A ArcelorMittal El-Hadjar - qualifié en
2006, par le directeur du département Maghreb à la Banque mondiale, Théodore
Ahlers, de «modèle de privatisation réussie» - l'heure est au bilan, après
l'échec d'une grève où la centrale UGTA, en s'abritant derrière une décision de
justice, s'est retournée de manière spectaculaire contre le syndicat
d'entreprise. Pourtant, au-delà des salaires, c'est l'avenir même du complexe
qui est en jeu.
Smaïn Koudria, le secrétaire général du
syndicat d'entreprise, a décidé de démissionner et de laisser à Sidi Saïd le
«soin de gérer le conflit». Côté employeur - le complexe est détenu à 70% par
ArcelorMittal contre 30% pour Sider -, on fait le compte des pertes de trois
jours de grève. Pas de quoi améliorer un bilan financier où un déficit de 124
millions de dollars serait enregistré. Même si l'on admet que la crise mondiale
et la chute des prix des produits sidérurgique expliquent ce mauvais bilan, on
semble insister à mettre en tête des causes, les mouvements de grève. Le patron
du complexe, Vincent Le Gouïc, a annoncé que les discussions sur les salaires
de 2011 auront lieu après le mois de juillet avec une précision de taille -
style Ouyahia - que l'augmentation des salaires doit être liée à une
augmentation de la production et à la paix sociale. Côté syndicat, c'est un peu
la bérézina. L'argument de la décision de justice pour justifier le lâchage du
syndicat d'entreprise par l'UGTA est limite. Des syndicats autonomes, beaucoup
plus désarmés, n'ont pas hésité à passer outre et à en assumer les
conséquences, au nom de la défense du droit de grève. La grève, menée pour
l'application d'un avenant à la convention de branche signée entre la
Fédération des travailleurs de la mécanique, de l'électricité et de
l'électronique (FNTMEE) et la Société de gestion des participations de l'Etat
Translob, avait l'appui de la centrale.
Pourquoi le syndicat d'entreprise a été
lâché
Ce serait une intervention du n°1
d'ArcelorMittal, Mittal Lakshmi, auprès du gouvernement algérien qui aurait changé
la donne. La grève mettrait à mal le complexe et le carnet de commandes
d'ArcelorMittal Annaba. Le message est bien passé et transmis à la direction de
l'UGTA qui a débarqué sans ménagement Smaïn Kouadria. On peut présumer
également que le gouvernement - déjà accusé de créer des entraves aux
investissements étrangers - avait souci de ne pas se voir associé aux appels
récurrents à la «renationalisation» d'El-Hadjar. Smaïn Kouadria a, lui-même,
semblé enfourcher cette option. Il est passé à la trappe. Mittal a vaincu
Kouadria et… Louisa Hanoune. La dirigeante du Parti des travailleurs, qui
assume de fait le rôle de la «gauche du pouvoir», n'a de cesse en effet de
dénoncer «l'échec patent du partenariat avec le leader mondial de l'acier,
ArcelorMittal (Annaba), et, comme toile de fond, le spectre des licenciements
qui plane sur des centaines de postes d'emploi, en sont des exemples
édifiants».
Le complexe pourrait ne plus mériter son
nom
Le gouvernement, en mettant fin de
manière indirecte à la grève, aura donc envoyé un contre-signal qui ne peut
qu'être apprécié par ArcelorMittal. Reste le fond du problème. La cession du
complexe d'El-Hadjar à un groupe mondialisé ne peut pas rester sans conséquence.
La question des salaires est importante pour les travailleurs, elle n'est pas
la plus importante. L'enjeu est bien l'avenir du complexe… en tant que
complexe. ArcelorMittal fonctionne selon une logique de groupe et donc de
rationalisation économique. Cela se traduit par un abandon des activités non
rentables. Un ancien ingénieur du complexe considère qu'ArcelorMittal ne veut
plus «produire au complexe d'El-Hadjar ce qui lui revient moins cher ailleurs».
Il constate qu'ArcelorMittal importe déjà du coke de ses usines d'Europe de
l'Est, du coke deux fois moins cher que celui produit à El-Hadjar. «Il a laissé
mourir un des deux hauts-fourneaux et maintenant tout le cœur chaud du complexe
est menacé de s'arrêter dans les deux ou trois prochaines années». Verdict,
ArcelorMittal va spécialiser El-Hadjar dans les aciéries. Le complexe ne
mériterait plus son nom.
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Posté Le : 29/06/2010
Posté par : sofiane
Ecrit par : Boualem Alami
Source : www.lequotidien-oran.com