Algérie

Grève du Cnapeste: Un statu quo et des interrogations



La réunion entre le ministre du Travail et le Cnapeste a été un véritable flop qui démontre, si besoin, qu'il existe de fortes velléités d'enfoncer le secteur de l'Education nationale dans le pourrissement vers lequel il a été poussé il y a déjà trois mois.Ce sont trois mois moins une semaine exactement que le Cnapeste a entrainé les écoles de Blida dans une grève interminable, c'est insensé, c'est un crime contre les élèves, » nous disent des notables de la ville qui s'inquiètent des conséquences de comportements de la famille de l'éducation qu'ils jugent «irraisonnables». Ainsi en est-il du flop de la réunion ministre du Travail-Cnapeste. Les deux parties n'ont pas réussi à faire bouger le conflit d'un iota. Bien au contraire, le syndicat gréviste continue son mouvement qui plus est, veut faire entendre sa voix «au plus haut niveau de l'Etat.» L'on s'attend, selon des sources du 1er ministère, à ce que Ouyahia intervienne pour calmer les esprits et sauver ce qui reste de l'année scolaire. « Il doit attendre d'avoir toutes les données pour pouvoir arbitrer, » nous dit-on. Il est cependant connu que le 1er ministre ne peut décider de son propre chef d'intervenir dans un conflit qui mine un secteur aussi sensible que celui de l'éducation nationale. La présidence de la République a sans conteste, son mot à dire avant toute implication d'instances plus hautes que les ministères. D'autant que le chef de l'Etat a toujours tenu à ce qu'il soit le seul à arbitrer dans toutes les questions nationales. L'instruction donnée au ministre du Travail pour rencontrer les membres du Cnapeste est venue parce que, disent nos sources du ministère concerné, « il fallait démontrer que les grévistes ont piétiné les lois relatives aux relations de travail et à l'exercice du droit syndical.»
En attendant que les choses se décantent, de nombreux observateurs trouvent curieux que des parties entre autres syndicalistes du secteur de l'éducation affirment ne pas connaître les revendications du Cnapeste. « On sait qu'ils veulent revoir le statut, régler le problème des logements de fonctions, une revalorisation de leurs salaires, reprendre les ?uvres sociales, revoir à leur manière les réformes engagées par la ministre notamment pour ce qui est de l'examen du baccalauréat, » indiquent des syndicalistes. Mais, interrogent-ils, «pour éviter la confrontation et ce genre de situation, des PV ont été établis il y a longtemps entre la tutelle et tous les partenaires sociaux sur tous ces points, il n'a jamais été question de grève, ce sont là les revendications de tous les syndicats du secteur. »
Les notables de Blida face au conflit
Contactés par nos soins, des notables de Blida qui ont tenu à garder l'anonymat « pour ne pas attiser davantage le feu même si on sait qu'il prend de toute part», nous retracent « l'historique » d'un conflit qui oppose affirment-ils «la directrice de l'éducation de la wilaya et le Cnapeste pour une raison tout à fait autre que toutes les revendications posées officiellement et publiquement. » Nos interlocuteurs nous font savoir qu'à l'origine du conflit entre les deux parties «la décision de la directrice de l'éducation de suspendre le salaire du secrétaire général en congé indéterminé pour raison de longue maladie. » Ils expliquent que «ce cadre est depuis deux ans en congé de maladie parce qu'il se soigne en France, il se présente à son travail deux ou trois jours tous les deux ou trois mois et repart en France pour poursuivre ses soins. » C'est là, disent-ils, « une des irrégularités parmi tant d'autres que la directrice a découvert au niveau du secteur de l'enseignement à Blida. » Nos interlocuteurs nous font savoir alors que «après avoir consigné cette longue absence du SG, la directrice a procédé au gel de son salaire et lui a fait rembourser tout ce qu'il avait perçu illégalement puisqu'il avait une prise en charge en parallèle et surtout qu'il devait se faire rembourser par la sécurité sociale comme tout travailleur en longue maladie. » Aux yeux des grévistes, «elle en a fait une affaire personnelle. » La directrice s'en défend «j'applique la loi et la réglementation en vigueur. » Les notables de Blida disent avoir su que « dès cet instant, ceux qui font aujourd'hui la grève, se sont réunis autour du SG qu'ils estiment avoir été lésé dans ses droits... » Ils notent que « le concerné a été réélu SG alors qu'il était en France. »
C'est ainsi que « les grévistes ont décidé de déterrer les PV établis il y a longtemps entre eux et la tutelle pour demander leur application tout de suite et sans préalables, » nous disent nos sources. L'on saura au passage que l'association des notables de Blida a tenté la médiation entre la ministre de l'Education et le Cnapeste. « A trois reprises, ses membres se sont déplacés vers les deux parties pour réconcilier entre elles, pour que le conflit ne dégénère pas, mais en vain. » L'on apprend du côté de l'association -qui refuse d'être mise sous les feux de la rampe-, que les grévistes du Cnapeste veulent la tête de la directrice de l'éducation de la wilaya, ils mettent ça en premier et le reste pourra venir après. » Des membres de l'association des notables de Blida avouent avoir buté contre «un entêtement farouche des grévistes, pour pouvoir camper sur leur position vis-à-vis de la directrice, ils veulent que leurs revendications soient prises en charge tout de suite, sans délais, alors qu'ils savent que c'est impossible. » L'association n'est donc pas arrivée, selon certains de ses membres « à dénouer l'écheveau d'un conflit qui ne devait pas en être un vu le pourquoi de son déclenchement, les choses se sont bien corsées depuis, les syndicalistes ne sont réceptifs à aucune forme de réconciliation ni à l'arrêt de leur grève alors qu'ils peuvent négocier la résolution de leurs revendications tout en travaillant.»
«La directrice ne doit pas être un fusible»
Des notables de la ville (hors association) se disent « outrés par de tels comportements au sein de la famille de l'éducation qui est censée cultiver au sein même de la société la sagesse, le respect d'autrui, le sens de la responsabilité, la légalité du droit et du devoir. » Ils notent avec amertume que « les grévistes ont poussé de nombreux élèves à manifester dehors et de ne pas accepter de rentrer dans les classes pour lesquelles des suppléants ont été désignés, ils veulent que les enseignants grévistes soient maintenus à leurs postes tout en étant absents, c'est le serpent qui se mord la queue ! » Ils appellent à ce que «la tutelle ne doit pas accepter que la tête de la directrice soit négociée d'un manière aussi éhontée, la ministre ne doit pas céder à un tel chantage, la directrice ne doit pas être démise de ses fonctions, elle est compétence et assume ses responsabilités avec beaucoup de courage et d'abnégation, il ne faut pas qu'elle serve de fusible pour désamorcer une situation créée de toutes pièces. » Ils estiment que « la directrice de la wilaya représente l'Etat, celui-ci ne peut et ne doit pas plier devant aucune pression de ce genre, ça va constituer un précédant grave. » Au-delà de la directrice, c'est, pensent nos sources, la personne de la ministre qui est visée. «Le travail de Benghebrit n'a jamais plu aux magouilleurs du secteur, elle dérange beaucoup, elle oblige au travail, ce qui ne plaît pas, » soutiennent des notables. D'anciens députés et responsables politiques à Blida s'interrogent eux, sur le rôle des parents qui, disent-ils, «permettent à leurs enfants de manifester dehors, normalement ils se mettent du côté de l'avenir des élèves qui est aujourd'hui hypothéqué par des comportements ridicules, un enseignant n'a en principe même pas besoin de Constitution ou de lois pour voir où se situe le bien et le mal pour un élève, celui qui fait une grève de trois mois ne peut être éducateur, à Blida, les enseignants ont enfreint la loi pour imposer leur propre loi… »
Une médiation «en dehors des lois '»
Ces anciens responsables pensent qu' «il serait judicieux d'interdire les syndicats dans le secteur de l'éducation pour ne plus permettre une telle prise en otages des élèves. » Ils soutiennent toute décision de licenciement et ponctions des salaires des grévistes «parce que dans ce genre de situation, il faut savoir rester ferme et appliquer les lois dans toute leur rigueur. » Politiques qu'ils sont ou qu'ils l'ont été, nos interlocuteurs sentent « l'odeur de la politique dans ces mouvements de grèves déclarés simultanément, celle des enseignants et celle des médecins résidents.» Ils ramènent ainsi «ces situation kafkaïennes à des man?uvres en prévision de 2019, tous les acteurs veulent compter leurs troupes, combien on en a, combien ils en ont pour se préparer pour ou contre un 5ème mandat. » Les tentatives de déstabilisation des organisations proches de Bouteflika en font partie, selon nos sources.
L'on apprend auprès de cellules du Cnapeste dans d'autres wilayas que le syndicat gréviste veut « en finir avec un conflit qui n'a que trop duré. » Il est avancé à ce niveau que « nous sentons le dépit chez certains de ses membres, ils veulent lâcher prise mais ils ont peur de perdre la face, ils semblent fatigués par tant de pressions. » « Le retrait de l'agrément aux grévistes n'est pas aussi écarté comme le soutient le ministre du Travail puisqu'il a affirmé hier que l'enregistrement d'un syndicat et l'obtention de son agrément ne lui donnent pas toutes les prérogatives. » Le non-dénouement du conflit plombe la scène nationale. Une médiation entre la ministre de l'Education et le Cnapeste pourrait être possible. Elle serait menée par une commission nationale composée de juristes et d'imams du pays comme annoncé par les médias. Ce qui est sûr, c'est jusqu'à hier, l'association des notables de Blida n'a pas été contactée pour en faire partie. L'on avance d'ores et déjà que les membres de la dite commission, -si elle se confirme-, seraient désignés « d'en haut pour intervenir à un moment que seules les plus hautes instances de l'Etat choisiront, ceci même si en haut lieu, on n'y croit pas parce que le conflit ne doit pas sortir de son cadre légal qui sont la loi et les instances de l'Etat. »


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