Algérie

Grandeur et décadence des «janviéristes» Edito : les autres articles



Grandeur et décadence des «janviéristes»                                    Edito : les autres articles
Ils n'ont pas été scrupuleux avec la légalité, n'ont pas fait dans la dentelle durant la «sale guerre» de la décennie 1990 et pourtant grâce à eux, l'Algérie a évité de sombrer dans le chaos de l'intégrisme. Ce sont les «janviéristes, ces généraux et autres officiers supérieurs qui ont décidé en janvier 1991 d'interrompre le processus électoral qui a vu le FIS l'emporter au premier tour. Toutes ces vingt dernières années, ils ont été au c'ur d'une dure polémique sur la signification et la portée de leur geste. Réconciliateurs ou anti-éradicateurs, leurs détracteurs les accusèrent d'avoir commis un «coup d'Etat» et de s'être rendus coupables de la disparition de nombre de citoyens durant les opérations sur le terrain. Mais les «janviéristes» ont aussi bénéficié du soutien et de la sympathie de pans entiers de la société politique et civile qui rappelèrent volontiers qu'Hitler est arrivé au pouvoir par les urnes et que toute montée au pouvoir de la mouvance FIS à la tête du pays signifiait la fin des acquis républicains et démocratiques engrangés depuis l'indépendance. Pire, l'Algérie aurait subi le sort de l'Afghanistan ou de la Somalie ravagés par une guerre civile sans fin.
L'histoire a fini par donner raison à ces derniers. Les années 1990 furent une épreuve épouvantable par le nombre de morts, de blessés et de traumatismes psychiques. La sauvagerie des groupes armés a été sans pareil, car il leur fallait détruire l'Etat et en même temps dompter la société algérienne par la terreur. Le GIA, l'AIS, le GSPC puis AQMI, sur le tard, affichèrent volontiers leur intention de «purifier» l'Algérie, c'est-à-dire de la débarrasser de tout ce qui n'était pas conforme à leur doctrine, une sorte de salafisme teinté de charlatanisme d'émirs incultes, une vision totalement éloignée du vrai islam et des valeurs culturelles séculaires de la population. Plusieurs Etats étrangers, dont l'Arabie Saoudite et l'Iran, s'impliquèrent directement dans la mise en 'uvre de cette entreprise destructrice, avec la complicité tacite de la plupart des pays occidentaux. La France officielle s'y distingua particulièrement en faisant sienne le concept du «qui tue qui '» qui avait pour objectif de brouiller les cartes et de dédouaner l'intégrisme armé. L'Algérie fut mise sous embargo international total. L'espoir porté par Boudiaf s'évanouit avec son assassinat. L'étau ne commença à se desserrer autour du pays qu'une fois la population, sortie de sa peur, s'engagea à fond contre les groupes armés. Incarnée par les patriotes et par l'engagement de la société civile, la résistance populaire finit par trouver l'écho auprès de l'opinion publique internationale après l'attaque des tours jumelles de New York par les hommes de Ben Laden.
L'interruption du processus électoral fut dès lors légitimée, la pression terroriste se relâcha, mais l'Algérie ne retrouva pas pour autant le chemin de la démocratie. Installé en 1999 à la tête de l'Etat à l'issue d'une parodie électorale, Abdelaziz Bouteflika se retourna contre les janviéristes, ceux-là mêmes qui l'avaient porté au pouvoir : il les écarta et déclara publiquement que l'interruption des législatives de 1991 a été la «première violence». Il leur porta l'estocade finale en mettant en place la «réconciliation nationale». La société souffrit doublement : de voir les criminels d'hier circuler en toute liberté et de subir de nouveau un régime politique liberticide et corrompu. Les janviéristes ont fait gagner à l'Algérie une bataille, mais ils lui ont fait perdre la guerre, celle de la démocratie. En portant leur choix sur un de ses hommes les plus durs et les plus fermés, ils ont reconduit l'ancien système nourri à la pensée unique. Rien n'a pu ébranler ce régime et cela depuis plus d'une dizaine d'années, y compris la vague de révoltes arabes sur laquelle il a su surfer d'une manière aussi intelligente que diabolique. Et il escompte aujourd'hui retomber sur ses pieds à l'issue des nouvelles élections de l'année 2012 par le biais d'un compromis contrenature avec les islamistes.


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