L’expérience algérienne en matière de transferts d’eau semble inspirer les pays du pourtour méditerranéen, eux qui considèrent l’Algérie comme étant «modeste» quand il s’agit de faire entendre sa voix en la matière.
Mohamed Kebci - Alger (Le Soir)
Il n’est un secret pour personne, l’un des défis majeurs, sinon le défi majeur de ce nouveau siècle, est incontestablement celui de l’eau. Une problématique qui se pose avec davantage d’acuité dans le pourtour méditerranéen, une région semi-aride dont les populations doivent aussi faire face à une extrême irrégulière pluviométrie.
Et pas que ces aléas puisque les pays de la région butent sur une disparité spaciale en termes de disponibilités hydriques puisqu’on peut trouver en abondance de l’eau dans une région où on en a moins ou pas du tout besoin et inversement.
D’où le recours depuis le temps au transfert de l’eau d’une région où il y en a en grande quantité dans d’autres où il y en a peu ou du tout pas.
Une option, un choix de ces transferts qui fait l’objet, depuis hier et durant deux jours, d’un atelier régional à Alger. Une occasion pour l’Algérie, comme le signifiera notre ministre des Ressources en eau, «de densifier et de diversifier les relations entre les différents acteurs de l’eau de la région».
Elle constitue aussi, selon Hocine Necib, «un point de départ pour la mise en place d’une plate-forme Algérie de dialogue et d’échanges dans le domaine de l’eau entre las pays méditerranéens».
Et parce que les enjeux, que la question de l’eau englobe dans un contexte de demande de plus en plus croissante, dictent la mobilisation des efforts de tous les pays du monde pour relever les défis partagés d’accès à l’eau pour tous, le secteur a été élevé ces dernières années au rang des grandes priorités nationales.
Une décision politique traduite dans les faits par le lancement de grands chantiers de l’eau, notamment les infrastructures de mobilisation des ressources en eaux superficielles et souterraines et de transfert à même de surmonter les conséquences de la variabilité pluviométrique et la diminution des réserves accentuées par le changement climatique.
Ceci en sus du recours aux eaux non conventionnelles via un vaste programme de dessalement d’eau de mer pour sécuriser l’approvisionnement en eau potable des agglomérations et localités côtières et des régions intérieures du pays.
Pour le ministre, si l’Algérie a entamé la réalisation des grands transferts d’eau, c’est que ces derniers constituent une «solution incontournable» pour, selon lui, «assurer une équité territoriale dans l’accès à l’eau tant pour les populations que pour le développement des activités agricoles, industrielles et touristiques».
Une solution qui ne doit pas être, cependant, «exclusive» ou «contraire aux autres», pour la présidente de l’Institut méditerranéen de l’eau, Millagros Couchoud, pour qui toutes les solutions se doivent d’être enclenchées en même temps.
Pour sa part, le secrétaire général de la commission internationale des grands barrages soutiendra que le recours aux transferts remonte à loin dans le temps avec, cependant, les plus grands transferts enregistrés au 20e siècle, citant ceux réalisés entre les Etats-Unis et le Canada, l’Inde et le Pakistan ou encore le Lesotho et l’Afrique du Sud et ceux en Europe de l’Est.
Pour Michel De Vivo, les 50.000 grands barrages et le million d’autres petits barrages à travers le monde suffisent à peine à satisfaire les besoins de la population planétaire à hauteur de seulement 30%.
Et de se projeter sur 2050 où la Terre atteindra les 9 milliards d’habitants dont 50% concentrés dans les grandes villes avec un niveau de vie qui s’améliorera, d’où une consommation en eau et en énergie qui vont doubler, sans compter la contrainte majeure du changement climatique. Il faudra d’ores et déjà accroître les capacités de stockage, estimera-t-il.
Mais ces projets des transferts d’eau d’une région à une autre, tout comme bien d’autres projets, n’ont pas que des adeptes. Et à ce sujet, le président honoraire du conseil mondial de l’eau ira jusqu’à parler de lobbies qui font tout pour «ne rien faire». Et Loic Fauchon de plaider pour des projets «socialement tolérables, écologiquement acceptables et politiquement compatibles». Des transferts «équitables, durables et intelligents au sens le plus profond du terme», ajoutera-t-il, estimant qu’il faudra «maîtriser les besoins, les réguler».
Et dans ce domaine, Fauchon affirmera que l’Algérie «montre la voie de manière assez exceptionnelle» mais demeure, néanmoins, «trop modeste quand il s’agit de «faire entendre sa voix».
M. K.
Posté Le : 10/12/2013
Posté par : akarENVIRONNEMENT
Photographié par : Photo: djazair50.dz ; texte: Mohamed Kebci
Source : LeSoirdAlgerie.com du mardi 10 décembre 2013