Une sorte de devoir de solidarité face à l'adversité organiséedu «système» fait, aujourd'hui, qu'il est malaisé de commenter l'exercice del'information chez des confrères. On pourra ainsi, selon cette politesse, critiquerles dérives sémantiques d'un ministre des Anciens moudjahidine, mais pasrevenir sur l'utilisation qu'en font certaines publications, ni sur lasurenchère commerciale qui peut en suivre, ni sur la myopie grave que celainduit. En Algérie, l'islamisme « vertical », celui qui a visé le califat à laplace de l'Etat semi-laïque et semi-socialiste,a cédé la place à une sorte d'islamisme horizontal qui mêle à la fois leconservatisme sophistiqué de la haute nomenklatura, le charlatanisme à based'herbes médicinales du peuple appauvri, le fonds de commerce de l'arabitéexclusive et le nationalisme réduit à une collection d'artefacts hypersusceptibles. Surfant sur le courant commercialement rentable, certainss'embarquent, depuis quelques mois, dans une sorte de dopage inconscient decette matrice dangereuse qui nous a coûté une décennie de sang et qui nouscoûte aujourd'hui la promesse d'autres désastres et de meurtres au nom del'orthodoxie, d'autres violences et d'autres sous-développements cérébraux. Car,à la fin, y a-t-il une différence entre l'affaire d'une peluche d'ours affabulédu nom du Prophète qui vaut à une instructrice anglaise la prison au Soudan etcette propension à faire des « unes » avec un chanteur Raï converti dansl'élevage des vaches et présenté comme une exemple de repentir religieux, oul'information qui réduit l'enjeu des chocs de culture à la découverte d'unjouet illustré avec des images dites de « croisades » indirectes, ou l'étalageimprudent sur la campagne d'une association d'Oulémas qui part faire une guerrecontre une église clandestine que l'on découvre uniquement en Kabylie commepour encourager des préjugés connus ? Ne voit-on pas que l'on ne fait quenourrir encore plus les effondrements moraux des Algériens, leur fausseperception du religieux non négociable avec autrui, l'intolérance ou le «gonflage » des polémiques catastrophiques qui obnubileles esprits ? Pourquoi aujourd'hui pleurer les morts d'une décennie deviolences terroristes et ne faire que perpétuer les schémas mentaux qui ontconduit nos adolescents à prendre le maquis au lieu de sourire à la vie et auprochain ? Si on a souvent accusé notre Ecole nationale d'avoir produit desimberbes barbus, il faut aujourd'hui prendre conscience qu'on en produit aussiavec des journaux, des articles, de faux cris d'indignation confessionnelle etde faux problèmes de reliques non conformes aux Zaouïatescérébrales. Il faut peut-être en prendre conscience et arrêter de faire dans leridicule qui s'illustre déjà assez souvent dans la géographie du monde musulman,sous la tête masquée de certains de ses donneurs de Fetwapar satellites et qui nous habille avec un ridicule qui nous tue, nous, avecces images qui nous montrent, souvent, comme des hurleurs face aux camérasétrangères. Arrêtons de donner à voir une barbe et une croix à chaque événementchez nous, nous l'avons assez payé et nous le payons encore aujourd'hui.
-
Votre commentaire
Votre commentaire s'affichera sur cette page après validation par l'administrateur.
Ceci n'est en aucun cas un formulaire à l'adresse du sujet évoqué,
mais juste un espace d'opinion et d'échange d'idées dans le respect.
Posté Le : 04/12/2007
Posté par : sofiane
Ecrit par : Kamel Daoud
Source : www.lequotidien-oran.com