Divers rapports parvenus à la Direction générale relatent des faits jugés "graves" imputés à ce syndicaliste, dont "abus de fonction, faux et usage de faux, corruption, trafic d'influence et falsification".La direction de la Société des eaux et de l'assainissement d'Alger (Seaal) vient de suspendre de ses fonctions le secrétaire général du syndicat UGTA de l'entreprise, Slimane Bouchaïr. L'administration de Seaal assure avoir pris cette décision à la suite des divers rapports qui lui sont parvenus, relatant des faits jugés "graves" imputés à cet employé dont "abus de fonction, faux et usage de faux, corruption, trafic d'influence et falsification", souligne le directeur général de cette société, Yves Fagherazzi, dans une correspondance adressée aux différentes structures concernées. Dans une copie envoyée à la Fédération nationale des travailleurs de l'hydraulique (FNTH) de l'UGTA, le DG informe celle-ci de la décision de l'entreprise de procéder à un dépôt de plainte à l'encontre de ce syndicaliste.
"Pour les besoins de l'instruction et jusqu'à l'aboutissement de la procédure pénale, des mesures conservatoires seront prises à son encontre conformément à la convention collective et au règlement intérieur de Seaal", explique M. Fagherazzi. La suspension de l'accusé est intervenue le 7 mars 2021 et un courrier signé par l'administration a été envoyé le lendemain pour information à la FNTH. Il faut dire que tous les actes "frauduleux" commis, selon l'administration, par cet ex-SG de la section syndicale, mentionnés dans cet accablant rapport, sont d'une extrême gravité.
Une copie a même été transmise au ministre des Ressources en eau, qui, aussitôt, a ordonné l'ouverture d'une enquête. "Durant plusieurs années, M. Slimane Bouchaïr a utilisé sa position de SG du Syndicat de l'entreprise pour bénéficier de plusieurs avantages exceptionnels et hors normes. Il a pu atteindre ce niveau élevé de prérogatives grâce à l'appui qu'il a obtenu des anciens DG qui se sont succédé à la Seaal (employés de Suez)", lit-on dans ce rapport signé par l'administration. "Usant de sa position et de son influence, M. Bouchaïr a bénéficié d'un changement très rapide de sa situation socioprofessionnelle. En 2006, il était classé à la catégorie 15. Il est passé aujourd'hui à la catégorie 25 correspondant à un cadre supérieur avec un salaire mensuel net qui avoisine les 210 000 DA. Il a obtenu, en moins de 14 ans, 10 catégories socioprofessionnelles. Ce qui est exceptionnel !", précise le document.
Le prévenu s'adjuge annuellement, poursuit le rapport, la prime d'incitation à la performance qui représente en moyenne 30% de son salaire annuel (après rappel). Il s'agit, certes, d'une prime prévue par la convention collective de Seaal, mais elle est "dédiée uniquement aux cadres et cadres supérieurs qui occupent des postes organiques ou qui sont chargés de missions importantes au sein de l'entreprise", souligne un des dirigeants de Seaal.
Les avantages et les prérogatives... coulent à flots !
Pour ce responsable, cette prime est "incompatible avec les fonctions occupées par M. Bouchaïr (à savoir représentant du personnel). Il doit être autonome dans l'exercice de ses activités syndicales et ne devrait avoir aucun lien d'intérêt avec la DG". Le réquisitoire de l'administration évoque également d'autres "dépassements" perpétrés par ce syndicaliste qui a occupé aussi le poste de président du comité de participation.
L'on retient, dans les documents dont nous détenons des copies, "deux logements de fonction mis à sa disposition ; l'un à Bordj El-Kiffan (bateau Cassé) et le second au niveau de la station de pompage de Fouka (Tipasa)". Le rapport fait ressortir, en outre, que "5 véhicules sont utilisés directement" par cet employé suspendu et son proche entourage. "Deux véhicules pour lui, deux autres pour son chauffeur personnel et un cinquième pour un chef de mission qui fait fonction de comptable et d'assistant personnel", détaille le document. Sur un autre registre, le constat établi montre clairement les "recrutements massifs des membres de sa famille" dont au moins 16 ont été identifiés. "De la période de 2015 jusqu'à aujourd'hui, pas moins de 221 recrutements ont été opérés sous la pression de cette personne. Celle-ci se paye même le luxe de bloquer des personnes et des candidatures, voire des opérations de recrutement entières si le quota des personnes qu'il a recommandées n'est pas retenu", relève notre source. Pis encore, le rapport remet en cause la droiture et l'exemplarité de certains syndicalistes composant le bureau du syndicat de l'entreprise. "En juin 2017, une commission mixte a été mise en place par la DG de Seaal pour enquêter au sujet de branchements illicites effectués dans la wilaya de Tipasa, notamment au centre de distribution de Koléa.
Les conclusions de l'enquête ont conclu que Farouk Morsli, membre du bureau du syndicat d'entreprise, était à la tête d'un réseau important spécialisé dans les branchements illicites", note le document de l'administration de Seaal. La DG a, depuis cette date, "porté plainte et le dossier est actuellement au tribunal de Koléa. Le principal inculpé est sous contrôle judiciaire", précise le rapport. En dépit de tout ce trafic, "l'accusé a été protégé et maintenu par Slimane Bouchaïr en tant que membre du bureau du syndicat d'entreprise et ce, depuis les trois dernières années", déplore l'administration. L'autre dossier sur lequel la DG de Seaal fonde sa énième accusation contre cet ancien SG du syndicat concerne son "incitation à la perturbation et l'entrave au bon fonctionnement de la société à travers le lancement, par les membres du bureau et les sections syndicales, d'une pétition illicite pour la collecte de signatures auprès des collaborateurs de Seaal". Le but recherché est de tenter d'"imposer à la DG la mise en place d'une opération de promotion en 2021, alors que l'entreprise a bénéficié en 2020 et 2021 d'une augmentation des salaires de 20% suite à la révision de la convention de branche du secteur des ressources en eau", atteste le rapport.
La DG pointe des "diktats" et des "oukases"
Cette action a également pour objectif, explique le document, de "promouvoir et d'?uvrer pour le renouvellement du contrat de management de Suez au sein de Seaal". Cependant, "grâce au haut degré de conscience et à la mobilisation des employés et des managers, cette pétition anarchique et illicite n'a pas connu de succès dans sa mise en ?uvre", tient à relever la DG.
C'est dire la mainmise qu'avait ce syndicaliste sur l'administration et son diktat dans la gestion de l'entreprise au point de devenir un véritable cogestionnaire avec les anciens DG. Il était à l'origine d'innombrables oukases au sein de l'entreprise. Avec les mandats successifs qu'il s'est attribués, il était devenu presque indétrônable aux yeux des travailleurs de Seaal. Pour l'ensemble du personnel, sa suspension a été un véritable soulagement. Après son éviction de l'entreprise, la Fédération de l'hydraulique l'a, contre toute attente, désigné membre de son bureau exécutif... à l'issue du congrès organisé récemment. Or, le "mandat des membres de l'exécutif a expiré et il ne peut y avoir de prolongation ou de prolongement (de mandat) qui demeure une transgression du règlement intérieur de la Centrale syndicale", explique un syndicaliste chevronné. Pour ce dernier, le bureau exécutif parle d'un "congrès constitutif", mais dans le secteur de l'hydraulique, la fédération existait déjà depuis longtemps. "L'article 115 du règlement intérieur de l'UGTA exige la présence des anciens membres du bureau exécutif dont le mandat a expiré, mais ceux-là ont brillé par leur absence à cette assemblée", argue, encore, ce représentant des travailleurs.
Il trouve inadmissible que les mandats des syndicalistes des autres sociétés du secteur des ressources en eau, telles que l'ADE, l'Onid, l'ONA, l'ANBT, durent 3 ans et celui de M. Bouchaïr est fixé à chaque fois pour 4 ans ! Interrogé à ce sujet, le SG de la Fédération de l'hydraulique, Bachir Azzouz, avoue que le congrès s'est déroulé conformément aux statuts et au règlement intérieur de l'Ugta. À la question de savoir pourquoi avoir installé dans le bureau exécutif un élément suspendu par son entreprise, en l'occurrence Slimane Bouchaïr, M. Azzouz répond : "Chez nous, à la fédération, à la Centrale syndicale, il n'est pas suspendu. Il est toujours syndicaliste et membre de l'Ugta. S'il a des soucis avec son entreprise, avec nous, il n'en a aucun." Contacté, M. Bouchaïr nie toutes ces accusations. "En tout cas, l'affaire est en justice. La justice est au-dessus de tout le monde. Et je crois en la justice de mon pays", se défend-il. Selon lui, une commission d'enquête a été dépêchée et une réunion a été tenue le 17 janvier dernier en présence de l'inspecteur général du ministère des Ressources en eau, du SG de Seaal, du chef du département des recrutements et du directeur des ressources humaines, ainsi que de deux membres de la Fédération de l'hydraulique de l'UGTA. "Aucune preuve de toutes ces accusations n'a été fournie par la direction de Seaal lors de cette rencontre", soutient Slimane Bouchaïr. Il était question que d'autres réunions soient programmées dans le cadre de cette enquête, affirme-t-il, mais aucune suite n'a été donnée depuis cette date à cette affaire par les responsables concernés...
Badreddine KHRIS
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Posté Le : 04/04/2021
Posté par : presse-algerie
Ecrit par : Badreddine KHRIS
Source : www.liberte-algerie.com