le nombre de morts de la grippe porcine connaît une hausse en Amérique Latine et les Etats-Unis, enregistrant respectivement 600 et 353 décès, une polémique, alimentée par des personnalités connues à l'échelle internationale, commence à faire son chemin sur cet intérêt particulier accordé à la grippe A(H1N1) au détriment des autres pandémies, celles du sida, du paludisme et de la tuberculose qui font des ravages mais qui sont, désormais, placés en arrière-plan.

 Toutes ces précautions prises par les pays industrialisés et cette phobie développée suite à cette grippe sont exagérées, selon ces scientifiques, et tendent à prendre le caractère de l'indécence face aux autres maladies aussi graves qui continuent à faire des milliers de victimes par jour. Dans cette forte mobilisation menée depuis quelques mois, ces personnalités, spécialisées dans la lutte contre les différentes pandémies qui menacent la santé des populations, tentent d'orienter, de nouveau, les regards sur les quatre millions de morts que font chaque année sida, paludisme et tuberculose. Ils mettent aussi la lumière sur l'écart qui persiste entre le Nord et le Sud. Cette différence est d'abord exprimée par l'Organisation mondiale de la santé qui relève le fait de voir les pays du Sud démunis face au nouveau virus A(H1N1).

 L'autre crainte consiste à mettre en arrière-plan la lutte contre les pandémies de niveau 6+++ tels que le sida et le paludisme, comme les appelle Michel Kazatchkine, directeur du Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme. Cité par l'AFP, M. Kazatchkine souligne: «C'est un nouvel exemple de l'énorme distance qu'il y a entre le Nord et le Sud». «Dans le Nord, on constitue des stocks de vaccins, des stocks de médicaments, en prenant le risque que ces médicaments s'avèrent en fait non efficaces, on dispose de moyens de diagnostic. Dans le Sud, il n'y a ni moyens de diagnostic ni traitements», ajoute-t-il. Le Fonds mondial sida «verse environ 2,5 à 3 milliards d'euros par an et nous estimons qu'avec ces fonds nous sauvons 3.000 personnes par jour», souligne le Pr Kazatchkine qui estime que «tout pourrait être terrible, mais ce qui est terrible c'est que le sida continue de tuer 5.000 personnes par jour et qu'un enfant de moins de 5 ans meurt du paludisme toutes les 40 secondes en Afrique».

 «On en fait trop. C'est la pandémie de l'indécence», lance, pour sa part, Marc Gentilini, ancien président de la Croix-Rouge française et ancien chef de service des Maladies infectieuses et tropicales à l'hôpital parisien de la Pitié-Salpêtrière. Il juge que dépenser «1 milliard d'euros pour une vaccination dont on ne sait strictement rien, c'est de la précipitation». «C'est quand même de l'argent qui peut servir ailleurs», estime-t-il. Il dénonce une situation «éthiquement inacceptable». «Pour l'instant, la fin du monde n'est pas programmée, mais ça pourrait arriver», ironise l'ancien président de la Croix-Rouge, pour qui «les politiques sont piégés par le principe de précaution».

 Quant au professeur de médecine Bernard Debré, député UMP (droite, au pouvoir), il a estimé récemment que la mobilisation «ne sert qu'à nous faire peur», appelant à «siffler la fin de la partie». Un groupe d'experts de la tuberculose, dont l'Italien Giovanni Battista Migliori, rappelait en juin dans la revue médicale The Lancet que cette maladie avait tué 1,77 million de personnes en 2007. «Les interventions en santé publique devraient être guidées par des faits, pas par des émotions, et on devrait toujours prendre en compte le rapport entre le coût et l'efficacité», écrivait-il.

 Des millions d'antiviraux stockés, des millions de vaccins commandés par les pays industrialisés. Les Etats-Unis prévoient la vaccination, en priorité, de 160 millions de personnes à risque. Londres a commandé 132 millions de doses, l'Espagne 37 millions. Le Japon dispose de 38 millions d'antiviraux, la France de 33 millions. En Egypte, un des pays les plus touchés par la grippe aviaire (H5N1), seules 2,5 millions de doses de Tamiflu sont stockées. Le chiffre de 1 milliard d'euros annoncé par la France pour la commande de vaccins (94 millions de doses ferme et une option de 34 millions) a suscité, en effet, la polémique. La ministre française de la Santé Roselyne Bachelot justifie, quant à elle, la mobilisation du gouvernement français par la crainte de voir la nouvelle grippe se diffuser beaucoup plus largement à l'automne.

 Selon l'AFP, en Amérique Latine, la région du monde la plus touchée par la pandémie, le nombre de morts dépasse désormais les 600, après l'annonce de nouveaux décès dans plusieurs pays entre jeudi et vendredi. Les plus fortes hausses sont venues du Brésil (73 morts, +10) et du Chili (87 morts, +8), l'un des pays du cône sud de l'Amérique Latine où l'hiver austral est le plus rude. Seuls l'Argentine voisine (165) et le Mexique (146), foyer mondial de la pandémie en avril, ont été plus durement touchés dans la région, qui compte 380 millions d'habitants. Le Pérou (29 morts au total), le Costa Rica (22), le Paraguay (19), la Colombie (17), le Guatemala (10), la Bolivie (9) et le Honduras (4) ont également revu leurs chiffres à la hausse ces dernières 24 heures. L'Amérique Latine concentre plus de deux tiers des victimes de la pandémie, qui a fait 816 morts selon le dernier bilan de l'Organisation mondiale de la santé (OMS) publié lundi et largement dépassé.     

 Les Etats-Unis, pays le plus touché par l'épidémie mondiale de grippe A(H1N1), recensaient vendredi 51 décès supplémentaires liés au virus par rapport à la semaine précédente, faisant passer le nombre de morts à 353. Selon les chiffres publiés vendredi dans l'actualisation hebdomadaire du rapport de surveillance du Centre américain de contrôle et de prévention des maladies (CDC), 5.514 personnes ont dû être hospitalisées en raison du virus.

 En Arabie Saoudite, deux nouveaux décès dus au virus A(H1N1) ont été annoncés samedi portant à quatre le nombre total de décès liés à la grippe porcine dans ce pays du Golfe qui accueille plusieurs millions de pèlerins du monde entier chaque année. Plus de 300 cas ont été diagnostiqués dans le royaume. Des millions de fidèles sont attendus dans les prochains mois en pèlerinage dans les lieux saints de l'Islam. Ce qui fait craindre à Ryad une explosion du nombre de cas de grippe porcine. L'Arabie Saoudite devrait interdire aux personnes âgées et aux enfants de faire cette année le pèlerinage de La Mecque du fait de la pandémie de grippe porcine, à la suite des recommandations des ministres arabes de la Santé.

 En France, un paquebot de croisières, le Voyager of the seas, arrivé samedi à Marseille, a été interdit de débarquer en raison de plusieurs cas de grippe A(H1N1) détectés. 3.600 passagers et 1.500 hommes d'équipage devaient rester à bord par ordre préfectoral. Après une enquête épidémiologique, seul un cas de grippe porcine a été confirmé. La majorité des 3.600 passagers ont finalement été autorisés à débarquer. Quelque 150 personnes à bord sont toutefois maintenues en isolement.




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